Selon l'arrêt Narcy, le service public est une activité d'intérêt général, assurée ou exercée sous le contrôle d'une personne publique au moyen de prérogatives de puissance publique. Mais le critère consistant dans la présence d'une personne publique s'est avéré plus complexe à partir des années 30 et notamment à partir de l'arrêt du Conseil d'État, Établissements Vézia. Dès lors, une relative déconnexion entre personne publique et service public s'est fait ressentir.
En l'espèce, un décret relatif à l'organisation des sociétés indigènes de prévoyance en Afrique occidentale française a été pris le 9 novembre 1933. Ce décret autorise ces sociétés à organiser la vente des produits de leurs adhérents ainsi que l'expropriation par la colonie, au profit des sociétés, des immeubles nécessaires à leur fonctionnement. La société anonyme des Établissements Vezia demande alors au conseil d'État d'annuler
pour excès de pouvoir le décret du 9 novembre 1933.
Pour le Conseil d'État il s'agit de savoir si une personne privée peut assurer une mission de service public.
[...] La crise du service public qui est née avec cet arrêt a continué avec l'arrêt rendu par le Conseil d'État le 13 mai 1938, Caisse primaire aide et protection. Si en l'espèce le Conseil d'État admet que des personnes privées poursuivant un but d'intérêt public assurent une mission de service public, il admet en 1938 que les personnes privées exerçant des services d'intérêt public soient considérées comme de véritables services publics, avec donc toutes les conséquences du droit public. L'arrêt qui nous est soumis à l'étude verra donc sa solution confirmée et étendue (...)
[...] Ainsi, on peut se demander si le Conseil d'État n'a pas voulu donner ici sa propre définition. Cependant, la distinction que fait cet arrêt entre les services d'intérêt public et les services d'intérêt général n'a jamais été faite en droit positif, nous conduisant de ce fait à s'interroger sur l'intérêt de cette distinction et du recours à cette notion, car quelle peut être la différence entre services d'intérêt public et services d'intérêt général ? Quoi qu'il en soit, il ressort donc clairement que le critère finaliste n'est pas précisé dans cet arrêt, le Conseil d'État faisant référence à une notion qui n'existe désormais plus et pour laquelle différentes interrogations ont pu se poser. [...]
[...] Pour le Conseil d'État il s'agit de savoir si une personne privée peut assurer une mission de service public. Le Conseil d'État rejette la demande de la société des Établissements Vezia. Il estime d'une part, que le décret ne porte pas au principe de la liberté du commerce une atteinte de nature à entacher d'illégalité le décret attaqué D'autre part, il considère qu'à raison du caractère d'intérêt public qui s'attache, dans les circonstances sus-relatées, aux opérations des sociétés de prévoyance, de secours et de prêts mutuels agricoles et en l'absence de toute disposition législative qui s'y oppose, il appartenait au gouvernement ( ) de disposer ( ) que les immeubles nécessaires au fonctionnement des organismes dont s'agit seraient au besoin appropriés par la colonie et rétrocédés à la société intéressée Le Conseil d'État reconnaît ainsi la possibilité pour les personnes privées d'assurer des missions de service public mais encadre tout de même cette possibilité (II). [...]
[...] Cette déconnexion entre la personne publique et le service public se traduit alors par une évolution du critère organique. B-Une possibilité reconnue aux personnes privées permettant une évolution des critères qualifiant le service public Avant 1935 il fallait un organe administratif et une mission d'intérêt général, désormais avec l'arrêt Établissements Vezia il faut soit un organe administrait soit une mission d'intérêt général. On assiste à une dissociation entre le service public entendu comme organe administratif et le service public entendu comme fonction. [...]
[...] II-La possibilité reconnue aux personnes privées d'assurer une mission de service public soumise à des restrictions A-Le nécessaire rattachement à une personne publique L'arrêt Établissement Vezia dispose que en l'absence de toute disposition législative qui s'y oppose, il appartient au gouvernement ( ) de disposer ( ) que les immeubles nécessaires au fonctionnement des organismes dont s'agit serait au besoin appropriés par la colonie et rétrocédés à la société intéressée impliquant par là qu'il y a bien un contrôle d'une personne publique. Ça signifie que pour considérer qu'une activité prise en charge par une personne privée est bien un service public, il faut impérativement qu'une personne publique exerce un minimum de contrôle sur cette activité. Il n'est pas non plus possible de voir des services publics en dehors des personnes publiques. [...]
[...] Ainsi est réalisée une véritable distinction entre l'activité de service public et l'institution chargée de gérer ce service. Ces deux solutions qui mettent à mal le critère du service public et qui ont permis de voir une crise dans la notion de service public amorcent une autre évolution : la distinction entre les services publics industriels et commerciaux et les services publics administratifs qui, elle aussi, sera à l'origine d'une nouvelle période qualifiée de crise. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture