Considérés a priori, le droit de la concurrence et le droit de la propriété intellectuelle semblent être par essence antinomiques. En effet, le second offre à un agent économique une situation de monopole que le premier va chercher à défaire au nom de la garantie du jeu concurrentiel.
Cette relation électrique entre les deux droits a prévalu en Europe et aux Etats-Unis jusqu'à récemment. L'instauration des premiers droits de la propriété intellectuelle a ainsi du essuyer les attaques des défenseurs d'une concurrence pure et parfaite. Ces derniers soutenaient que la création intellectuelle devait profiter à tous, tandis que les promoteurs des propriétés intellectuelles affirmaient, à l'image de Jean-Baptiste Jobard, que « la libre concurrence dans le domaine industriel et commercial mène immanquablement à la guerre » .
Il apparaît cependant que la conception même des droits de la propriété intellectuelle soit en pleine mutation. De fait, leur application comme leur mise en œuvre semble de plus en plus régie par des considérations économiques. Le postulat selon lequel les droits de la propriété intellectuelle seraient une consécration de l'effort intellectuel se dilue dans une vision plus patrimoniale de ces droits. Ces derniers seraient ainsi un instrument économique indispensable à la vie commerciale et industrielle, dont le placement sous la tutelle et la surveillance du droit de la concurrence apparaît dès lors logique.
Se pose alors la problématique suivante: les droits de la propriété intellectuelle sont-ils irrésistiblement divergents du droit de la concurrence ? Nous répondrons à cette interrogation en soulignant que ces deux droits sont par essence antinomiques du fait de leur divergence de moyens mais convergents par leur finalité (I) avant de soutenir la nécessité de quitter la sphère tribale du tiraillement entre conflit et divergence pour défendre une thèse selon laquelle ces deux droits sont finalement complémentaires (II).
[...] Par ailleurs, il est communément admis que le droit de la propriété intellectuelle ne confère pas ipso facto un pouvoir de monopole (ce qu'a réaffirmé la Cour de justice européenne dans l'arrêt Deutsche Gramophon). Tous deux partagent un souci d'efficience, qui les conduit à diverger dans leur philosophie selon que l'on se place sur le plan de l'efficacité statique ou dynamique. Ainsi, le droit de la concurrence favorise plutôt l'efficacité statique en cherchant à pallier la perte de surplus des consommateurs associée au monopole. A contrario, le droit de la propriété intellectuelle, en incitant à l'innovation, promeut l'efficacité dynamique. [...]
[...] Dans l'arrêt Magill la Cour de Justice des communautés européennes a résolu (pour l'instant) la question cruciale du traitement des créations par le biais d'une théorie issue de l'ordre normatif concurrentiel : celle des facilités essentielles, c'est-à-dire les objets non reproductibles à des coûts raisonnables et indispensables à l'exercice d'une activité, ce qui justifie d'en abolir le droit de propriété. On considère alors que les bénéfices sociaux doivent l'emporter sur les incitations privées. La CJCE a dans le cas d'espèce appliqué le critère de la non existence d'une alternative en faisant une analyse sur la forme plutôt que sur la substance de l'information. La théorie des facilités essentielles a également justifié la décision de la cour dans l'affaire IMS Health Mais ne faut-il pas craindre d'avoir ouvert une boîte de Pandore ? [...]
[...] L'exigence d'un monopole des droits qui fonde les droits de propriété intellectuelle peut être justifiée par l'importance des coûts d'innovation. Pourquoi en effet investir dans les activités de research and development si les produits et les services développés ne seront pas efficacement protégés ? Pourquoi permettre à un concurrent d'éviter ces frais de R&D et lui céder des droits d'exploitation ou de savoir- faire, en lui permettant de s'introduire dans le même marché ? En contrepoint, la méfiance du droit de la concurrence à l'égard du droit de la propriété intellectuelle est aisément compréhensible : Le droit de la concurrence est en effet notamment destiné à garantir la libre jouissance des innovations au prix le plus bas (sans que la qualité en pâtisse) pour les consommateurs. [...]
[...] Bowman, Jr., Patent & Antitrust law: A legal & Economic appraisal 1. Le refus fait obstacle à l'apparition d'un produit nouveau que le titulaire n'offre pas et pour lequel il existe une demande potentielle de la part des consommateurs Le refus n'est pas justifié par des considérations objectives le refus est de nature à réserver à l'entreprise titulaire du droit de propriété intellectuelle le marché de la fourniture des données sur les ventes de produits pharmaceutiques dans l'Etat membre concerné, en excluant toute concurrence sur celui-ci). [...]
[...] Se pose alors la problématique suivante: les droits de la propriété intellectuelle sont-ils irrésistiblement divergents du droit de la concurrence ? Nous répondrons à cette interrogation en soulignant que ces deux droits sont par essence antinomiques du fait de leur divergence de moyens mais convergents par leur finalité avant de soutenir la nécessité de quitter la sphère tribale du tiraillement entre conflit et divergence pour défendre une thèse selon laquelle ces deux droits sont finalement complémentaires (II). Une philosophie et des moyens divergents au service d'une finalité commune Des droits par essence antinomiques Comme nous l'avons évoqué, le droit de la concurrence et le droit de la propriété intellectuelle semblent s'opposer l'un à l'autre parce qu'ils s'appliquent dans des sphères contraires. [...]
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