Les lois du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale et relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats font directement suite au scandale d'Outreau, qui est censé avoir pointé du doigt les dysfonctionnements dont souffraient cette matière.
Bien qu'Alain Juppé ait pu considérer qu'en matière de pédophilie, « il faut parfois mettre entre parenthèses les droits de l'homme pour protéger ceux de l'enfant », l'atteinte au principe constitutionnel de la présomption d'innocence et le placement quasi systématique en détention provisoire constituaient les principaux griefs retenus contre l'institution judiciaire, après l'Affaire d'Outreau. Plus généralement, c'était le juge d'instruction qui était mis en cause, ses pouvoirs étant estimés trop importants et sa mission d'instruction à charge et à décharge étant jugée paradoxale.
La loi « Equilibre de la procédure pénale » vient donc modifier le Code de Procédure Pénal (CPP), sur ces différents points, mais on peut déplorer que le législateur n'ait pas revu le rôle des acteurs sociaux appelés à intervenir dans le cadre de telles affaires. En effet, les associations de protection de l'enfance et les experts psychiatriques ont pu être accusés de faire du lobbying auprès des juges d'instruction. Et la responsabilité du scandale d'Outreau doit être partagée avec ces « lobbies », car les experts psychiatriques, relayés par les associations, appelaient dès 1997 à croire aveuglément en la parole des enfants, ceux-ci ne pouvant pas mentir quant à de tels faits.
On peut également déplorer que la loi n'ait pas encadré plus strictement le témoignage des mineurs, puisque les poursuites des « accusés d'Outreau » ne se fondaient presque que sur leurs aveux. Mais cette « lacune » est plus ou moins légitime, dans la mesure où non seulement le législateur est intervenu en 2007 avec la loi sur la protection de l'enfance, mais surtout en raison de la rareté des preuves, des témoignages et aveux de culpabilité dans les affaires de pédophilie.
On peut finalement s'interroger quant au nom donné à la loi du 5 mars 2007 venant réformer le CPP. Quel équilibre le législateur tend-il à renforcer, au sein de la procédure pénale ?
Pour certains, il s'agit d'atténuer le caractère inquisitoire de la procédure pénale, tout en augmentant son caractère accusatoire. En effet, traditionnellement, on estime que la procédure pénale est inquisitoire, laissant ainsi la charge de la preuve au juge, au contraire de la procédure civile. L'inconvénient du système inquisitorial est que le juge doit faire preuve de suffisamment d'objectivité, d'impartialité, pour instruire à charge et à décharge. Si certains auteurs ont pu dénoncer ce système, estimant qu'il imposait un « raisonnement de nature quasiment schizophrène », d'autres relativisent. Cette seconde position doctrinale se fonde non seulement sur le développement des enquêtes de police diligentées par le parquet, qui réduisent d'autant plus la nécessité d'instruire à charge, mais également sur les statistiques des ordonnances de non-lieu, qui démontrent que les instructions sont effectivement faites à décharge.
D'après les dispositions de cette loi, l'équilibre est à rechercher ailleurs, puisque la procédure pénale reste largement inquisitoire. En réalité, ce sont plus les pouvoirs du juge d'instruction qui font l'objet d'un renforcement de l'équilibre, en faveur des droits de la défense et de la présomption d'innocence. Mais pour une partie de la doctrine, ce rééquilibrage dénote plus une certaine défiance envers les institutions judiciaire et policière qu'il n'assure l'impartialité et l'objectivité des juges et policiers face à des situations atroces.
Si la loi du 5 mars 2007 introduit quelques mesures accessoires, comme la prise en compte des nouvelles technologies pour la transmission de pièces ou rapports d'expertise (art. 114 et 167), elle insiste en fait particulièrement sur cinq points : la pluralité de juges d'instruction, le renforcement des droits de la défense et ceux de la victime, le développement de l'enregistrement des interrogatoires et l'accélération de la justice pénale.
[...] La pluralité de juges pour l'instruction Une instruction désormais collégiale L'article 1er de la loi du 5 mars 2007 vient réformer l'article 83 CPP, relatif à la désignation du juge d'instruction par le Président du TGI. Désormais, le principe sera donc celui d'une juridiction d'instruction collégiale, d'au moins trois juges. Parmi ces trois juges, un juge coordonnateur sera désigné. Celui-ci sera compétent pour prendre tous les actes ne nécessitant pas une décision collégiale (les articles 2 à 5 de la loi viennent distribuer les compétences du juge d'instruction à la collégialité, au juge coordinateur et aux pôles d'instruction). [...]
[...] 2nd), pour les instructions relatives à des faits graves ou complexes. La loi révise les articles 83 et 83-1 CPP et crée un article 83-2, de telle sorte que la faculté de cosaisir plusieurs juges d'instructions ne soit plus prévue que par les articles 83-1 et 83-2. La condition de gravité ou de complexité des faits demeure inchangée mais cette faculté est ouverte au Président d'office ou sur requête du parquet, à tout moment de la procédure. Au cours de la procédure, le consentement du juge d'instruction initialement saisi est requis, sauf s'il est l'auteur de la demande. [...]
[...] Les réquisitions et observations complémentaires, répondant aux premiers écrits, doivent être adressées au juge sous 10 jours ou 1 mois (selon qu'il y a détention provisoire ou non). C'est seulement faute de réponse dans ces délais que le juge statue sans réquisitions ou observations. L'encadrement strict des délais montre bien la préoccupation du législateur quant à la célérité de la procédure. Le législateur de 2007 est également venu revoir les droits et obligations du ministère public, afin d'accélérer le déroulement du procès pénal. Ainsi est-il toujours loisible au parquet de se désister de l'appel incident en cas de désistement du prévenu (art. 380-11). [...]
[...] Un nouvel examen peut intervenir ensuite tous les 6 mois afin de contrôler les avancées du juge d'instruction. La décision du président est une mesure d'administration judiciaire insusceptible de recours, mais si l'examen est décidé, il aura lieu en audience publique. Celle-ci est tenue après que les parties ont pu déposer des mémoires demandant la mise en liberté ou tout autre type d'acte (nouvel art. 221-3). Dans le cadre des instructions collégiales, la demande de placement ne peut pas émaner du seul juge coordonnateur (art. [...]
[...] 161-1), dont la décision, en revanche, est insusceptible de recours, quoique motivée. Cette faculté offerte aux parties et au parquet n'est écartée qu'en cas d'urgence ou si un risque d'entrave aux investigations existe. Le nouvel article 167-2 CPP prévoit la possibilité de demander à l'expert un rapport provisoire, qui peut faire l'objet d'observations du parquet ou des avocats des parties. Cette possibilité se mue en obligation sur simple demande du ministère public ou d'une partie. Un droit à réexamen de la situation Le mis en examen s'est vu octroyer le droit de demander au juge d'instruction de revenir sur l'attribution du statut de mis en examen au profit de celui de témoin assisté si les conditions sont réunies, six mois après la décision de mise en examen, et tous les six mois, par la suite (art. [...]
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