Le Doyen Carbonnier écrivait à propos de la loyauté procédurale: « Les coups bas sont interdits, les simples ruses de guerre ne le sont pas ». Toute la question est alors de déterminer la limite entre les méthodes qui relèvent des « coups bas » et celles qui ne sont que des « ruses de guerres ». Pour ce faire, le principe de loyauté de la preuve est un outil particulièrement utile.
La preuve désigne l'établissement de la réalité d'un fait ou d'un acte juridique, ou, dans un sens plus restreint, le procédé qui permet d'aboutir à cette fin. La preuve pénale vise à la manifestation de la vérité et à la condamnation de l'auteur de l'infraction. Elle intéresse donc au premier plan l'ordre public et doit pouvoir être produite en justice afin que les juges puissent s'appuyer sur un maximum d'éléments pour avoir une vision la plus fidèle à la réalité possible du cas qui leur est soumis et prendre leur décision en toute connaissance de cause. Le possibilité de pouvoir produire des preuves lors d'un procès est donc une véritable nécessité afin d'éviter les erreurs. Pourtant, cette fin ne justifie pas l'emploi de n'importe quels moyens.
En principe, la preuve pénale est libre en vertu de l'article 427 du Code de procédure pénale. Pourtant, la liberté de la preuve ne saurait autoriser le recours à toutes sortes de pratiques et d'excès. En effet, certains modes de preuves sont proscrits depuis longtemps, car attentatoires aux libertés individuelles, comme la torture. Dans un Etat de droit, la question de la preuve est nécessairement soumise au principe de légalité et au respect des droits fondamentaux de chaque individu. L'administration de la preuve, c'est-à-dire sa recherche et son recueil, doit se faire en respectant la légalité tant procédurale que matérielle. Cette dernière est constituée par certains principes généraux essentiels que doivent respecter les acteurs de la procédure pénale et parmi eux figure le principe de loyauté de la preuve. Ce principe impose aux acteurs de la procédure pénale d'agir honnêtement, sans avoir recours à des ruses ou des stratagèmes. En effet, on estime que l'obtention de preuve ne doit pas se faire au prix de violations des libertés individuelles.
Cet équilibre entre loyauté et besoin de moyens efficaces pour rechercher la vérité n'est pas apprécié de la même manière selon les différentes branches du droit considérées. En matière de droit du travail, la tendance de la chambre sociale est une certaine sévérité à l'égard des preuves rapportées, à l'image de l'arrêt Nikon du 2 octobre 2001, où elle condamne l'utilisation clandestine d'un système de surveillance électronique par l'employeur. Il en va de même dans les relations d'affaire, comme le rappelle la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 20 mai 1994 : « l'utilisation d'un enregistrement opéré à l'insu d'un des intervenants est une déloyauté qui ne peut qu'être rejetée comme moyen de preuve ». Par ailleurs, en procédure civile, ce principe de loyauté n'apparaît pas en tant que tel dans le code de procédure civile, mais est rappelé régulièrement par la jurisprudence et certains voient dans les articles 9 et 10 dudit code une référence à l'exigence de loyauté dans la recherche de preuves qui doit s'opérer « conformément à la loi » et en respectant les « mesures légalement admissibles ». En revanche, la situation est toute autre en droit pénal où le souci de la découverte de la vérité prime celui du respect de la privée ou du secret des correspondances, peut-être parce que le besoin d'être le plus proche de la vérité est encore plus impérieux qu'en matière civile eu égard aux enjeux d'une procédure pénale qui touchent à la dignité et à la liberté des personnes.
Dans tous les cas et particulièrement celui de la procédure pénale qui nous occupe ici, il faut concilier des impératifs souvent contradictoires, à savoir le besoin d'un système répressif efficace et la préservation des droits des justiciables. C'est précisément dans ce point que réside tout le problème concernant la loyauté de la preuve : comment concilier les nécessités probatoires, conditions d'une répression efficace, et la protection des droits et libertés des citoyens ?
Afin de préciser l'équilibre trouvé par les textes et la jurisprudence en cette matière, voyons d'abord comment le principe de loyauté de la preuve est respecté en procédure pénale (I) ; puis, en quoi ce principe reste malgré tout limité et ne saurait recevoir une application absolue (II).
[...] du Code de procédure pénale). Les infiltrations sont les pratiques par lesquelles des membres de la police judiciaire observent, sans se faire connaître, certains agissements délictueux, voire s'associent à ces agissements, dans le but de mettre la main sur les commanditaires et les auteurs principaux de l'infraction, en vertu de l'article 706-81 du Code de procédure pénale. Un policier infiltré peut se faire passer pour un coauteur, un complice ou un recéleur de crimes ou délits, utiliser une identité d'emprunt, acquérir ou détenir des substances ou des biens tirés de délits. [...]
[...] Cet état de la jurisprudence est pour le moins antinomique avec l'exigence d'une certaine loyauté dans la recherche des preuves, mais est révélateur de la propension actuelle qui consiste à faire primer de plus en plus le besoin de moyens d'enquête efficaces sur la protection des libertés individuelles. La loi du 9 mars 2004 est une autre illustration, législative celle-là, de cette tendance. Une certaine clandestinité nécessaire à la manifestation de la vérité Il est indéniable que certaines investigations ne peuvent être efficaces que si elles sont dissimulées aux personnes qu'elles concernent. Leur réalisation exige le secret et leur réussite suppose la clandestinité. [...]
[...] L'agent est alors exonéré de sa responsabilité pénale s'il est spécialement autorisé. Les infractions auxquelles ces règles ont vocation à s'appliquer sont définies pour l'essentiel à l'article 706-73 du Code de procédure pénale. Il s'agit de crimes et délits comme le meurtre en bande organisée, le trafic de stupéfiants, le proxénétisme aggravé, l'enlèvement et la séquestration en bande organisée, les actes de terrorisme, etc. Le nouveau texte distingue les opérations d'infiltration proprement de la simple surveillance. La surveillance sonore et visuelle La surveillance est régie par l'article 706-80 Code de procédure pénale, les membres de la police judiciaire peuvent, après en avoir informé le procureur de la République, procéder à la surveillance des personnes soupçonnées d'avoir commis l'une de ces infractions et à celle de l'acheminement des biens tirés de la commission de ces infractions ou servant à les commettre. [...]
[...] Si l'emploi de procédés narcotiques est complètement proscrit en France, la preuve par cinémomètre associé à un appareil photographique dissimulé est admise par la Cour de cassation, sa chambre criminelle estimant que le procédé ne porte pas atteinte à la vie privée de la personne concernée dans un arrêt du 7 mai 1996. En outre, le recours à la ruse et à la dissimulation peut être admis durant la période d'enquête, c'est la question des provocations policières. Mais, pour être valable, l'action du policier ne doit pas soumettre le prévenu à une contrainte, caractérisée par une provocation à commettre l'infraction. [...]
[...] Le Procureur peut procéder à un retrait ou à une suspension d'habilitation d'un OPJ et la chambre d'instruction peut prononcer à son encontre une interdiction temporaire ou définitive d'exercer ses fonctions. Les magistrats sont, quant à eux, sanctionnés par le Conseil supérieur de la magistrature. Si, en outre, la preuve illégale a causé un préjudice, elle pourra entraîner une indemnisation devant une juridiction civile ou administrative. Le respect du principe de loyauté est donc garanti en droit français, mais malgré le respect qui lui est dévolu, il ne reçoit pas une application absolue. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture