Avant de traiter le sujet proposé, il est important de rappeler l'histoire et le rôle de ce fameux juge qui fit et fait couler tant d'encre. Ce « vétéran de l'époque napoléonienne » ainsi que le surnomme Robert Badinter, trouve ses origines dans la création des lieutenants criminels par François 1er en 1522. Ils avaient la charge, alors, d'instruire les enquêtes. Supprimés par la révolution, le code d'instruction criminelle de 1808 crée leur successeur et la fonction que nous connaissons aujourd'hui : celle de juge d'instruction. Officier supérieur de police judiciaire, il n'est à l'époque qu'un agent d'information, chargé de collecter et rassembler les preuves nécessaires à l'établissement de la vérité. La loi du 17 juillet 1856 lui confère le pouvoir de prendre des décisions juridictionnelles, en plus de sa compétence d'enquêteur. Cette nouvelle fonction s'accompagne en 1959 de la suppression de sa qualité d'officier de police judiciaire qui le rend ainsi indépendant vis-à-vis du ministère public. Le juge d'instruction n'est plus hiérarchiquement subordonné au parquet général.
Son rôle est aujourd'hui de collecter et rassembler toutes les preuves nécessaires à la l'établissement de la vérité. Le juge d'instruction « instruit à charge et à décharge » souligne l'article 81 alinéa 1er du code de procédure pénale. Plus clairement, son action est uniquement orientée vers la recherche de la vérité. A la suite, de son enquête, le juge d'instruction, rend par des ordonnances de non lieu ou de renvoi, des décisions juridictionnelles. C'est à lui de décider si les charges relevées sont suffisantes pour poursuivre le ou les personnes mises en examen (ordonnance de renvoi devant la juridiction répressive) ou s'il convient de ne pas donner suite à l'affaire (ordonnance de non lieu). Le juge d'instruction est saisi par le procureur de la république ou par une plainte « avec constitution de partie civile ». Ne lui sont soumises, en principe, que les affaires les plus sensibles, les plus complexes. Lorsqu'il s'agit d'un crime il est obligatoirement saisi.
[...] Une telle réforme est bienvenue et supprime quasiment tout risque d'arbitraire. Dès lors, la proposition de Nicolas Sarkozy est étonnante, car elle ne tient aucun compte du travail législatif récent. Court-circuiter une loi avant qu'elle n'entre en vigueur témoigne d'un mépris certain pour le travail des parlementaires. Nous pouvons raisonnablement penser que la pression de l'opinion publique, traumatisée par les récents scandales judiciaires, a beaucoup influencé la proposition présidentielle. La suppression du juge d'instruction est inutile pour toutes les raisons que nous avons vues précédemment et surtout parce qu'une réforme nécessaire a déjà été engagée. [...]
[...] C'est un débat de fond que sous-tend la suppression du juge d'instruction. C'est la bascule d'un système contradictoire à un système accusatoire qui est proposé. Un tel changement peut être discuté, mais rappelons que le système accusatoire n'est pas exempt non plus de reproches et que les erreurs judiciaires y sont nombreuses. La principale critique concerne le statut du parquet. Le flou dangereux concernant le statut du parquet. La suppression du juge d'instruction souhaitée par la commission Delmas-Marty devait s'accompagner d'une réforme statutaire du parquet pour le rendre indépendant du ministère public. [...]
[...] À la suite de l'affaire d'Outreau, les réflexions de la commission Vallini ont abouti à une proposition de loi qui entrera en vigueur en 2010. L'apport majeur de cette réforme est de ne plus laisser à la charge d'un seul juge d'instruction, l'affaire dont il est saisi. Ce sont désormais trois juges d'instruction qui œuvreront en commun pour l'instruction de l'affaire. Le président Nicolas Sarkozy semble pourtant étonnamment avoir fait de la suppression du juge le plus puissant de France l'une de ses priorités dans le calendrier judiciaire des réformes. [...]
[...] Le juge des libertés et de la détention notamment a besoin pour se prononcer de connaître l'affaire qui lui est soumise. Il ne peut décider raisonnablement de l'incarcération d'un individu sans prendre en compte les éléments de l'enquête. Son impartialité pourrait, elle aussi, être contestée. Dès lors, supprimer le juge d'instruction en utilisant cet argument comme fondement est critiquable. D'autant plus que pour pallier ce risque, il n'est pas nécessaire de supprimer le juge d'instruction, mais de davantage l'encadrer comme l'a proposé la commission Vallini. [...]
[...] Le juge d'instruction n'est saisi que dans cinq pour cent des affaires. Certains lui reprochent, sur ce fondement, son inutilité. Il est important de rappeler que le principe est que le juge d'instruction intervienne de manière exceptionnelle concernant des affaires graves et/ou complexes en matière politique, économique notamment. Dès lors, sa saisine peu fréquente est logique. Par ailleurs, le parquet tend à pratiquer la technique dite de correctionnalisation consistante à qualifier de délits par exemple des crimes dont doit être normalement saisi le juge d'instruction. [...]
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