commentaire d'arrêt, Cour de cassation, 1re chambre civile, 13 novembre 2008, arrêt Paradis, droit d'auteur, notion de forme, critère du choix esthétique, artiste, oeuvre paradis, Haute juridiction
Un artiste avait créé une oeuvre pour les besoins d'une exposition organisée dans un hôpital psychiatrique désaffecté. Cette dernière, intitulée « Paradis », consistait en l'apposition du mot « paradis », écrit dans une certaine typographie en lettre dorée avec effet d'usure, au-dessus de la porte des toilettes de l'ancien dortoir des alcooliques dudit hôpital. Ce même artiste a constaté que son oeuvre avait été incorporée, sans son consentement, dans une oeuvre d'une photographe, laquelle avait été exposée et mise en vente dans une galerie et photographiée dans un catalogue. L'artiste a donc conjointement assigné en contrefaçon la photographe, la société exploitant la galerie ainsi que l'éditeur du catalogue sur le fondement des articles 111-2 et 112-2 du Code de la propriété intellectuelle.
[...] Walravens, le simple choix, relevant du savoir-faire, est exclut du champ du droit d'auteur[10], ce qui peut se comprendre puisque celui-ci ne présente pas de caractère nouveau. La Cour de cassation rejette cet argument tout en modifiant légèrement l'appréciation de l'originalité de effectuée par la Cour d'appel. En effet, de choix traduisant impression esthétique globale », l'on passe à une « combinaison [d'éléments qui] implique des choix esthétiques traduisant la personnalité de l'auteur »[11]. C'est donc dans le choix créatif que se retrouve l'originalité de l'œuvre et non dans le produit fini. [...]
[...] Ce subtil décalage doit se comprendre comme la manière qu'à la Cour de cassation de rattacher l'originalité à une certaine intervention de l'auteur sur le réel. En effet, « l'impression esthétique globale » peut tout à fait se dégager d'un paysage ou de tout autre élément ou objet sur lequel aucune intervention artistique n'a eu lieu. Le choix esthétique présuppose un acte concret, une certaine matérialité de l'artiste dans sa création pour que celle-ci en traduise la personnalité. Certains auteurs comme M. [...]
[...] Même s'il est nécessaire que le droit d'auteur conserve une autonomie propre par rapport au discours artistique qui consacre de plus en plus la performativité des œuvres d'art (l'illustration la plus flagrante restant Marcel Duchamp), celui-ci doit tout de même en conserver une certaine proximité. Reste donc encore à savoir jusqu'où le droit d'auteur peut continuer d'étendre les limites de son régime sans s'effondrer sur lui-même. Cass. 1re civ nov RLDI 2009/45, note Walravens N. Consécration de la protection de Paradis, œuvre d'Art conceptuel, par la Cour de cassation Cass. 1re Civ nov 06- 19.021 Cass. [...]
[...] La matérialité de l'œuvre, sa forme, est donc bien caractérisée. La Haute Juridiction réaffirme ainsi l'autonomie du droit d'auteur vis-à-vis du discours artistique. Mais les demandeurs font aussi reposer leur raisonnement sur le fait que l'œuvre est exclusivement constituée d'éléments préexistants. C'est donc, en filigrane, la question de savoir si la forme d'une œuvre se définit exclusivement par ce qui a fait l'objet d'une intervention matérielle de son auteur pour que celle-ci bénéficie d'une protection. Car, il est vrai que le travail plastique de l'auteur de peut paraître minimal. [...]
[...] La Cour de cassation, suivant une conception holiste de la forme, ne circonscrit pas la forme protégeable de à la seule inscription, mais y inclut aussi le lieu concret dans lequel elle se situe. Cette décision se comprend parfaitement dès lors que l'œuvre n'émerge que dans la mesure où cette inscription est mise en relation avec les divers éléments du lieu. Autrement dit, l'inscription, et aussi le lieu sont nécessaires à l'expression de l'œuvre : sans le lieu, pas d'expression. [...]
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