Cass civ1 25 mars 2010 lévinas droit de divulgation droit moral droit patrimonial
L'écrivain américain Jack London disait, non sans ironie, que «Si la gloire apporte l'argent, j'attends la gloire ; si la gloire n'apporte pas l'argent, j'attends l'argent.». A travers cet arrêt rendu en date du 25 mars 2010, la Cour de cassation ne semble pas être tout à fait d'accord avec la conception de M. London sur le rapport entre la reconnaissance résultant d'oeuvres de l'esprit et l'aspect pécuniaire s'en dégageant. En effet, dans une affaire où mémoire d'un auteur défunt et revendications de droits sur fond d'intérêts financiers s'entremêlent, la Haute juridiction tranche en faveur du respect des dernières volonté du de cujus.
En l'espèce, un auteur est décédé en laissant derrière lui deux héritiers. Par voie testamentaire, il transmit exclusivement à l'un le droit moral sur ses oeuvres.
L'héritier titulaire du droit moral conclu alors, seul, un contrat d'édition avec une société d'édition portant sur la publication des oeuvres posthumes du défunt.
L'héritier resté en dehors de la conclusion du contrat d'édition assigna alors l'héritier titulaire du droit moral. Il demanda la saisie réelle de l'ensemble des exemplaires fabriqués ou en cours de fabrication ainsi que le rappel de tous ceux déjà distribués et la cessation de tout acte de commercialisation.
[...] Choix de l'éditeur et conditions d'édition sont donc intimement liés et démontre d'un amalgame entre droit moral et droit patrimonial tant qu'ils sont concentrés entre les mains du titulaire du droit moral. Le titulaire du droit moral peut ainsi conclure un contrat d'édition au sens de l'article L132-1 du CPI disposant que contrat d'édition est le contrat par lequel l'auteur d'une oeuvre de l'esprit ou ses ayants droit cèdent à des conditions déterminées à une personne appelée éditeur le droit de fabriquer ou de faire fabriquer en nombre des exemplaires de l'oeuvre, à charge pour elle d'en assurer la publication et la diffusion.» Au surplus, l'article L131-3 alinéas 1 et 4 du CPI dispose de transmission des droits de l'auteur» contre l'engagement du «bénéficiaire de la cession ( . [...]
[...] En ce sens, il faut joindre le codicille du 15 décembre 1994 rédigé par le de cujus et stipulant : j'attribue le droit moral à mon fils exclusivement en ce qui concerne la publication et la conservation des manuscrits et des oeuvres déjà éditées». Aux termes de l'article L121-2 alinéa 2 du CPI, le défendeur au pourvoi est bien le titulaire du droit moral en ce qu'il fut désigné par le de cujus comme l'exécuteur testamentaire de la publication et conservation des manuscrits et oeuvres déjà éditées. C'est pourquoi le titulaire du droit moral est le «seul habilité à décider de la communication au public des oeuvres posthumes de son père». [...]
[...] Suite à quoi, appel fut interjeté devant la Cour d'appel de Paris qui connu de l'affaire le 30 juin 2009 déboutant l'héritier non titulaire du droit moral de ses demandes. La CA considéra que l'héritier titulaire du droit moral pouvait contracter librement sur la publication des oeuvres du défunt, la demanderesse ne pouvant qu'être associée à la négociation financière du contrat et percevoir la moitié de la contrepartie financière. Un pourvoi en cassation fut donc formé devant la première Chambre civile de la Cour de cassation qui jugea en droit le 25 mars 2010. [...]
[...] En effet, pour la Cour de cassation, le titulaire du droit moral se présente comme une sorte d'incarnation du défunt, agissant dans l'intérêt de l'oeuvre et selon ses volontés alors que l'indivis titulaire d'une partie des droits patrimoniaux est écarté. De l' éviction de l'héritier en indivision, non titulaire du droit moral, héritier passif: L'ensemble de la solution de rejet approuve le raisonnement des juges du fonds. Néanmoins, la Cour régulatrice reprend l'arrêt de la Cour d'appel sur un point, en corrigeant la condition facultative de participation de l'indivis titulaire d'une partie des droits patrimoniaux aux négociations financières pour valider la conclusion du contrat d'édition. [...]
[...] La première Chambre civile de la Cour de cassation relève même que le motif de la CA, selon lequel la demanderesse «aurait dû être associée à la négociation financière du contrat critiqué» était erroné. En jugeant ainsi, la Cour de cassation consent une jurisprudence en faveur de la reconnaissance de la double nature du droit de divulgation ainsi qu'elle sous-entend une primauté de la mémoire de l'auteur sur l'aspect mercantile de ses oeuvres posthumes (II). De la reconnaissance de la double nature du droit de divulgation: La Cour de cassation semble attribuer deux facettes au droit de divulgation qui serait au carrefour des composantes patrimoniales et extra- patrimoniales du droit d'auteur. [...]
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