Utilité publique, expropriation, propriété, DDHC Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, Philippe Le Bel, droit de propriété, juge administratif, irrégularité procédurale, arrêt Maupas, contrôle de l'utilité publique, administration
Si j'interrogeais les passants dans la rue sur le terme "expropriation", il ne serait pas surprenant que leurs réponses évoquent immédiatement des sentiments de crainte, d'injustice, ou encore la peur d'un arbitraire de l'État. Pour autant, notre droit en matière d'expropriation repose notamment sur l'article 17 de la DDHC, au titre duquel nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique et sous condition d'une juste et préalable indemnité.
Or, si l'on commençait à laisser à l'administration la possibilité d'exproprier, mesure privative du droit de propriété et donc hautement attentatoire aux droits des individus, sans respecter strictement le principe d'utilité publique, alors cela dériverait vers un régime autoritaire ou vers une forme d'Ancien Régime, où l'expropriation pouvait être exercée dans l'intérêt propre du souverain. En témoigne l'agrandissement du palais de Philippe le Bel, situé sur l'île de la Cité. Quant à Louis XI, il provoqua des échanges lui permettant d'obtenir des châteaux ligériens qu'il souhaitait transformer en résidences, notamment Amboise (1461-1462) et Montil-lès-Tours (1464).
[...] Dès lors, le contrôle européen ne constitue pas une garantie suffisante contre les abus de l'administration, puisqu'il ne remet pas en question la finalité même de l'expropriation et laisse intacte cette question au pouvoir discrétionnaire des États. B. Une jurisprudence régressive renforçant les possibilités d'abus de l'administration Dans l'arrêt Maupas contre France, la CourEDH s'est prononcée sur l'impact d'une modification du tracé d'un projet d'expropriation après la clôture de l'enquête publique. Les requérants contestaient l'absence de nouvelle consultation publique, estimant que cette modification avait porté atteinte à leurs droits. [...]
[...] Toutefois, en pratique, ce contrôle s'avère insuffisant pour protéger efficacement les propriétaires contre les abus de l'administration. En effet, la jurisprudence montre que le juge administratif n'annule les déclarations d'utilité publique qu'en cas d'erreur manifeste d'appréciation. Autrement dit, seuls les inconvénients manifestement disproportionnés ou injustifiés sont sanctionnés, ce qui réduit considérablement la portée effective de ce contrôle. Ainsi, le Conseil d'État a censuré une DUP en raison d'un coût financier excessif dans l'arrêt Grassin de 1973. De même, dans un arrêt du 25 novembre 1988, 6/2 SSR, n°74232, la haute juridiction a annulé une DUP au motif que « l'intérêt limité du projet ne saurait justifier l'atteinte grave portée à la propriété des époux X . [...]
[...] En quoi le contrôle de l'utilité publique par le juge constitue-t-il une garantie insuffisante contre les abus de l'administration en matière d'expropriation ? Si j'interrogeais les passants dans la rue sur le terme « expropriation », il ne serait pas surprenant que leurs réponses évoquent immédiatement des sentiments de crainte, d'injustice, ou encore la peur d'un arbitraire de l'État. Pour autant, notre droit en matière d'expropriation repose notamment sur l'article 17 de la DDHC, au titre duquel nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique et sous condition d'une juste et préalable indemnité. [...]
[...] Si le contrôle du juge constituait une véritable garantie contre les abus de l'administration, l'annulation d'une telle déclaration ne devrait pas être un événement marquant, mais une décision courante. Ainsi, la rareté de telles censures confirme que la théorie du bilan ne constitue pas un rempart efficace contre les abus de l'expropriation. B. Un contrôle in concreto aux effets paradoxaux, contraires à sa finalité protectrice Le contrôle in concreto du juge administratif présente des effets paradoxaux, particulièrement en matière de détournement de pouvoir. [...]
[...] 26. - Bertrand Seiller, Pour un contrôle de la légalité extrinsèque des DUP, AJDA 2003, p. 1472. - Sabine Boussard, Christophe Le Berre, Droit administratif des biens, Lextenso, 12/11/2019, Chapitre Le cadre juridique de l'expropriation, section 2 La finalité. - Lucienne Erstein, DUP : voie de l'exception toujours ouverte, La Semaine Juridique - Administration et Collectivités territoriales, n° septembre 2021. - Marc Gjidara, L'acquisition des biens publics notamment par expropriation, p. 36. [...]
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