« Il y a plus d'inconvénient à faire périr un innocent qu'à sauver un coupable » affirmait D. Jousse en 1771. La procédure pénale, parfois méprisée parce qu'elle pose des règles de forme, par opposition au droit pénal général qui définit les principes de fonds, est d'une importance capitale pour la garantie des droits fondamentaux. Son rôle est d'encadrer l'action des différents acteurs de l'action pénale. Il est en effet crucial dans une démocratie d'éviter toute brèche pouvant entraîner l'exercice d'une justice arbitraire. Ce lien entre procédure pénale et garantie des droits de l'homme a été révélé par son versant négatif : de « mauvaises » règles de procédure civile engendrent des violations des libertés fondamentales. Dans le pays qui se dit le berceau des droits de l'homme, a-t-on conscience de ce lien et a-t-on veillé à protéger les droits fondamentaux des dérives potentielles de la procédure pénale ?
Voyons en premier lieu ce qu'on entend par procédure pénale française. Il s'agit à la fois d'un texte, le Code de procédure pénale de1958 qui remplace le Code d'instruction criminelle mis en vigueur par Napoléon en 1808, de la jurisprudence et de la pratique. Il convient d'examiner ces trois composantes pour avoir une idée correspondant à la réalité de la procédure pénale française. Ainsi par exemple, malgré l'Article 11 du Code de procédure pénale, « la preuve est trop souvent étalée devant le public pendant le temps même où elle est rassemblée » .
Ensuite il s'agit de choisir une définition des droits de l'homme. En droit français, l'expression est pour le moins polysémique. Le préambule de la Constitution de 1958 pose : « le Peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l'Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils sont définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le Préambule de la Constitution de 1946 ». Or dans la DDHC de 1789 on trouve déjà « présomption d'innocence, liberté d'opinion, légalité des incriminations et des peines ». On peut ajouter à cela un grand nombre de textes et de dispositifs visant à garantir une version, un pan des droits de l'homme . Nous nous arrêterons à la définition fournie par la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CESDH) et ses Protocoles que les tribunaux doivent appliquer directement en vertu de l'art 55 de la Constitution et parce dont la Cour Européenne des Droits de l'Homme assure le respect. Les prescriptions de la CESDH peuvent entraîner une condamnation de la France depuis 1981 et depuis la loi française du 15 juin 2000, une procédure de révision en matière pénale est possible . Il est évident que le gouvernement et le législateur français, à l'instar de ses homologues européens, ont la conviction d'agir pour le mieux lorsqu'ils s'emploient à réformer la procédure pénale. Ils n'ont pas non plus tendance à s'auto dénoncer. Par conséquent, ils ne remettent pas en cause la procédure pénale au regard des Droits de l'Homme pour la simple raison qu'ils croient en la compatibilité de la loi avec les textes et l'esprit des Droits de l'Homme.
La deuxième raison pour laquelle nous avons choisi d'opter pour la définition de la CESDH des droits de l'homme réside dans le fait qu'elle explique du même coup ce qui est attentatoire aux droits de l'homme par l'intermédiaire de la Cour de Strasbourg (Cour EDH). Toute condamnation de la Cour EDH correspond à une violation des droits de l'Homme tels que définis par la CESDH. Nous nous pencherons donc sur les aspects de procédure pénale française (texte, jurisprudence ou pratique) ayant engendré des condamnations par la Cour de Strasbourg en essayant de préciser ce qui était reproché à la France.
Afin d'évaluer dans quelle mesure la procédure pénale française est attentatoire aux droits de l'homme, nous examinerons les condamnations par la Cour EDH avant de nuancer le tableau ainsi dressé par l'examen de l'évolution de la procédure pénale française dans le temps et par sa comparaison avec les procédures pénales d'autres pays membres du Conseil de l'Europe.
[...] PAR CONSÉQUENT, ILS NE REMETTENT PAS EN CAUSE LA PROCÉDURE PÉNALE AU REGARD DES DROITS DE L'HOMME POUR LA SIMPLE RAISON QU'ILS CROIENT EN LA COMPATIBILITÉ DE LA LOI AVEC LES TEXTES ET L'ESPRIT DES DROITS DE L'HOMME. LA DEUXIÈME RAISON POUR LAQUELLE NOUS AVONS CHOISI D'OPTER POUR LA DÉFINITION DE LA CESDH DES DROITS DE L'HOMME RÉSIDE DANS LE FAIT QU'ELLE EXPLIQUE DU MÊME COUP CE QUI EST ATTENTATOIRE AUX DROITS DE L'HOMME PAR L'INTERMÉDIAIRE DE LA COUR DE STRASBOURG (COUR EDH). [...]
[...] ELLES SONT SANS CONTESTE EXCESSIVEMENT ATTENTATOIRES AUX DROITS DE L'HOMME. LA COUR EDH A POSÉ QU'ON NE PEUT ARGUER DU PRINCIPE DE PROPORTIONNALITÉ DANS LE CAS DE M. SELMOUNI QUI, BIEN QUE MIS EN CAUSE DANS UNE AFFAIRE DE TRAFIC DE STUPÉFIANTS, NE PEUT ÊTRE SOUMIS À LA TORTURE. EN REVANCHE, CE MÊME PRINCIPE DE PROPORTIONNALITÉ A PEUT ÊTRE ÉTÉ PIÉTINÉ LORSQUE LES POLICIERS RESPONSABLES DES TRAITEMENTS INHUMAINS ET DÉGRADANTS INFLIGÉS À M. TOMASI AINSI QUE CEUX QUI ONT TORTURÉ M. [...]
[...] IL CONVIENDRAIT DONC DE POSER DES RÈGLES STRICTES EN MATIÈRE DE PRIVATION DE LIBERTÉ, A FORTIORI AVANT JUGEMENT. OR LA PROCÉDURE PÉNALE FRANÇAISE A ÉTÉ PLUSIEURS FOIS PRISE À DÉFAUT PAR LA COUR DE STRASBOURG DANS DES AFFAIRES DE GARDES À VUE ET DE DÉTENTION PROVISOIRE. CELLES-CI NE SONT PAS INTERDITES DANS L'ABSOLU, ELLES SONT SOUMISES AU CRITÈRE DU «DÉLAI RAISONNABLE ET À D'AUTRES NOMBREUSES CONDITIONS QUI N'ONT PAS ÉTÉ REMPLIES DANS LES AFFAIRES SUIVANTES METTANT EN CAUSE LA FRANCE : ARRÊT LETELLIER DU 26 JUIN 1991, ARRÊT KEMMACHE DU 27 NOVEMBRE 1991, ARRÊT TOMASI DU 27 AOÛT 1992, ARRÊT MULLER DU 17 MARS 1997, ARRÊT BIROU DU 27 FÉVRIER 1992, (DÉTENTION PROVISOIRE À TITRE EXTRADITIONNEL) ARRÊT QUINN DU 22 MARS L'ARTICLE 7 DE LA CESDH CONSACRE UN PRINCIPE PÉNAL INDISPENSABLE À L'ETAT DE DROIT : PAS DE PEINE SANS LOI MALGRÉ LE RANG CONSTITUTIONNEL DU PRINCIPE NULLUM CRIMEN NULLA POENA SINE LEGE (ARTICLE 8 DE LA DDHC INCLUSE DANS LE PRÉAMBULE DE LA CONSTITUTION DE 1958, JURISPRUDENCE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL QUI A POSÉ QUE TOUTE PEINE PRIVATIVE DE LIBERTÉ SOIT DÉFINIE PAR LA LOI), LA FRANCE A ÉTÉ CONDAMNÉE PAR LA COUR DE STRASBOURG POUR VIOLATION DE L'ARTICLE 7 DE LA CESDH : LA CONTRAINTE PAR CORPS A ÉTÉ CONSIDÉRÉ COMME UNE PEINE DANS LES ARRÊTS JAMIL DU 8 JUIN 1995 ET SOUMARE DU 24 AOÛT 1998. [...]
[...] LA FRANCE L'APPREND AU PRIX D'UNE CONDAMNATION RETENTISSANTE À L'OCCASION DE L'AFFAIRE ALLENET ET RIBEMONT. AVEC L'ARRÊT DU 10 FÉVRIER 1995, LA COUR EDH POSE QUE L'ATTEINTE À LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE PEUT ÉMANER NON SEULEMENT D'UN JUGE OU D'UN TRIBUNAL MAIS AUSSI D'AUTRES AUTORITÉS PUBLIQUES. EN L'OCCURRENCE, LE MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, MICHEL PONIATOWSKI, AVAIT PUBLIQUEMENT DÉSIGNÉ COMME COUPABLE PATRICK DE RIBEMONT QUI AVAIT ENSUITE ÉTÉ MIS HORS DE CAUSE. ON CONSTATE EN MATIÈRE DE PRÉSOMPTION D'INNOCENCE UNE DISSOCIATION ENTRE LES TEXTES DE PROCÉDURE PÉNALE (LA DÉCLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L'HOMME DE 1789 QUI A VALEUR CONSTITUTIONNELLE, L'ARTICLE 9-1 DU CODE CIVIL QUI CONSACRE LE PRINCIPE) ET LA PRATIQUE LES VIOLATIONS DE L'ARTICLE 6 : EFFECTIVITÉ DU DROIT D'ACCÈS À UN TRIBUNAL ET ÉGALITÉ DES ARMES LE DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE EST UN DES DROITS DE L'HOMME RECONNUS PAR LA CESDH ET NÉANMOINS VIOLÉ À PLUSIEURS REPRISES PAR LA PROCÉDURE PÉNALE FRANÇAISE : - ARRÊT AÏT-MOUHOUB DU 28 OCTOBRE 1998 : LA FRANCE A ÉTÉ CONDAMNÉE POUR AVOIR CONSIDÉRÉ COMME IRRECEVABLE UNE PLAINTE AVEC CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE POUR DÉFAUT DE VERSEMENT DANS LES DÉLAIS DU MONTANT DES CONSIGNATIONS FIXÉES EN VERTU DE L'ARTICLE 898 CODE DE PROCÉDURE PÉNALE. [...]
[...] EN OUTRE, IL SUBSISTE DES DOMAINES QUI REQUIÈRENT LA VIGILANCE : LA GARDE À VUE, LA DÉTENTION PROVISOIRE ET LE DÉLAI RAISONNABLE. IL CONVIENT TOUT PARTICULIÈREMENT DE SE PENCHER SUR LE PROBLÈME DE LA PERSISTANCE DES BRUTALITÉS POLICIÈRES. IL N'EST PAS ACCEPTABLE D'ÊTRE CONDAMNÉS À QUATRE REPRISES AU TITRE DE L'ARTICLE 3 DE LA CESDH ENTRE 1992 ET 2004, DONT UN CAS AYANT ÉTÉ QUALIFIÉ DE TORTURE EN 1999. BIBLIOGRAPHIE PROCÉDURE PÉNALE, JEAN PRADEL, CUJAS, 13ÈME ÉDITION, 1ER JUILLET 2006 LES MOUVEMENTS DE RÉFORME DE LA PROCÉDURE PÉNALE ET LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME REVUE INTERNATIONALE DE DROIT PÉNAL, SPÉCIAL ACTES PRÉPARATOIRES DU COLLOQUE DE TOLÈDE, 3ÈME ET 4ÈME TRIMESTRE 1993 CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME ET PROCÉDURE PÉNALE, QUELQUES ASPECTS D'UNE INCIDENCE BERNARD BOULOC, LES CAHIERS DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE, 51 SÉCURITÉ ET DÉMOCRATIE PRINCIPES DIRECTEURS D'UNE PROCÉDURE PÉNALE EUROPÉENNE : LA CONTRIBUTION DES ORGANES DE LA CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME MICHELE DE SALVIA, COLLECTED COURSES OF THE ACADEMY OF EUROPEAN LAW VOLUME 2 LA DÉRIVE DE LA PROCÉDURE PÉNALE FRANÇAISE AU REGARD DES EXIGENCES EUROPÉENNES JEAN-PIERRE MARGUÉNAUD, RECUEIL DALLOZ 2000, CHRONIQUES P.249 LA PROCÉDURE PÉNALE FRANÇAISE À L'AUBE DU TROISIÈME MILLÉNAIRE JEAN PRADEL, RECUEIL DALLOZ 2000, CHRONIQUES P.1 HTTP://FR.WIKIPEDIA.ORG/WIKI/PATRICK_DE_RIBEMONT HTTP://WWW.ECHR.COE.INT LA PROCÉDURE PÉNALE FRANÇAISE À L'AUBE DU TROISIÈME MILLÉNAIRE JEAN PRADEL, RECUEIL DALLOZ 2000, CHRONIQUES P.1 CONVENTION UNIVERSELLE DES DROITS DE L'HOMME DE 1948, CONVENTION POUR LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE 1948, LE PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES 1966, LA CONVENTION CONTRE LA TORTURE ET AUTRES PEINES ET TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DÉGRADANTS 1984 ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL CONTRÔLE LA CONFORMITÉ DES LOIS DE PROCÉDURE PÉNALE AVEC LES TEXTES DIRECTEMENT VISÉS PAR LE PRÉAMBULE DE LA CONSTITUTION DE 1958. [...]
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