« Nul ne peut être accusé, arrêté, ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a prescrites ». L'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen consacre par cet article le droit à la liberté individuelle.
À partir de 1971, le Conseil constitutionnel s'est affirmé être le « gardien des libertés publiques » , au titre desquelles se trouvent les libertés individuelles. Par sa décision du 16 juillet 1971, le Conseil constitutionnel accepte pour la première fois de faire entrer les libertés publiques dans le « bloc de constitutionnalité ». De toutes les libertés individuelles, l'une des plus fondamentales est sans conteste la liberté d'aller et venir, le Conseil constitutionnel ayant même reconnu à cette dernière valeur de liberté fondamentale. Elle ne connaît ni autorisation, ni barrière. Elle contient à la fois la liberté de circuler (consacrée par de nombreux textes français et internationaux) ; la liberté de quitter le territoire et la liberté d'entrer sur le territoire du pays dont on est ressortissant.
L'Etat a à la fois un rôle de gardien de cette liberté et un rôle de maintien de l'ordre sur le territoire national.
Dès lors cette liberté ne peut être absolue dans toutes ses formes et des restrictions peuvent être imposées. Comme l'énonce Montreuil, « même aux heures les plus sombres de nos guerres de religion, alors que le fanatisme triomphait avec insolence, des voix courageuses ne manquèrent pas de rappeler aux princes l'importance et l'exigence de ce droit. C'est ainsi que le Chancelier Michel de l'Hospital écrivait : « Perdre la liberté, mais Dieu, que reste-t-il à perdre après cela ? (…) La liberté et la vie vont d'un même pas » » .
Ainsi, des atteintes peuvent être apportées à cette liberté fondamentale, atteintes parmi lesquelles l'arrestation occupe une place majeure, celle-ci impliquant nécessairement l'exercice d'une contrainte matérielle sur la personne.
Le terme d'arrestation vient de l'ancien français arestaison (XIVème siècle) issu du latin arrestatio et décrit l'action d'appréhender un individu, au besoin par la force, pour le faire comparaître en justice ou l'incarcérer .
Les synonymes employés pour ce terme sont variés : appréhender, bloquer, capturer, interpeller, intercepter, retenir, saisir…. Cette multiplicité de « synonymes » démontre que ce terme d'arrestation est une notion difficile à cerner, le législateur n'en ayant donné aucune définition précise.
Le dictionnaire Larousse définit l'arrestation comme « l'action d'arrêter, de se saisir d'une personne par mesure de police ou en vertu d'un ordre supérieur, d'un jugement ». L'arrestation suppose donc un acte matériel d'appréhension au corps de l'individu le privant ainsi momentanément de la liberté d'aller et venir . Derrière toute arrestation, il y a donc l'idée d'un recours à la coercition. L'arrestation, en ce qu'elle est un acte grave, est fortement encadrée, réglementée par le droit positif français. Tel n'a pas toujours été le cas, la réglementation de l'arrestation variant selon la conception que le législateur se fait de la liberté et des droits reconnus de l'individu. Il apparaît que toutes les législations tolèrent l'arrestation dans le but de procéder à l'exécution d'une peine privative de liberté prononcée par un tribunal. En dehors de cette hypothèse, la réglementation de l'arrestation diverge selon la conception qui en est retenue.
Selon les conceptions libérales, il est impératif de condamner le recours aux arrestations préventives ou tout au moins de les réglementer de manière stricte. Au contraire, les doctrines autoritaires autorisent largement le recours aux arrestations préventives afin de faire respecter l'ordre social et ne posent que quelques restrictions à l'égard de certaines pratiques policières.
Dans un premier temps, le droit romain avait réglementé l'arrestation et garantissait les individus contre l'arbitraire. À l'origine, le pouvoir d'ordonner l'arrestation n'appartenait qu'au seul magistrat accusateur qui avait l'imperium et pouvait donc, à ce titre, faire arrêter tout individu accusé d'avoir commis une infraction.
Sous l'Empire, les officiers impériaux se voient investis des mêmes pouvoirs. Une fois l'arrestation réalisée, les inculpés devaient être conduits le plus rapidement possible à la prison ; à défaut il y avait arrestation illégale ou arbitraire, cette infraction étant qualifiée de crime de lèse-majesté, son auteur encourait alors la peine de mort.
Dans l'ancien droit, l'arrestation était réglementée par l'Ordonnance criminelle de Saint-Germain-en-Laye du 26 août 1670 qui prévoyait deux séries de procédure.
La première procédure d'arrestation concernait la personne accusée et sa comparution devant le juge. Cette arrestation était ordonnée par décrets, ce qui correspond aux mandats utilisés en procédure pénale aujourd'hui. Il existait trois types de décrets, classés par ordre de rigueur : le décret d'assigné pour être ouï (créé par l'Ordonnance de 1670), le décret d'ajournement personnel (créé antérieurement par une Ordonnance de Charles VII de 1453) et le décret de prise de corps.
À défaut d'exécution d'un décret, celui-ci était modifié en décret suivant, d'un degré de rigueur supplémentaire . Le décret le plus strict, c'est-à-dire le décret de prise de corps, conduisait à la mise en détention provisoire de l'accusé arrêté si celui-ci était passible d'une peine afflictive et infamante.
La seconde procédure, élaborée par l'ancien droit était celle de l'arrestation en cas de flagrant délit ou de clameur publique. Cette procédure conférait à toute personne, et ce sans délivrance préalable de décret, pouvoir de saisir l'auteur présumé de l'infraction afin de conduire celui-ci en prison, ceci dans le plus bref délai.
Cette législation instaurant une procédure inquisitoriale , était loin d'être satisfaisante car elle soumettait la personne visée par l'arrestation au seul bon vouloir des officiers publics aptes à délivrer les décrets. Malgré tout, afin de protéger la liberté individuelle, l'Ordonnance avait prévu que les officiers de justice coupables d'atteintes à la liberté individuelle étaient punis d'une privation de leurs charges, d'une amende de 1.000 livres et de dommages intérêts à l'égard de la personne lésée.
Les atteintes à la liberté individuelle étaient cependant loin d'être toutes réprimées et les garanties qui lui étaient octroyées étaient très insatisfaisantes.
Effectivement, la liberté individuelle subissait de nombreuses atteintes, ce essentiellement par la pratique des lettres de cachet qui étaient des déclarations secrètes et personnelles de l'autorité royale . Ces lettres, scellées et signées du roi, étaient délivrées à des fins particulières, portant le plus souvent un ordre individuel permettant notamment d'arrêter très vite un suspect. Il s'agissait d'une mesure arbitraire étant une manifestation de la justice personnelle du souverain. Seul le cachet du roi y était apposé et aucun contrôle de la Chancellerie ne pouvait être exercé.
Il existait deux types de lettres de cachet. Les premières, à caractère public, étaient adressées à un huissier qui recherchait la personne visée et la conduisait au lieu de détention indiqué.
Les secondes, à caractère privé, étaient demandées au roi par un tiers (membre de la famille de la personne arrêtée par exemple) qui devait alors supporter les frais de la détention.
Ces lettres furent, sous Louis XIV et Louis XV, fréquemment utilisées notamment à titre de vengeance personnelle. Elles furent une arme redoutable pour les adversaires de la monarchie et les abus de ce système furent vivement dénoncés.
Il convient donc de constater qu'à cette époque les garanties de la liberté individuelle prévues par la « Grande Ordonnance » n'étaient qu'illusoires, sans aucune conséquence pratique, n'empêchant pas la multiplication des arrestations arbitraires.
Afin de mettre un terme à cette procédure inquisitoriale considérée comme infâme par les philosophes des Lumières, la période révolutionnaire a cherché à créer un contre-modèle, consacrant notamment les principes affirmés par la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789, dont l'article 7 proclame le droit à la liberté individuelle.
L'article 9 ajoute quant à lui que « tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ».
S'en suivirent de nombreux décrets et lois faisant passer ces principes dans le domaine législatif restreignant ainsi les possibilités d'arrestations préventives, en imposant notamment l'obtention préalable d'un mandat, et réprimant strictement les arrestations arbitraires.
Malgré ces efforts législatifs, la réaction contre la rigueur de l'ancien régime ne fût que minime car de nombreux textes législatifs vinrent énoncer de nombreuses exceptions. L'effet recherché ne fut donc pas atteint et les arrestations arbitraires perdurèrent.
Un retour en arrière considérable fût réalisé par le Code d'Instruction criminelle, adopté en 1808 et dont les rédacteurs ne furent que peu soucieux du respect de la liberté individuelle. Ils s'inspirèrent de l'Ordonnance criminelle de 1670 pour hisser l'arrestation de l'accusé au rang de principe de la procédure pénale.
De nombreuses réformes de ce Code eurent lieu afin d'atténuer le grand libéralisme reconnu par les textes au sujet de l'arrestation. Celle-ci avait alors, en principe, lieu en exécution d'un mandat délivré par le juge (art.91 et s. CIC) sauf en cas de flagrant délit ou toute personne était tenue de « saisir le prévenu (…) et de le conduire devant le procureur de la République, sans qu'il soit besoin de mandat d'amener, si le crime ou le délit emporte peine afflictive et infamante » (art.106 CIC). Enfin l'article 10, pris à l'initiative de Napoléon, autorisait les préfets à procéder à « tous actes nécessaires à l'effet de constater les crimes, délits et contraventions… ».
L'aboutissement de cette longue évolution historique est le Code de procédure pénale, encore appliqué aujourd'hui après avoir connu une réforme d'ensemble en 1993.
Le Code de procédure pénale a été adopté en 1958 et admettait, dans sa rédaction initiale, le recours à l'arrestation aussi bien dans l'enquête de flagrance, dans l'enquête préliminaire qu'en exécution d'une commission rogatoire. L'arrestation est ordonnée par la voie de mandats délivrés par les autorités judiciaires aux autorités de police devant les exécuter.
Ce préalable des mandats disparaissait en cas d'infraction flagrante, hypothèse dans laquelle la législation antérieure était reprise, c'est-à-dire que tout citoyen se voit reconnaître compétence pour appréhender l'auteur présumé de l'infraction (CPP, art.73).
L'article 30 CPP avait repris l'article 10 du Code d'instruction criminelle conférant ainsi un pouvoir d'arrestation aux préfets en cas d'infraction contre la sûreté de l'Etat.
Ce régime était plus libéral que le précédent, consacrant un droit d'arrestation à mi-chemin entre la conception libérale de la Révolution et la conception arbitraire de l'Ancien régime. Les arrestations illégales et arbitraires y étaient rigoureusement sanctionnées.
Ce régime fut quasiment maintenu à l'identique après la réforme de 1993. La loi du 4 janvier 1993 vint abolir le pouvoir d'arrestation reconnu aux préfets qui contrariait le principe de séparation des pouvoirs.
Les réformes qui suivirent furent dictées par la place croissante accordée aux droits des individus et notamment ceux instaurés par l'article 5-1 de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales qui dispose que « tout homme a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants :
a. s'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent ;
b. s'il a fait l'objet d'une arrestation ou d'une détention régulière pour insoumission à une ordonnance rendue, conformément à la loi par un tribunal ou en vue de garantir l'exécution d'une obligation prescrite par la loi ;
c. s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci ;
d. s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention irrégulière d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours. »
Aujourd'hui, l'arrestation est définie en droit français comme étant « l'action d'appréhender au corps un coupable ou un suspect, au nom de la loi ou d'une autorité » .
Il existe différents types d'arrestations : arrestations par l'autorité publique (au sein desquelles se trouvent les arrestations préventives, les arrestations provisoires), les arrestations par un simple particulier, les arrestations illégales, les arrestations arbitraires…. Cette multiplicité de formes montre toute la difficulté qui règne autour de cette pratique de l'arrestation.
En effet, il convient de se demander quelles sont les situations privatives de liberté pouvant être qualifiées d'arrestation ? Les différentes expressions employées par la doctrine pour définir l'arrestation sont-elles de véritables synonymes ou s'agit-il seulement de notions voisines ? Il convient donc de définir l'élément à compter duquel il est permis de dire qu'il y a arrestation de la personne et de savoir si celui-ci est « universel », c'est-à-dire identique quel que soit l'endroit où la personne est arrêtée.
Afin de répondre à ces diverses questions, pour le moins essentielles à l'étude du pouvoir d'arrestation, il conviendra dans un premier temps de s'intéresser à des situations dans lesquelles le droit français autorise le recours à l'arrestation (Première partie), avant d'étudier les situations dans lesquelles il peut y avoir arrestation dans l'ordre international.
[...] Elle est destinée à découvrir les éléments de preuve nécessaires à la manifestation de la vérité au sujet de l'infraction dénoncée. À l'origine, cette enquête était dénuée de toute idée de coercition et ne permettait donc pas l'arrestation du suspect. La doctrine constatait que l'arrestation n'avait lieu qu'à l'issue de la garde à vue et résultait donc du bon vouloir du suspect d'accepter de se soumettre à la contrainte conditionnelle proposée par les policiers. Par principe, l'enquête préliminaire est fondée sur le consentement préalable de la personne visée, cette dernière ne pouvant être contrainte sans avoir donné son consentement de manière libre et éclairée[18]. [...]
[...] DEUXIÈME PARTIE : LES ARRESTATIONS PRÉSENTANT UN ÉLÉMENT D'EXTRANÉITÉ En principe, chaque Etat a seul la charge de faire respecter l'ordre sur son territoire. Ainsi toute infraction aux lois qu'il établit est une atteinte portée à son autorité. La compétence pénale d'un Etat est délimitée par ses frontières géographiques, et donc lui seul détient le pouvoir d'arrêter les auteurs d'infraction situés sur son territoire. Il s'agit du principe de territorialité, principe qui est loin d'être satisfaisant à certains égards et qui risque donc d'engendrer des lacunes dans la procédure d'arrestation et dans la répression des infractions. [...]
[...] Afin de lutter contre la criminalité internationale, de nombreux accords et conventions ont instauré des formes de collaboration et de coopération entre les autorités des différents Etats (Chapitre I). Cependant, dans cette lutte contre la criminalité internationale, il ne faut pas perdre de vue que l'arrestation reste un acte d'une particulière gravité, devant être strictement encadré, et ouvrant droit à une certaine protection de la personne qui y est soumise (Chapitre II). CHAPITRE I : LA COOPÉRATION ENTRE ÉTATS Dans l'ordre international, la coopération entre Etats, destinée à faciliter la répression de la criminalité internationale, prenait à l'origine essentiellement la forme de l'extradition, procédure qui a depuis été imitée pour la répression des crimes contre l'humanité et de génocides (Section I). [...]
[...] Ce dernier est alors chargé d'entendre la personne qui lui est présentée et doit ensuite lui demander si elle accepte d'être transférée devant le juge mandant ou si elle préfère être maintenue au lieu où elle se trouve en attendant la décision du juge mandant. En cas de transfèrement, celui-ci doit intervenir dans les quatre jours de la notification du mandat. Il s'agit donc là d'un autre effet juridique de l'arrestation : le lieu où celle-ci est réalisée détermine la compétence du juge d'instruction. [...]
[...] L'appréhension dont il est ici question s'assimile à l'arrestation en ce que la personne est privée de sa liberté d'aller et venir. Il convient cependant de relever ici que l'arrestation ainsi réalisée est d'un type particulier en ce qu'elle peut être qualifiée de transitoire La Chancellerie commentait ainsi ce texte. L'article 73 vise le cas d'une arrestation très provisoire, ne s'accompagnant d'aucune formalité spéciale et qui n'a pour but que de conduire l'auteur d'un crime ou d'un délit flagrant devant l'officier de police judiciaire le plus proche[33] En effet, la personne ainsi arrêtée doit être conduite dans les plus brefs délais devant l'officier de police judiciaire le plus proche ou, être retenue le temps que cet officier, alors prévenu par le particulier, intervienne sur les lieux de l'arrestation. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture