Notre droit français a connu une grande évolution concernant les preuves admissibles. En effet, jusqu'à la seconde moitié du XIIe siècle, les preuves étaient fournies par Dieu : les ordalies permettaient à Dieu de communiquer aux hommes sa sagesse et sa vérité divine. Par exemple existait l'ordalie de l'eau chaude. On plongeait la main de l'accusé dans de l'eau brûlante, on l'y laissait le temps de réchauffer le prévenu, puis on enfermait la main de la façon la plus hermétique possible dans un sac en cuir. Au bout de plusieurs jours, on enlevait le sac de cuir et si la main était infectée, cela signifiait que l'accusé était effectivement coupable. Durant le XIIIe siècle s'est opéré un glissement vers un système plus rationnel et objectif concernant les modes de preuve. A partir de ce moment, une commission d'échevins devait enquêter et entendre le témoin susceptible de faire la « preuve légale » et les preuves romaines (issues de la redécouverte par l'Eglise du Droit Romain) prennent le dessus sur la purgatio, entraînant le retour du témoignage et de l'écrit sur le devant de la scène.
Cependant, les siècles s'écoulant, les preuves légales ont fait place à un tout autre système et le législateur a érigé en principe la liberté de la preuve, règle inverse de la preuve légale. Si théoriquement tous les modes de preuve sont de nos jours admis en droit français, peut-on utiliser dans un procès pénal une preuve obtenue à l'aide d'une infraction ? Le législateur a admis le principe de la liberté de la preuve qui a ensuite été encadré par la jurisprudence (I) ; mais cette liberté, exercée de façon différente selon la personne qui obtient la preuve, entraîne une controverse (II).
[...] En effet, pour les personnes privées, tous les modes de preuve sont recevables, même si celles-ci sont obtenues de façon illégale. Le juge est seulement tenu d'en retenir la valeur qu'il estime pouvoir leur donner. Ainsi une personne peut-elle enregistrer et produire à la police une conversation téléphonique qu'elle a avec une autre personne et prouvant l'allégation des faits retenus à l'encontre de cette dernière. Cela, d'après la Chambre Criminelle de la Cour de cassation, ne viole ni les droits de la défense, ni l'intimité de la vie privée. [...]
[...] Dans cette affaire, la Chambre Criminelle de la Cour de cassation avait déclaré, le 12 octobre 1991, que l'intervention des policiers a eu pour seul effet de permettre la constatation d'une activité délictueuse et d'en arrêter la continuation Chaque preuve établie par une personne publique doit être obtenue légalement en suivant la lettre de la procédure pénale française et si mettre une personne sur écoute sans en avoir, au préalable, obtenu l'autorisation est une preuve irrecevable, un officier de police peut tout à fait se cacher pour écouter une conversation. Le procès-verbal qu'il établira ensuite quant à ce qu'il a entendu sera, lui, tout à fait recevable. Si le législateur a érigé en principe la liberté de la preuve, la Cour de cassation a entendu restreindre cette liberté en ce qui concerne les preuves obtenues par les personnes publiques. Il n'en est cependant pas de même pour les personnes privées, et cette différence peut prêter à controverse. [...]
[...] En effet, le juge répressif ne peut déclarer une preuve obtenue de façon illicite ou déloyale par une personne privée irrecevable que si cette preuve est la seule est la seule pièce du dossier. Le juge est donc contraint d'accepter toutes les preuves obtenues par les personnes privées à condition qu'il en apprécie la valeur et la conviction, puis qu'il les porte au débat contradictoire des parties. La Cour de cassation semble donc mettre un point d'orgue à faire respecter le principe de la liberté de la preuve prévue à l'article 427 du Code de Procédure Pénale, tout du moins en ce qui concerne les preuves obtenues et fournies par les personnes privées. [...]
[...] Les évolutions de notre société, des infractions commises ainsi que des moyens de commission des infractions poussent la Chambre Criminelle de la Cour de cassation à s'adapter sans cesse afin de laisser s'exprimer la vérité ; mais il faudra, face aux moyens sans cesse nouveaux, faire de plus en plus attention à ne pas porter atteinte à la vie privée des personnes mises en cause. [...]
[...] Autoriser la recevabilité de tous les modes de preuve des personnes privées et museler stricto sensu les agissements des forces de l'ordre peut les paralyser dans certains contextes, et surtout en ce qui concerne la délinquance organisée comme le terrorisme, le trafic d'armes ou le trafic de stupéfiants. La jurisprudence a ainsi admis que certaines actions frauduleuses mises en œuvre de façon à mettre fin à ces types de trafics puissent être acceptées. Par exemple, il existe la livraison contrôlée. [...]
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