Cour de cassation, 1re chambre civile, 6 novembre 2002, arrêt Henri Salvador, droit moral, auteur, artiste interprète, compilations de chansons, enregistrements, conditions de vente, commentaire
En l'espèce, une société avait réalisé une compilation de 18 titres du chanteur Henri Salvador, dont il était auteur pour 6 d'entre eux et interprète pour les 12 restants, ces derniers étant tombés dans le domaine public.
Cette compilation, illustrée par une photographie du chanteur dont l'utilisation n'avait pas été préalablement autorisée, avait par la suite été commercialisée en grande surface au prix d'un euro.
[...] Avec un tel raisonnement, n'importe qui aurait pu retrouver son visage sur n'importe quelle publicité pour de la lingerie érotique ou pour un shampoing anti-chute de cheveux sans ne pouvoir s'y opposer. En retenant simplement que c'est l'usage de la photographie hors des limites de l'exercice de la liberté d'expression qui caractérise l'atteinte au droit à l'image, la Cour de cassation a sagement rappelé la Cour d'appel à l'ordre et prévenu l'émergence d'une règle dont les conséquences auraient été dramatiques. L'arrêt Henri Salvador : menace sur le domaine public en droit de la propriété littéraire et artistique, Tristan Azzi in Recueil Dalloz 2010, p.1466 Ibid Ibid Cass. [...]
[...] Le premier élément qui frappe l'esprit réside dans le fait que la Cour de cassation opère ici une ingérence indue dans la sphère économique et, par là même, dévoie le droit d'auteur de sa finalité. L'on ne peut que se demander : qu'est-ce qu'un prix dérisoire sans commune proportion au prix du marché ? Quel est le secret que possède la Cour de cassation qui lui permet de connaître la valeur d'un produit et en particulier celle d'une œuvre de l'esprit ? [...]
[...] Ainsi, dans le meilleur cas, la solution rend le processus de reproduction des vieux enregistrements plus onéreux et, dans le pire, il la rend impossible. L'on pourrait alors argumenter que cette solution permet de faire en sorte de conserver une certaine qualité des œuvres tombées dans le domaine public de telle manière à ce qu'elles survivent à leur support. Mais, les éditeurs de musique ne sont pas des conservateurs, et le risque est que certaines d'entre elles ne soient tout simplement plus exploitées dès lors que les éditeurs n'y trouveraient pas leur compte économiquement si les profits attendus sont trop faibles compte tenu du coût de la restauration. [...]
[...] Comme le relève Tristan Azzi, la Cour de cassation, en mentionnant le caractère imprescriptible du droit moral de l'artiste interprète, ne répond pas à la question de la durée de celui-ci[1]. Il semblerait en l'espèce que la société en demande, était de l'avis d'aligner la durée de vie du droit moral de l'artiste interprète sur celle de 50 ans des droits patrimoniaux. C'est du moins, une explication possible au fait que la deuxième branche du premier moyen tire un grief non seulement de la violation de l'article L.212-1, mais aussi conjointement de l'article L.211-4 du CPI. [...]
[...] Cependant l'on retrouve une divergence importante dans la rédaction de ces articles. En effet, l'article L.212-2 caractérise le droit moral de l'artiste, interprète d'imprescriptible et inaliénable alors que l'article L.121-1 précise que le droit moral de l'auteur, en plus de ces attributs, est perpétuel. Il s'en suit une certaine imprécision sur la durée qu'il convient d'accorder au droit moral de l'artiste interprète. Quelle était la volonté du législateur en l'espèce ? Voulait-il instaurer une différence de régime entre le droit moral de l'auteur et celui de l'artiste interprète ? [...]
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