Cass. Civ. 1ère, 16 mai 2006 : la contrefaçon

Extraits

[...] Il en ressort qu'il est possible que les Gipsy Kings n'en aient eu connaissance et ainsi, qu'ils ignorent de bonne foi avoir porté atteinte à des droits d'auteur. Toutefois, un arrêt de la même chambre, rendu le 6 juin 1990 considère que la preuve de la bonne foi éventuelle est inopérante, au motif que la contrefaçon est caractérisée, indépendamment de toute faute ou mauvaise foi, par la reproduction, la représentation ou l'exploitation d'une œuvre de l'esprit en violation des droits de propriété intellectuelle qui y sont attachés En revanche, d'après l'arrêt à commenter, la première chambre civile de la cour de cassation semble prétendre que la contrefaçon d'une œuvre de l'esprit peut être écartée lorsqu'il est démontré, non pas l'absence d'une divulgation de l'œuvre contrefaite, mais l'existence d'une source d'inspiration commune. [...]

[...] C'est d'ailleurs la thèse que défend Desbois lorsqu'il donne pour exemple deux peintres peignant la même scène. Le premier peintre qui terminera fera une nouvelle oeuvre et le second non, mais pour autant les deux peintres réaliseront une oeuvre de l'esprit originale. On pourrait alors admettre qu'en l'espèce, les Gipsy Kings qui auraient créé une œuvre ayant les mêmes caractéristiques que l'oeuvre Obi Oba l'ayant réalisé à partir du même folklore gitan ne seraient donc pas coupables de contrefaçon Un acte effectué sans autorisation de l'auteur suffit à caractériser la contrefaçon Cependant, ce n'est pas ce que la Cour de cassation retient. [...]

[...] Dans le cas d'espèce la Cour d'appel semble dire qu'en raison d'une diffusion restreinte, il n'y aurait pas eu divulgation de l'œuvre La diffusion restreinte de l'œuvre musicale : obstacle de divulgation de l'œuvre En l'espèce, les Gipsy Kings se défendent en arguant qu'ils n'avaient pas pu avoir connaissance de l'œuvre du groupe el principe gitano car la diffusion géographique de cette dernière était limitée. En effet, le support comportant l'œuvre a été commercialisé au Pays Basque français et en Catalogne française. La Cour d'Appel a retenu cet argument et, de ce fait, elle a décidé qu'en raison d'une diffusion restreinte, il n'était pas établi que les Gipsy Kings aient eu connaissance de la chanson Obi Oba du groupe principe gitano». [...]

[...] On dit bien que, du fait d'un pur hasard, les grands esprits se rencontrent. Mais ces similitudes peuvent aussi résulter de réminiscences Des similitudes résultant de réminiscences La première chambre civile, ajoute que la contrefaçon d'une œuvre de l'esprit peut également être écartée, lorsqu'il est démontré que les similitudes existant entre les deux œuvres procèdent de réminiscences. On parle de réminiscence lorsque l'on se rappelle d'un vague souvenir. Il s'agit donc là, en quelque sorte, d'un lien de parenté avec l'œuvre. [...]

[...] Cependant, bien qu'il soit facile de comprendre ce qui constitue le fait de contrefaçon en matière d'écrits ou d'images, il en est tout autrement en matière d'œuvres musicales. C'est conformément sur ce problème que s'est penchée la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu du 16 mai 2006. En l'espèce, le groupe de musique el principe gitano assigne le groupe Gipsy Kings en contrefaçon, pour avoir repris dans leur chanson Djobi Djoba créée en 1982, les caractéristiques de leur œuvre Obi Oba déposée à la SGAE en 1979. [...]