Durant de longues décennies, la victime a été la véritable « oubliée du procès pénal » selon une expression retenue par Robert Cario (in « Victimes d'infractions », Répertoire pénal Dalloz, avril 2001) au profit d'un duel « Parquet-délinquant » et ce depuis que l'Etat s'est arrogé le monopole de la poursuite publique, aux alentours du XIVe siècle.
Par exemple, il faut attendre 1970 et la loi nº70-643 du 17 juillet 1970 relative au contrôle judiciaire pour que le terme même de victime soit introduit dans le code de procédure pénale.
Cependant, depuis environ une trentaine d'années, un cadre normatif prenant en compte le droit des victimes se met progressivement en place, au plan international, régional et national. Il vise à la consécration d'un statut véritable pour les victimes à l'instar de celui qui existe déjà pour les délinquants.
Aujourd'hui, la victime intervient dans le procès pénal, quasiment comme un « troisième acteur » aux côtés du Ministère Public et du délinquant. La garantie des droits des victimes est même devenue un principe fondateur du procès pénal, figurant en tant que tel à l'article préliminaire du CPP. Depuis le 2 janvier 2008, un juge délégué aux victimes est même en charge de l'information des victimes sur leur droit. La dénomination de JUDEVI a de quoi choquer…
N'est-il pas nuisible de donner à la victime une influence trop importante dans le procès pénal ? Mais à l'inverse, n'est-il pas dangereux pour la victime d'être tenue à l'écart d'un procès pénal, qu'elle considère souvent comme la reconnaissance par la société de sa « condition » de victime ?
[...] Son rôle est de mettre en état une affaire judiciaire difficile, complexe. L'utilisation qui est faite de ce magistrat par le biais de la constitution de partie civile à titre principal est totalement contraire à cette vocation. Remplacée pendant plusieurs siècles par la seule magistrature (les juges, les procureurs), la victime revient en force occuper une place importante dans le procès. Parallèlement, le procès civil est désormais dominé par la théorie du risque et par l'assurance, le droit pénal subsistant seul comme susceptible de nommer un fautif et de le stigmatiser comme tel. [...]
[...] En effet, plus largement, c'est la place de la victime dans la société en général qui a été profondément bouleversée ces dernières décennies. Le paroxysme de cette dérive semble pouvoir être illustré par l'emballement médiatique et politique de ce qui a pu être appelé l'affaire de la mythomane du RER, affaire dans laquelle une jeune femme avait purement et simplement simulé une agression sur fond de racisme et d'antisémitisme. Dans le même ordre d'idée, que dire des présentations médiatiques de personnes qui n'étant alors, encore qu'au stade de la mise en examen sont déjà présentées de façon univoque comme coupable ? [...]
[...] Ne faut-il pas à cet égard et dans un souci d'équilibre des droits des parties en présence, également s'inquiéter des nombreuses entorses faites à la présomption d'innocence ? Sur ce terrain, il convient de rester prudent pour ne pas trouver trop rapidement face à une présumée victime, le présumé coupable (cf. Propos tenus lors des Assises de GENEPI (Groupement Etudiant National d'Enseignement aux Personnes Incarcérées)) Bibliographie indicative Eric Mathias, procédure pénale, Licence Master, Bréal. Robert Cario, Victimes d'infractions Répertoire pénal Dalloz, avril 2001 Xavier Pin la privatisation du procès pénal Revue de sciences criminelles, avril-juin 2002, p 245 et s. [...]
[...] Dans un paysage politico sociétal dominé par la figure implorante de parties civiles dont il est sacrilège de considérer, au nom de la présomption d'innocence, qu'elles ne sont, à l'orée du procès pénal, que des victimes supposées le législateur a osé, à demi-mot, reprendre le constat alarmiste et quant à lui univoque que formulait la mission Magendie dans son rapport de juin 2004 : la constitution de partie civile induit des effets dévastateurs La loi du 5 mars 2007 cherche à lutter contre les informations judiciaires inutiles ou et dilatoires que les magistrats instructeurs, saisis sur plainte avec constitution de partie civile, se trouvent contraints de mener. Parant au plus pressé, le législateur prodigue, de prime abord, un traitement de choc : remise en question de la règle en vertu de laquelle le criminel tient le civil en l'état recevabilité de la plainte avec constitution de partie civile sous réserve de l'inertie ou du refus préalable du Parquet, consécration implicite de l'ordonnance de non-lieu ab initio. À bien regarder, la médication semble relever de l'homéopathie, pour ne pas dire du placebo. [...]
[...] Cet aspect est d'autant plus important que le principe de la liberté de la preuve pénale, prévue par l'article 427 CPP la dispense, à la différence des autorités publiques, de toute exigence de loyauté, voire même de licéité (testing par exemple). Mais quel est l'objectif de cette action ? Répression / réparation : telle est la différence d'objectif entre l'action pénale et l'action civile. Mais c'est un schéma bouleversé. Aujourd'hui l'action civile peut être purement répressive. Le ministère public s'est ainsi vu adjoindre au fil du temps des procureurs privés venus défendre une parcelle de l'intérêt général. [...]
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