Les contrôles d'identité mettent en conflit des droits de valeur constitutionnelle.
D'un côté, le droit à la sûreté, que les contrôles d'identité contribuent à garantir et de l'autre, la liberté individuelle, qui sont présentés l'un et l'autre comme deux des quatre droits naturels et imprescriptibles de l'homme (les deux autres étant la propriété et la résistance à l'oppression) par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Afin de trouver un certain équilibre, la loi et la jurisprudence vont préciser dans quel cadre ces contrôles doivent être effectués pour leur donner le maximum d'efficacité, dans le respect de la liberté d'aller et venir de chacun.
Dans notre introduction nous retracerons l'évolution de la législation et de la jurisprudence jusqu'en 1993, puis nous étudierons plus précisément les trois cas dans lesquels les contrôles d'identité sont aujourd'hui possibles :
- Les contrôles judiciaires, sur le fondement de l'article 78-2 alinéas 1 et 2 du Code de procédure pénale,
- Les contrôles administratifs, sur le fondement de l'article 78-2 alinéa 3 du Code de procédure pénale, et
- Les contrôles que leur nature hybride ne permet pas de classer dans l'une ou l'autre des deux catégories précédentes et qui visent principalement à vérifier les titres de séjour des étrangers, sur le fondement des décrets des 18 mars (article 1) et 30 juin 1946 (article 2), et sur le fondement de l'article 78-2 alinéa 4 du Code de procédure pénale.
S'agissant des contrôles des deux premières catégories, les premiers textes sont assez anciens :
- En matière judiciaire, une loi du 27 novembre 1943 et une ordonnance du 2 février 1961 instituant l'article 61 alinéa 2 du Code de procédure pénale obligeaient toute personne à se prêter aux opérations de vérification de son identité, jugées indispensables par l'officier de police judiciaire agissant dans le cadre d'une enquête de flagrance ou préliminaire ou pour l'exécution d'une commission rogatoire.
- En matière administrative, l'article 165 du décret du 20 mai 1903 autorise les gendarmes à interpeller toute personne française ou étrangère circulant en France, et à se faire présenter les pièces constatant son identité.
Théoriquement, les policiers n'avaient donc pas la possibilité d'effectuer de contrôles préventifs. Malgré cela, c'était une pratique courante qui fut en partie légitimée par la Cour de cassation dans l'arrêt Friedel du 5 janvier 1973.
Arrêt Friedel.
Celle-ci déclara en effet que les pouvoirs de police administrative permettent, quand des circonstances particulières l'exigent, de procéder à des vérifications d'identité.
Par ailleurs, la Cour précisait aussi que ces pouvoirs n'autorisaient pas à retenir, fût-ce provisoirement, des personnes qui n'ont commis aucune infraction ou qui ne sont pas soupçonnées d'en avoir commis.
En l'espèce, Friedel avait été interpellé de façon licite dans le cadre d'une opération de police administrative mais il avait été retenu pendant dix heures. Cette rétention étant alors justifiée non pas en raison d'une opération de police administrative mais à l'occasion d'une recherche de police judiciaire : Friedel ne ressemblant pas à sa photo, il était soupçonné de faux et usage de faux, ce qui avait fait changer la nature de l'opération de police d'administrative en judiciaire et justifiait sa rétention le temps des vérifications nécessaires.
Loi Sécurité et liberté du 2 février 1981.
Afin de préciser la conduite à tenir en la matière, la loi sécurité et liberté du 2 février 1981 fixa les modalités du contrôle, dans ses articles 76 à 79, non intégrés au Code de procédure pénale.
Elle prévoyait la possibilité d'effectuer les contrôles d'identité en cas de « recherches judiciaires » mais aussi pour prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment une atteinte à la sécurité des personnes ou des biens. Les contrôles préventifs étaient consacrés d'une manière très large.
LOI DU 10 JUIN 1983.
La loi du 10 juin 1983, votée après l'alternance politique, codifia les dispositions relatives aux contrôles et vérifications d'identité tout en revenant sur la définition du contrôle administratif.
Désormais, celui-ci n'était possible que dans des lieux déterminés, là où la sécurité des personnes et des biens se trouve immédiatement menacée.
ARRET KANDE.
Dans l'arrêt KANDE du 4 octobre 1984, la Chambre criminelle a censuré un arrêt de la Cour d'appel de Paris qui avait jugé conforme à la loi de 1983 l'interpellation de Kandé à la station de métro Stalingrad, sans préciser en quoi la sécurité des personnes et des biens se trouvait immédiatement menacée.
Cet arrêt, conforme à l'esprit de la loi, mis en lumière la quasi-impossibilité de pratiquer des contrôles préventifs sous l'empire de cette législation. « En effet, lorsque l'on recherche les indices susceptibles d'établir l'existence d'une menace immédiate pour la sécurité des personnes et des biens, l'on n'en voit guère qu'un seul : la commission ou la tentative préalable d'infractions dans la mesure où les auteurs apparaîtraient susceptibles, dans un temps très voisin et au même endroit, de perpétrer d'autres agissements délictueux. La prévention ne finirait plus par s'exercer qu'a posteriori ! » (note Roujou de Boubée).
LOI DU 3 SEPTEMBRE 1986.
Une nouvelle alternance politique entraîna le vote d'une nouvelle loi le 3 septembre 1986 qui revînt aux dispositions de la loi sécurité et liberté.
Or, cette loi fut modifiée par une loi du 10 août 1993 par un gouvernement de même sensibilité deux alternances politiques plus tard, en raison d'une jurisprudence qui l'avait vidée de son contenu et dont l'on reparlera dans la partie réservée aux contrôles administratifs.
Voyons pour l'instant la première catégorie de contrôle d'identité : les contrôles judiciaires.
[...] Les différents cas de contrôle d'identité Introduction Les contrôles d'identité mettent en conflit des droits de valeur constitutionnelle. - D'un côté, le droit à la sûreté, que les contrôles d'identité contribuent à garantir et - de l'autre, la liberté individuelle, qui sont présentés l'un et l'autre comme deux des quatre droits naturels et imprescriptibles de l'homme (les deux autres étant la propriété et la résistance à l'oppression) par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. [...]
[...] Le but est de s'attaquer à la délinquance qui sévit dans certains quartiers difficiles en légalisant la pratique des opérations coup de poing Le but de ces opérations relève de la police administrative mais comme elles ont lieu sur réquisition d'une autorité judiciaire, on les a classées dans cette dernière catégorie. C'est donc le procureur de la République qui autorise la police à procéder à des contrôles d'identité - dans des lieux et pour une période déterminés - dans le but de rechercher et de poursuivre certaines infractions qu'il précise. Il est également indiqué que si le contrôle d'identité révèle des infractions autres que celles visées dans le réquisitoire du procureur de la République ce n'est pas une cause de nullité des procédures incidentes. Examinons maintenant les contrôles administratifs. II. [...]
[...] Les contrôles liés à la commission d'une infraction (préparée, tentée ou réalisée) Les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints peuvent inviter à justifier de son identité, par tout moyen, toute personne à l'égard de laquelle existe un indice faisant présumer : - qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction qui peut être un crime, un délit ou même une contravention, - qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à une enquête en cours relativement à un crime ou un délit, - qu'elle est l'objet de recherches ordonnées par l'autorité judiciaire comme l'exécution d'un mandat d'arrêt ou d'une condamnation pénale, - qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit. On observe que dans cette hypothèse et bien que le contrôle soit traditionnellement rangé parmi les contrôles judiciaires, il s'agit d'un contrôle de nature administrative ; l'intéressé n'ayant accompli que des actes préparatoires à l'infraction qui ne sont pas punissables. C'est son attitude suspecte qui justifie l'interpellation. [...]
[...] 1er février 1994), - de déambuler dans un état d'ivresse manifeste susceptible de provenir de l'utilisation de stupéfiants (Crim avril 1993), - ou encore de regarder longuement et avec insistance les sacs à main des personnes croisées (Lyon avril 1994). A côté de ces types de contrôles, il en existe d'autres pour lesquels il n'est même pas besoin de démontrer l'existence de ce genre d'indice. Ce sont les contrôles effectués sur réquisition du procureur de la République. Les contrôles effectués sur réquisitions du procureur de la République Il s'agit, dans l'esprit du législateur, d'organiser des contrôles dans certains lieux où les autorités savent que des infractions sont commises régulièrement sans en avoir identifié précisément les auteurs. [...]
[...] Or, la Chambre criminelle de la Cour de cassation est venue vider la loi de sa substance avec l'arrêt Bassilika du 10 novembre 1992. L'arrêt Bassilika du 10 novembre 1992 Pour justifier l'interpellation et le contrôle de l'identité de Bassilika, les policiers relatent dans leur procès-verbal que circulant aux abords de la gare de Villepinte, lieu propice aux vols à la roulotte ils ont remarqué deux individus s'exprimant dans une langue étrangère. Les termes employés dans le procès verbal étaient significatifs de ce que les policiers ne s'étaient inquiété du risque d'atteinte à l'ordre public, dans un lieu propice aux vols à la roulotte que parce qu'ils avaient remarqué deux individus s'exprimant dans une langue étrangère. [...]
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