Un auteur américain vivant en France, John Lamore, arguait que le film "Waterworld", sorti en 1995, et le roman de science-fiction dont il était issu étaient des contrefaçons de son ouvrage "Tideworks", écrit en 1981, jamais publié, et déposé avant la sortie du film au US Copyright Office en 1995. Si les faits sont intrigants, la décision de droit opérée par la Cour de cassation l'est tout autant, dans la mesure où celle-ci a confirmé l'application par la Cour d'appel de la loi américaine pour apprécier la contrefaçon de droit d'auteur, et cela, en vertu de l'article 5.2 de la Convention de Berne.
On pourrait penser que l'élection d'un droit étranger pour défendre un droit privatif en France résulte d'une question de pur fait et non de droit. Ce n'est clairement pas le cas ici, puisque la Cour de cassation entend dans cet arrêt, publié au Bulletin, trancher un dilemme récurent dans sa jurisprudence : savoir si le délit de contrefaçon doit s'apprécier au regard du droit du lieu du fait générateur ou du dommage, lorsque les deux sont dissociables.
L'arrêt Lamore ne pose-t-il pas plus de problèmes qu'il n'en résout ?
[...] Cela dit le juge de première instance en avait déduit l'application de la loi française, tandis que le juge d'appel avait élu la loi américaine. Il s'en était suivi que la contrefaçon fut rejetée. En vertu de la Convention, chaque acte de contrefaçon sur un territoire national doit s'apprécier comme un délit distinct. Il en va ainsi de l'hypothèse d'une pluralité de délits. Ainsi, en propriété littéraire et artistique, l'exploitation d'une même œuvre sur différents territoires par les mêmes personnes porte préjudice aux mêmes ayants droit. [...]
[...] Celui-ci ouvre une brèche qui dans certaines situations va générer un déséquilibre flagrant entre les intérêts du demandeur à l'action en contrefaçon et le défendeur. A cet égard on ne peut imaginer qu'un arrêt satisfaisant en l'espèce devienne un véritable arrêt de principe, facilitant à la fois la vie aux contrefacteurs et écartant l'application du principe général du règlement Rome II. II) L'ouverture d'une brèche Si la Cour de cassation a pensé éviter d'autres solutions contestables son choix ne va pas sans poser de terribles problèmes en matière de délits complexes, tout particulièrement en matière de réseaux A. [...]
[...] La nature immatérielle des œuvres pousserait à élire la loi du for afin de faciliter la gymnastique, mais ce n'est pas le critère retenu par la Convention de Berne qui fait le choix de législation du pays où la protection est réclamée Ce critère, appliqué aux délits complexes, pose donc une alternative entre la loi du lieu du fait générateur ou celle du lieu du dommage. Ainsi en l'espèce, le choix par la Cour de cassation de la loi du lieu du fait générateur et non du dommage conduit à importer le droit américain en France. [...]
[...] Cette première lecture rendrait donc pérenne la solution de l'arrêt Lamore. Mais d'autres auteurs sont loin d'afficher ce pessimisme de certains. L'interprétation du règlement Rome II du 11 juillet 2007, telle que faite par Tristan Azzi[2], permet de délaisser la solution de l'arrêt Lamore en faveur du principe général de l'article 4 du règlement. En effet, la formule de l'article 5.2 de la Convention de Berne n'impose en rien d'élire la loi du fait générateur au lieu de celle du dommage. [...]
[...] - Julien LACKER, Google, sage comme une image ? Ou l'application du droit américain à un site à destination du public français Revue Lamy Droit de l'Immatériel, 10-2008 N°42 - TGI Paris, 3e ch., 1re sect mai 2008, RLDI 2008/39, 1291,. Est assimilée à une représentation l'émission d'une oeuvre vers un satellite Revue critique de droit international privé p.769, note T.Azzi Le recours à des règles uniformes devrait améliorer la prévisibilité des décisions de justice et assurer un équilibre raisonnable entre les intérêts de la personne dont la responsabilité est invoquée et ceux de la personne lésée. [...]
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