La loi du 9 mars 2004 dite Loi Perben II a entraîné un réel bouleversement institutionnel au sein de l'organisation judiciaire d'une part, par l'introduction dans notre droit procédural, du Garde des Sceaux comme véritable organe de la procédure pénale, et d'autre part, par l'accroissement des pouvoirs des parquets, lesquels par un phénomène de glissement, auront à exercer des pouvoirs relevant traditionnellement de la compétence des magistrats du siège, et ce notamment en matière de libertés individuelles. Le ministère public acquiert un rôle non négligeable dans la procédure pénale et devient alors l'élément moteur dans la conduite de l'action publique, signe alors d'une plus grande indépendance dans ses activités au détriment des autres juges comme le JI.
Comme on le sait, « les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l'autorité du garde des sceaux » (art. 5 ordonnance du 22 décembre 1958). Ce texte fait apparaître l'existence du Ministre de la Justice, comme chef du Ministère public, et des magistrats lui appartenant.
Et plus nettement encore, le Titre premier du Livre premier du CPP, depuis sa réforme du 9 mars 2004 distingue en deux chapitres distincts le Garde des Sceaux (chapitre 1 bis, art. 30), et le Ministère public (chapitre 2, art 31 et s.). La loi Perben II a donc voulu mettre l'accent sur le rôle directeur du ministre de la Justice en fixant avec précisions ses attributions à travers l'article 30 du CPP, reprenant en partie l'ancien article 36 du CPP.
La subordination hiérarchique du Parquet au Garde des Sceaux n'est pas réellement remise en question. Elle était déjà de droit et correspond à une réalité judiciaire bien qu'une tentative d'équilibre entre l'indépendance et la subordination hiérarchique avait été recherchée vers la fin des années 1990 (la réforme constitutionnelle du 27 juillet 1993 modifia la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) afin de le rendre moins dépendant de l'exécutif et les lois du 4 janvier et du 24 août 1993, limitant la possibilité pour ce dernier de donner des instructions de poursuite dans des dossiers individuels) ; mais la pratique de ces dernières années, avec à son apogée la loi du 9 mars 2004, révèle au contraire une réaffirmation de la prépondérance du lien hiérarchique, au point de parler d'une véritable « reprise en main des parquets ».
Ce n'est pas tant là le cœur du problème. Ce qui porte à confusion, c'est le fait que parallèlement à cette consécration, le législateur de 2004 a renforcé considérablement les pouvoirs des membres du parquet. On arrive donc à la question suivante : pourquoi avoir renforcé les pouvoirs du ministère public quand dans le même temps on réaffirme sa subordination hiérarchique au pouvoir exécutif ? Et par conséquent, peut-on réellement parler d'indépendance du parquet au regard de la loi du 9 mars 2004 ?
Peut-être était-ce dans le souci d'un renforcement de la cohérence de la politique d'action publique, d'obtenir une certaine homogénéité dans la politique menée par les parquets ? Mais on ne peut pas s'empêcher de penser aussi à l'idée que l'accroissement des pouvoirs du Parquet associé à la réaffirmation du Garde des Sceaux comme chef de la formation, donne par extension plus de pouvoirs à ce dernier. Et alors pourrait-on arriver à l'hypothèse que l'exécutif aurait une réelle emprise sur l'autorité judiciaire et donc que celle-ci, par conséquent, en matière pénale surtout, serait alors soumise au pouvoir exécutif. Ainsi le principe de la séparation des pouvoirs, affirmé à l'article 16 de la DDHC, défendu par nos philosophes des Lumières paraît bien remis en cause.
L'article 63 de la loi, devenu l'article 30 du CPP est controversé. Pourtant le Conseil Constitutionnel, dans sa décision du 2 mars 2004 portant sur la loi Perben II, saisi notamment sur le grief du non respect du principe de la séparation des pouvoirs, a validé la loi sans y voir un quelconque non respect au principe.
Aussi pour démontrer que l'indépendance du Parquet n'est que relative au regard de la loi du 9 mars 2004, nous traiterons dans un premier temps, de cet article 30 et de la consécration de la subordination hiérarchique du Parquet au garde des Sceaux avant de nous intéresser, dans une deuxième partie, à l'accroissement des pouvoirs des membres du parquet, apparence d'indépendance.
[...] Il n'est donc pas inconcevable, en théorie, qu'un Garde des Sceaux demande qu'il soit recouru à une procédure de plaider coupable plutôt qu'à une procédure ordinaire. Cette prérogative est cependant doublement encadrée, ce qui pose alors des limites à l'action du ministre : l'objet de l'intervention ne peut être que l'engagement d'une poursuite et non le classement sans suite ; la forme de l'intervention est également définie par le législateur : il doit s'agir d'instructions écrites et versées au dossier de la procédure (C'est là la reprise du principe de l'actuel article 36 CPP, abrogé par coordination). [...]
[...] Instructions individuelles La loi du 9 mars 2004 a également, en second lieu, ajouté que le ministre de la Justice peut dénoncer au procureur général, les infractions à la loi pénale dont il a connaissance et lui enjoindre par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le ministre juge opportunes (al 3 art 30). Cela signifie que le ministre de la Justice a la possibilité d'intervenir, auprès du procureur général, dans des dossiers individuels. [...]
[...] Au stade de l'instruction, le Procureur de la République peut requérir du JI son dessaisissement au profit de la juridiction interrégionale spécialisée. Le JI a un mois pour statuer et s'il ne le fait pas le Procureur de la République peut saisir directement la chambre de l'instruction ou la Cour de cassation. La loi Perben II a également instauré de nouvelles règles de procédures spécifiques mises en œuvre, dans le cadre de l'enquête, à l'initiative du Procureur de la République mais sur décision du JLD et dans le cadre de l'instruction, sur décision du JI. [...]
[...] Et on peut donc alors discuter de cette apparente indépendance lorsqu'on sait que le Garde des Sceaux peut intervenir dans la procédure en donnant aux parquets des instructions générales comme les circulaires, mais aussi individuelles comme le fait d'enjoindre au procureur général près la CA d'engager une action publique. Comme on le sait, les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l'autorité du garde des sceaux (art ordonnance du 22 décembre 1958). Ce texte fait apparaître l'existence du Ministre de la Justice, comme chef du Ministère public, et des magistrats lui appartenant. [...]
[...] Toutefois, l'exercice de l'action publique fait du ministère public le représentant de l'Etat. Il a donc paru nécessaire de contrôler son action, en faisant du parquet un corps hiérarchisé. On assimile parfois l'organisation du Parquet à une pyramide au sommet de laquelle se situe le Garde des Sceaux. Le ministre de la Justice exerce en effet son autorité sur tous les membres du Ministère Public en ce qui concerne le déroulement de leur carrière. Il la possibilité de donner des ordres au procureur général près la Cour de cassation et aux procureurs généraux près les Cours d'appel. [...]
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