"Deux juges indépendants ont estimé que les coupables devaient être traduits devant un tribunal correctionnel" Le 23 septembre dernier, ces quelques mots du garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire provoquèrent de nombreuses réactions parmi la classe politique et surtout parmi la communauté des professionnels du droit. En qualifiant de "coupables" certains protagonistes de l'Affaire Clearstream dont le procès vient pourtant de débuter, Nicolas Sarkozy porte une atteinte manifeste au principe fondamental qu'est la présomption d'innocence.
Il convient de remarquer que cette déclaration s'inscrit dans cette tradition française qui s'est dessinée pendant la Ve République. Ainsi, nombreux sont les procès en cours qui font l'objet de commentaires déplacés de la part d'élus, qui du même fait se jouent du principe de séparation des pouvoirs. Et non moins nombreuses sont les lois, souvent votées précipitamment en réaction à un fait divers qui a marqué l'opinion, qui viennent limiter le droit à la présomption d'innocence, par exemple la loi du 9 janvier 2008 relative à la rétention de sûreté.
La définition de la présomption d'innocence est double. En premier lieu, il s'agit du "principe selon lequel, en matière pénale, toute personne poursuivie est considérée comme innocente des faits qui lui ont été reprochés, tant qu'elle n'a pas été déclarée coupable par la juridiction compétente." La seconde facette de la présomption d'innocence, plus souvent oubliée, la définit comme la règle fondamentale qui impose la charge de la preuve, c'est-à-dire la règle qui impose au plaideur d'établir les preuves des faits qu'il dénonce.
[...] Maurice Chevalier, GF-Flammarion, paris p142 Cass. Civ août 1867 CEDH, arrêt Janosevic c. [...]
[...] Le Conseil a ainsi considéré que cette mesure ne portait pas atteinte à la présomption d'innocence. Dans sa décision 411 du 16 juin 1999 relative à une loi modifiant notamment le code la route, il va jusqu'à soutenir que le législateur peut, à titre exceptionnel instaurer une présomption de culpabilité en matière répressive Cette atteinte caractérisée à la présomption d'innocence constitue un véritable renversement de la charge de la preuve, en l'occurrence le propriétaire du véhicule se voit contraint de prouver qu'il n'était pas au volant au moment de l'infraction. [...]
[...] Enfin, elle a prévu un abaissement des délais d'audiencement, notamment en matière correctionnelle et dans le cadre de la procédure de comparution immédiate. Ces différentes dispositions contribuent certes à la protection de la présomption d'innocence, mais cette protection est encore loin d'être parfaite, ainsi les statistiques officielles du ministère de la Justice indiquent que malgré la loi du 15 juin 2000, plus de 20000 mesures de détention provisoire sont encore prises chaque année. La charge de la preuve et l'intime conviction du juge In dubio pro reo Ce principe, selon lequel le doute profite à l'accusé, a été en grande partie délaissé dans le droit français. [...]
[...] Avant même de savoir si M. Sarkozy sera condamné pour ses propos, ce qui ne pourra guère se produire avant qu'il ne soit redevenu un justiciable comme les autres c'est-à-dire avant 2012 ou 2017, il convient de remarquer que cette déclaration s'inscrit dans cette tradition française qui s'est dessinée pendant la Ve République. Celle-ci consiste, principalement pour les hommes politiques, à bafouer la présomption d'innocence dès qu'une occasion se présente, tout en la proclamant comme un principe fondamental, que ce soit lors de grands discours ou au sein de lois censées ranimer ce pilier de la démocratie libérale. [...]
[...] Suède juillet 2002, reprend les conclusions de l'arrêt Salabiaku c. France Lexique des termes juridiques 2010, Dalloz, Paris J-P. FELDMAN, La présomption d'innocence et la réforme des institutions in Avancer vers l'Etat de droit, p69, Cheminements, Paris Cour de Cassation, 1re Ch. Civ. mars 1996 D. STILINOVIC, Voyage au pays de la présomption d'innocence, Bibliophane Daniel Radford, Paris p25 C. BECCARIA, Traité des délits et des peines, trad. [...]
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