« Le propriétaire d'une chose ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci, il peut toutefois s'opposer à l'utilisation de cette image par un tiers lorsqu'elle lui cause un trouble anormal ». Par cette décision de l'Assemblée Plénière du 7 mai 2004, la Cour de Cassation opère un revirement et tout au moins, elle limite grandement la portée de sa jurisprudence antérieure concernant l'image des biens. En effet, elle vient contrecarrer la décision de l'arrêt Gondrée qu'elle a rendue le 10 mars 1999 et qui posait le principe selon lequel seul le propriétaire a le droit d'exploiter son bien sous quelque forme que ce soit, en considérant que « l'exploitation du bien sous la forme de photographies porte atteinte au droit de jouissance du propriétaire ».
En l'espèce, la société de promotion immobilière SCIR Normandie a confié à la société Publicis Qualigraphie la confection de dépliants publicitaires comportant la reproduction de la façade d'un immeuble historique de Rouen, l'Hôtel de Girancourt, propriété de la SCP Hôtel de Girancourt et dont l'accord n'avait pas été sollicité.
Les propriétaires de l'hôtel demandent alors à la société SCIR Normandie la réparation du préjudice prétendument subi du fait de l'utilisation de l'image de son bien.
Par un arrêt du 31 octobre 2001, la cour d'appel de Rouen déboute la SCP Hôtel de Girancourt au motif que le droit de propriété n'est pas absolu et illimité et ne comporte pas un droit exclusif pour le propriétaire sur l'image de son bien et que, de plus, la SCP Hôtel de Girancourt n'a pas démontré l'existence d'un préjudice et d'une atteinte à son droit de propriété. Celle-ci se pourvoit alors en cassation.
Pour soutenir sa demande, les propriétaires de l'hôtel s'appuient sur l'article 544 du Code Civil qui dispose que « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue pourvue qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois et règlements » et en concluent qu'ils disposent donc d'un monopole d'exploitation de son bien.
De plus, ils invoquent le fait que la façade de l'immeuble avait été reproduite à des fins commerciales sans aucune contrepartie financière, alors que la restauration de celle-ci avait engendrée d'importantes dépenses pour la SCP Hôtel de Girancourt. De ce fait, la reproduction est abusive et constitue un réel préjudice.
Et enfin, le fait que la façade est été reproduite sans l'autorisation du propriétaire suffit, selon elle, à caractériser le préjudice subi (...)
[...] TD : L'étendue du droit de propriété le droit sur l'image des biens Commentaire Ass. Plén mai 2004 : Le propriétaire d'une chose ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci, il peut toutefois s'opposer à l'utilisation de cette image par un tiers lorsqu'elle lui cause un trouble anormal Par cette décision de l'Assemblée Plénière du 7 mai 2004, la Cour de Cassation opère un revirement et tout au moins, elle limite grandement la portée de sa jurisprudence antérieure concernant l'image des biens. [...]
[...] Il s'agit alors, pour la Cour de cassation, de définir dans quelle mesure le propriétaire de la chose dispose d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci. Par un arrêt d'Assemblée Plénière du 7 mai 2004, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la SCP Hôtel de Girancourt au motif que le propriétaire d'une chose ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci ; qu'il peut toutefois s'opposer à l'utilisation de cette image par un tiers lorsqu'elle lui cause un trouble anormal Ce trouble n'étant pas établi en l'espèce, la société SCIR Normandie avait parfaitement le droit de reproduire l'Hôtel de Girancourt dans ses dépliants publicitaires. [...]
[...] Le caractère anormal du trouble se substitue donc au caractère certain de celui-ci. Cependant, la Cour ne définit pas de façon précise la notion de trouble anormal. Un parallèle peut cependant être établi avec la notion même de trouble du voisinage selon laquelle les propriétaires voisins doivent supporter les gènes occasionnées, la seule limite étant le trouble anormal. Un trouble anormal peut par exemple consister en une affluence de curieux, une atteinte à l'intimité de la vie privée du propriétaire ou à sa sécurité. [...]
[...] Une utilisation à visée non lucrative est donc permise au tiers. Cette jurisprudence est donc assez favorable au propriétaire, mais elle n'est pas pour autant conservée par la Cour de cassation B. Le droit sur l'image du bien exclu du droit de propriété En affirmant que le propriétaire d'une chose ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci la Cour de cassation en vient à exclure celui-ci du droit de propriété. Le propriétaire ne dispose désormais plus du monopole d'exploitation de l'image de son bien. [...]
[...] Le propriétaire ne peut donc pas interdire l'utilisation de l'image de son bien par autrui. Cette obligation de rapporter la preuve d'un trouble anormal est critiquée par certains auteurs qui en viennent parfois à la considérer comme étant inutile. En effet, pour Revet ou Zennatti, peu importait en l'espèce l'absence de préjudice dès lors que le principe même de la propriété se trouvait affecté En d'autres termes, dès qu'une atteinte au droit de propriété (droit absolu et exclusif) est constatée, peu importe que celle- ci cause un préjudice au propriétaire ou pas. [...]
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