Les aléas du droit administratif nous ont aujourd'hui valu d'avoir à résoudre le cas pratique suivant : un maire d'une quelconque commune souhaite établir un couvre-feu à partir de 22h dans sa ville et vous demande conseil sur les mesures qu'il pourrait mettre en œuvre… A fortiori, il n'est guère étonnant de voir surgir ce thème de l'instauration de couvre-feu, car celui-ci ne cesse de se manifester dans l'actualité récente, voire brûlante : depuis le début des années 2000, la thématique sécuritaire est récurrente à la fois dans le discours et l'action de l'administration, ce qui a pu être rendu visible par l'instauration de caméras de vidéosurveillance et de ces fameux couvre-feux dans plusieurs villes.
Par exemple, la municipalité de Nice et son maire Christian Estrosi viennent ainsi de mettre en place un couvre-feu pour les mineurs en décembre 2009. Encore plus récemment, l'Assemblée nationale a adopté en février de cette année la possibilité de couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans, mais dans ce cas précis, pouvoir est désormais donné aux préfets et non plus seulement aux maires d'ordonner un éventuel couvre-feu, ce qui montre bien tous les enjeux que la question suscite.
[...] Tout d'abord, l'objectif même de l'action doit répondre à un but bien précis, en l'occurrence celui de prévention et non de répression. Concrètement, il s'agit de protéger les mineurs contre des dangers éventuels exposés la nuit seule, qui tiennent tant au risque d'être personnellement victimes d'actes de violence qu'à celui d'être mêlés, incités ou accoutumés à de tels actes (CE juillet 2001, ville d'Étampes). Par ailleurs, la légalité d'un arrêté couvre-feu n'est garantie que lorsque la sécurité des enfants est immédiatement compromise (CE août 2001, Préfet du Vaucluse), donc cette précaution doit être inévitablement et expressément prévue dans le dit arrêté. [...]
[...] Considérant le fait que les pouvoirs de police lui appartiennent en propre, celui-ci n'a pas à demander l'avis du conseil municipal. De même, s'il peut consulter la population par référendum depuis la révision constitutionnelle de mars 2003, cette consultation n'a aucune valeur juridique. En effet, l'article 72-1 alinéa 2 de la Constitution dispose les conditions prévues par une loi organique, les projets de délibération ou actes relevants d'une collectivité territoriale peuvent, à son initiative être soumis par la voie du référendum à la décision des électeurs de cette collectivité La loi semble accorder de grandes prérogatives au maire qui dispose de facto de pouvoirs de police importants. [...]
[...] En d'autres termes, plus la liberté est menacée, plus le contrôle du juge sera important. Le couvre-feu est un acte de nature à compromettre l'exercice d'une liberté publique ou individuelle (Art. L.554-3 CJA et Art. L.1231-6, al CGCT) dans la mesure où la liberté d'aller et venir est une liberté individuelle constitutionnellement garantie. C'est pourquoi il faut maintenant s'interroger sur les conditions que la jurisprudence édicte pour qu'un tel acte soit légal. B. [...]
[...] Et comme le soulignent Joëlle Adda et Jean-Pierre Demouveaux, la légalité des arrêtés dits de couvre-feu doit s'apprécier au cas par cas et c'est pourquoi après avoir abordé les aspects théoriques et jurisprudentiels du droit administratif en la matière, nous allons désormais procéder à la résolution du cas spécifique qui nous a été proposé. C. Solution du cas pratique Le maire est a priori compétent pour établir un couvre-feu. Il doit, pour ce faire, procéder par arrêté municipal sans demander l'avis du conseil municipal. Mais le couvre-feu constituant une mesure qui contrevient à la liberté fondamentale d'aller et de venir librement, celle-ci doit être obligatoirement motivée. En d'autres termes, le maire devra justifier de buts et de moyens précis pour que son arrêté soit légal. [...]
[...] En d'autres termes, l'instauration d'un couvre-feu ne peut être légale que si elle est justifiée. On touche là à la première de la double condition subordonnant la légalité du couvre-feu, et notamment définie dans l'arrêt du 13 septembre 2004 de la CAA de Marseille : les arrêtés de couvre-feu doivent en effet être justifiées par l'existence de risques particuliers pour les secteurs dans lesquels ils sont édictés D'après la jurisprudence, la détermination de cette existence de risques particuliers demeure flexible : tout au plus faut-il qu'une certaine augmentation de la délinquance ait été observée dans la commune, de même que la constitution de bandes de mineurs et une importance croissante de la part prise par ceux-ci dans la délinquance ou même à des secteurs jugés pas particulièrement sensibles mais à cause de la taille réduite de la commune et de l'éventuelle mobilité des bandes de délinquants (CE août 2001, Préfet du Vaucluse ; CE août 2001, Commune d'Yerres ; CE juillet 2001, ville d'Étampes ; CAA Paris décembre 2002, Commune d'Yerres). [...]
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