Les œuvres musicales sont considérées comme des œuvres de l'esprit et sont par conséquent protégées par l'article L112-2 du Code de la propriété intellectuelle. Une œuvre musicale ne devient une œuvre qu'à partir du moment où son auteur décide de la divulguer, c'est-à-dire de la communiquer au public. Il est néanmoins difficile de reconnaître les traits caractéristiques d'une œuvre musicale, et plus précisément son originalité. Cette question de l'originalité pose ainsi le problème de la contrefaçon et le moment à partir duquel une œuvre peut être considérée comme contrefaisante d'une œuvre préexistante.
C'est conformément à ce problème qu'a statué la première chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt “Djobi Djoba” du 16 mai 2006.
En l'espèce, le groupe de musique « el principe gitano » avait assigné le groupe « Gipsy Kings » en contrefaçon, leur reprochant d'avoir repris dans leur chanson “Djobi Djoba”, créée en 1982, les caractéristiques de leur œuvre “Obi Oba” déposée à la SGAE en 1979.
La Cour d'Appel de Paris dans son arrêt du 30 juin 2004 avait considéré qu'il n'était pas établi que les membres du groupe Gipsy Kings avaient eu connaissance de l'œuvre du groupe « el principe gitano » en raison d'une diffusion restreinte sur le territoire français.
La question qu'il convenait alors de se poser était celle de savoir si la diffusion restreinte d'une œuvre pouvait empêcher l'accès à cette œuvre, et plus largement sa contrefaçon. La première chambre civile de la Cour de cassation a répondu par la négative à cette question, en considérant qu'à partir du moment où il y a une diffusion de l'œuvre, son accès est rendu possible à tous.
[...] En l'espèce, les Gipsy Kings avaient argumenté qu'ils n'avaient pas eu connaissance de l'œuvre du groupe el principe gitano en raison d'une diffusion géographique limitée, puisque cette diffusion ne concernait que le Pays Basque français et la Catalogne française. La Cour d'Appel avait retenu cet argument et décidé qu'en raison d'une diffusion limitée, il n'était pas établi que les Gipsy Kings aient eu connaissance de la chanson Oba”. En effet, pour la cour, la diffusion restreinte n'emporte pas divulgation de l'œuvre. Or, la divulgation d'une œuvre ne suppose pas juridiquement une large diffusion et il importe peu que l'œuvre soit commercialisée dans un espace géographique restreint. [...]
[...] II / La contrefaçon palliée par l'existence d'une source d'inspiration commune L'auteur d'une œuvre seconde peut rapporter la preuve que son œuvre n'a en rien été copiée sur une œuvre préexistante mais cette preuve est difficile, voire même impossible à rapporter au vu de la jurisprudence actuelle A / L'existence d'éléments communs à deux œuvres de l'esprit Afin d'écarter sa culpabilité, un défendeur peut rapporter la preuve que son œuvre provient d'un fonds commun et que toute ressemblance avec une œuvre préexistante relève d'une rencontre fortuite ou bien encore d'une réminiscence Une similitude procédant d'une rencontre fortuite Afin de renverser la présomption de mauvaise foi pesant sur lui, l'auteur de l'œuvre seconde pourra tenter de prouver sa parfaite bonne foi. En effet, COLOMBET écrit à propos des variations musicales que [ . ] bien que les possibilités soient infinies, il peut y avoir entre deux œuvres des ressemblances dues uniquement au hasard : dans ce cas, la mauvaise foi sera toutefois présumée en raison des similitudes ; mais cette présomption simple pourra être renversée par la preuve de la bonne foi, qui exonérera tant du délit pénal que d'une condamnation civile [ . [...]
[...] Toutefois à partir du moment où l'œuvre seconde a été créée postérieurement et où elle présente des similitudes avec l'œuvre antérieure, il incombe à son auteur de prouver que ces similitudes ne sont dues qu'à la communauté de source et non à une copie ou imitation de l'œuvre que le demandeur a créée à partir de ce fonds, c'est-à-dire d'établir qu'il n'a repris que des éléments du fonds commun et non des caractéristiques originales de l'œuvre qui lui est opposée. Au fait que la Cour de cassation considère que l'acte effectué sans autorisation de l'auteur suffit à lui seul à établir l'atteinte aux droits, Desbois trouve l'explication selon laquelle l'originalité de la première œuvre ne nourrissant pas la seconde, les deux créations portent l'une et l'autre les empreintes des personnalités respectives de leurs auteurs. [...]
[...] De plus, la cour avait retenu que la chanson avait fait l'objet d'une diffusion phonographique à plusieurs milliers d'exemplaires et qu'il en résultait que l'accès à cette œuvre avait été rendu possible en raison d'une divulgation certaine, la Cour d'Appel se contredit. Ainsi il apparaît qu'en raison de la divulgation de l'œuvre musicale même sur une portion limitée de territoire, les Gipsy Kings auraient pu et auraient dû en prendre connaissance avant d'envisager toute commercialisation de leur œuvre “Djobi Djoba”. [...]
[...] Cependant, il parait assez peu probable que deux auteurs à trois années d'intervalle diffusent des œuvres presque identiques et dont les titres sont quasiment les mêmes. Retenir la rencontre fortuite ou bien la réminiscence dans le cas de l'espèce serait faire preuve de mauvaise foi, d'autant que les Gipsy Kings ne pourraient honnêtement affirmer ne pas avoir eu connaissance de l'œuvre précédemment diffusée étant donné cette proximité dans les titres. La Cour a néanmoins précisé, et cette solution peut aller en faveur des auteurs d'œuvres secondes, qu'en cas de reproduction d'une œuvre, le présumé contrefacteur échappera à la condamnation s'il démontre que les similitudes existant entre les œuvres procèdent d'une rencontre fortuite ou de réminiscences résultant notamment d'une source d'inspiration commune Ainsi, il serait possible d'échapper à la contrefaçon, si le présumé contrefacteur arrive à démontrer soit qu'il n'a pas pu avoir accès à l'œuvre originale, soit que la ressemblance est involontaire. [...]
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