Le régime juridique des sanctions procédurales dans la procédure d'appel permet-il de contrebalancer les effets néfastes d'un formalisme manifestement excessif ?

Extraits

[...] Le 29 janvier 2015, la Cour de cassation a ainsi pu estimer que l'intimé qui ne conclut pas dans les délais n'a plus la possibilité de conclure, même pour répondre à l'adversaire. C'est absolument contraire au principe du contradictoire et cela tend à rendre encore plus sévère la sanction de l'irrecevabilité des conclusions responsives de l'intimé qui, comme nous l'avons pourtant vu, constitue une sanction très sévère. La jurisprudence, qui aurait pu se cantonner à un rôle d'application téléologique de la loi, semble donc se dévoyer de son rôle correcteur, ce qui vient ajouter de nouvelles difficultés à l'application de sanctions procédurales qui posaient déjà problème. [...]

[...] Le régime juridique des sanctions procédurales dans la procédure d'appel permet-il de contrebalancer les effets néfastes d'un formalisme manifestement excessif ? Le professeur Philippe Gerbay en comparant le « tigre de papier » qu'est la sanction de nullité à l'« arme de destruction massive » Ph. Gerbay, « Appel général et effet dévolutif », JCP G 23 mars qu'est celle d'irrecevabilité, met justement en exergue les grandes disparités des conséquences des sanctions procédurales dans le cadre de la procédure d'appel. Pour comprendre les enjeux de la question, il faut justement appréhender le terme même de sanction. [...]

[...] Cependant, c'est principalement dans le cadre de l'article 901 que la nullité pour vice de forme doit retenir notre attention. Cet article prévoit en effet à peine de nullité que la déclaration d'appel doit contenir les chefs de jugement expressément critiqués. Le législateur a ici souhaité proscrire l'appel général non ciblé, facteur important de lenteur de la procédure pour les cours d'appel, qui devaient alors examiner de nouveau l'ensemble de la procédure. Or faire de cette exigence une formalité sanctionnée par la nullité pour vice de forme, c'est appliquer une sanction qui ne sera pas facilement appliquée en raison de la nécessité de prouver un grief, et qui en outre sera facilement régularisable. [...]

[...] Or les sanctions procédurales posent un certain nombre de soucis. Pour les faire ressortir, il faut comprendre l'état d'esprit qui préside à l'élaboration des textes législatifs développant toujours plus les modalités de procédure en appel : la justice, en manque chronique de moyens matériels et personnels, fait face à des délais de jugement extrêmement longs, entraînant une augmentation exponentielle du nombre de condamnations de l'État pour fonctionnement défectueux du service public de la justice : entre 2008 et 2017, le nombre de condamnations a ainsi augmenté de Chiffres repris par Frédérique Ferrand, « Bilan des réformes de la procédure d'appel en matière civile et perspectives - À propos du rapport de l'Inspection générale de la Justice », JCP G 13 janv Les parties privées se voient exposées à des durées de procédure qui entraînent une violation de leur droit à obtenir un jugement dans un délai raisonnable conformément à l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'Homme. [...]

[...] Or les nullités pour vice de forme font l'objet d'un régime juridique tel que, même si un acte se retrouvait entaché d'une telle irrégularité, il serait difficile en pratique de le sanctionner. La nullité pour vice de forme ne peut en effet être déclarée que si le plaideur qui l'invoque peut démontrer le grief qu'elle lui fait. Il devra en outre soulever ce moyen in limine litis, sachant que le vice de forme est régularisable. Comme, en vertu de l'article 2241 du Code civil, la déclaration d'appel entachée d'un vice de forme interrompt malgré toute la prescription, il suffira au plaideur d'en rédiger une nouvelle. [...]