La question de la lenteur des instances pendantes devant les juridictions constitue, en Europe, un problème sensible. Sur 703 affaires jugées par la Cour européenne des droits de l'homme en 2003, 264 (soit environ 37,5 % des affaires) avaient trait à la durée raisonnable de la procédure. Dans la grande majorité des cas, la Cour a conclu à la violation du délai raisonnable. Hélas, la France ne figure pas dans le peloton de queue des pays condamnés pour ce motif : les condamnations sont malheureusement devenues un lieu commun et ont depuis longtemps cessé d'étonner.
Les causes de cette lenteur habituelle sont multiples et variées. Elles peuvent reposer tout d'abord sur le manque de moyens budgétaires ou le manque de personnel judiciaire (magistrats, greffiers, assistants de justice, services de police judiciaire), étant précisé que le manque de personnel est généralement une conséquence du manque de moyens budgétaires. Elles peuvent également reposer dans l'organisation interne des juridictions (nombre limité de chambres de jugement, existence parallèle de deux ordres de juridiction impliquant des renvois de compétence) ou dans la complexité de la procédure (nombre des recours possibles, renvois préjudiciels à une instance nationale voire internationale, existence ou non d'une procédure de tri des requêtes, existence ou non de procédures d'urgence). Mais l'Etat peut ne pas être le seul responsable de la lenteur de ses juridictions, dont la responsabilité peut parfois incomber aux plaideurs eux-mêmes, qui peuvent freiner la procédure de façon active (exercice répété et systématique des voies de recours, présentation d'exceptions de procédure ou de demandes de renvois d'audience) ou passive (absence de diligence d'une partie, non communication de conclusions ou pièces).
Notre étude ne concernera par conséquent que le délai raisonnable entendu comme un délai maximal. Aussi, après avoir étudié les critères du délai raisonnable énoncé par l'article 6 §1 de la CEDH pour toute procédure civile ou pénale (I), nous nous attacherons à la question plus spécifique des critères du délai raisonnable énoncé par l'article 5 §3 pour la détention provisoire (II).
[...] Il convient toutefois de préciser que dans son arrêt Matznetter du 10 novembre 1969, la Cour ne reprend plus les termes de raisons invoquées dans les recours mais utilise l'expression plus restrictive de les faits non controversés indiqués par le requérant dans ses recours ; cette dernière solution nous paraît critiquable au regard du respect de la présomption d'innocence, le requérant devant prouver ses allégations, tandis que l'autorité judiciaire ne semble, selon les mots de la Cour, que devoir alléguer les faits justifiant la détention. CEDH juillet 1983, Zimmermann et Steiner. Voir note critique en page 4. [...]
[...] Peut- on toutefois affirmer l'effectivité de l'accès au Tribunal pour ces victimes, qui n'ont ainsi pu obtenir réparation de leur préjudice personnel ? Ces considérations imposent que le délai raisonnable soit apprécié en fonction des circonstances de chaque espèce. En effet, ni les textes ni l'interprétation qui en est donnée par les juridictions ne prévoient, dans l'absolu, de fixation précise du délai raisonnable. Il en résulte donc que l'appréciation du caractère raisonnable de la durée d'une procédure ou d'une détention provisoire est une question de fait, pour laquelle les tribunaux ont une grande marge d'appréciation. [...]
[...] Certes, toute détention provisoire est annexe à une procédure pénale. Mais, les critères d'appréciation étant différents, le constat de violation pourra être différent pour l'un ou l'autre de ces articles. En effet, le délai d'une procédure pénale pourra être jugé raisonnable au regard de toutes les circonstances de l'espèce, tandis que la détention provisoire intégrée à cette procédure pourra être jugée avoir violé le délai raisonnable en raison des conséquences de celles-ci sur le prévenu détenu. A l'inverse, le délai dune procédure pénale pourra juger excessif, sans qu'il soit en soit de même de la détention provisoire qui l'a accompagnée, notamment si le prévenu a été libéré en cours d'instruction et n'a passé qu'un temps très court en détention. [...]
[...] Dans la grande majorité des cas, la Cour a conclu à la violation du délai raisonnable. Hélas, la France ne figure pas dans le peloton de queue des pays condamnés pour ce motif : les condamnations sont malheureusement devenues un lieu commun et ont depuis longtemps cessé d'étonner. Les causes de cette lenteur habituelle sont multiples et variées. Elles peuvent reposer tout d'abord sur le manque de moyens budgétaires ou le manque de personnel judiciaire (magistrats, greffiers, assistants de justice, services de police judiciaire), étant précisé que le manque de personnel est généralement une conséquence du manque de moyens budgétaires. [...]
[...] En effet, si la Cour de cassation française se refuse à contrôler le caractère raisonnable de la durée d'une procédure ou d'une détention provisoire (ce caractère étant considéré comme un fait, le contrôle ne pourra porter que sur la motivation des décisions rendues par les juridictions inférieures, mais il ne faut pas, selon nous, sous-estimer ce contrôle), les organes de la Convention (Commission des droits de l'homme et Cour européenne des droits de l'homme) se sont toujours reconnu le droit de vérifier la réalité des faits motivant les décisions juridictionnelles internes. De plus, en vertu de son devoir de veiller à une application uniforme de la Convention, la Cour a elle-même défini des critères devant servir de mesure au caractère raisonnable des délais. Car, puisque aucun délai n'est fixé dans l'absolu, il convient de savoir à partir de quels éléments peut-on dire qu'un délai est ou n'est pas raisonnable. C'est toute la question des critères du délai raisonnable. [...]
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