« La littérature existe pleinement non pas quand l'œuvre est écrite, mais quand un lecteur remonte le cours des phrases et des mots pour devenir, par ce moyen, cocréateur de l'œuvre ». Et pourtant, juridiquement, ce cocréateur est contrefacteur.
Mais, peut-être, était-ce la vision des Gipsy Kings, qui avaient cru pouvoir, reproduire une partie d'une œuvre préexistante. Plus précisément, ces derniers ont été accusés de contrefaçon, par un groupe de musiciens espagnols (El principe gitano), qui, en 1982, a créé une chanson intitulée « Obi Oba », déposée à la société de gestion collective espagnole, la SGAE. Cette chanson n'avait pas été exécutée en France ; néanmoins, elle y a fait l'objet d'une diffusion phonographique. Quelques années après, les Gipsy Kings déposent à la SACEM, la chanson intitulée « Djobi Djoba », qui sera la cause de l'action en contrefaçon, intentée par les auteurs de la chanson « Obi Oba ».
[...] L'affirmation précédente ne vaut que si la rencontre fortuite porte sur des éléments originaux. L'on peut concéder que la reproduction d'un élément original d'une œuvre préexistante est due au seul fruit du hasard. Illusoire, mais peut-être faut-il quand même laisser une porte entrebâillée à un hasard extraordinaire [11]. D'un autre côté, lorsque la rencontre porte sur un élément qui est, dans une moindre mesure, original, elle parait, déjà plus plausible. Ce n'en est que plus vrai si la ressemblance porte sur un élément appartenant au domaine public. [...]
[...] Quelques années après, les Gipsy Kings déposent à la SACEM, la chanson intitulée Djobi Djoba qui sera la cause de l'action en contrefaçon, intentée par les auteurs de la chanson Obi Oba Le 30 juin 2004, la cour d'appel de Paris rejette leur action, au motif que l'œuvre n'avait pas fait l'objet d'une exécution en France, et que, à supposer que les phonogrammes aient bien été diffusés en France, ils ne l'ont été que de façon restreinte, de sorte que les prétendus contrefacteurs n'avaient pas eu accès à cette œuvre. En outre, la Cour d'appel précise que les similitudes relevées entre les deux œuvres sont insuffisantes pour en déduire une connaissance de l'œuvre antérieure Par conséquent, le groupe El principe gitano se pourvoit en cassation. Afin d'apporter une réponse à ce litige, la Cour de cassation va devoir se prononcer sur deux points. Quels sont les critères permettant de déterminer l'existence d'une contrefaçon. Quelle preuve pourra être apportée par le prétendu contrefacteur, pour se dégager de toute responsabilité ? [...]
[...] Or, les articles du CPI relatifs à la contrefaçon démontrent, indéniablement, que la volonté du législateur était ne pas accorder de place à la bonne foi, ni à l'intention délictueuse du contrefacteur. Au surplus, l'attendu de principe était, au regard des faits, superfétatoire, dans la mesure où les seuls principes de non-protection des idées, et du critère d'originalité d'une œuvre suffisaient à écarter le grief de contrefaçon. Hubert AQUIN, Blocs erratiques Article L 111-1, alinéa 1 CPI. Théorie consacrée indirectement par l'arrêt. Voir le paragraphe II. B.1. Comm. [...]
[...] Effectivement, dans son dernier attendu, la Cour déduit l'existence de la contrefaçon du fait que l'accès à l'œuvre avait été rendu possible, en raison d'une divulgation certaine Or, dans son premier attendu, elle concède que la contrefaçon d'une œuvre de l'esprit résulte de sa seule reproduction La reproduction d'une œuvre de l'esprit, non encore divulguée, constitue déjà une contrefaçon, car l'œuvre première bénéficie déjà d'une protection. Le fait qu'elle ait été, ou non, divulguée ne modifie en rien la présence de la contrefaçon. [...]
[...] La bonne foi La rencontre fortuite constitue une résurgence de la notion de bonne foi, perdue par le caractère civil de la contrefaçon. Effectivement, pour le contrefacteur, démontrer que la similitude entre deux œuvres est due aux fruits du hasard revient à prouver sa bonne foi. Qu'aura-t-il à prouver, si ce n'est sa bonne foi ? Certes, la Cour n'emploie pas directement les termes de bonne foi, cependant, admettre que le contrefacteur se dédouane de toute responsabilité, en démontrant l'existence d'une rencontre fortuite, ou de réminiscences revient à prouver sa bonne foi. [...]
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