Ortolan, grand criminaliste du XIXe siècle, affirmait sur un ton léger que le mot de « correctionnalisation », n'est pas plus français, que le procédé n'est légal.
Le code d'instruction criminelle de 1808, ancêtre de notre code de procédure pénale, a régi la procédure pénale française pendant presque un siècle et demi.
Pourtant, ses rédacteurs avaient conscience de ces défaillances, et considéraient la problématique de sa mise en œuvre. Dès lors, les parquetiers se lancèrent la mission d'en être son meilleur interprète. En effet, les impératifs de la répression dont ils étaient en charge vont leur révéler les insuffisances du code d'instruction criminelle. S'amorça ainsi un travail en comblement des brèches, en substituant pour cela le droit prétorien aux déficiences de la loi.
Très vite, au XIXe siècle, à la procédure pénale officielle dont le code d'instruction criminelle reste l'expression, se superpose une procédure pénale officieuse, extra-légale, dont les parquets se feront les principaux artisans.
Deux initiatives parquetières illustrent le positionnement du ministère public en marge de la loi : d'une part l'affirmation du principe d'opportunité des poursuites, d'autre part, la correctionnalisation judicaire.
En effet, la correctionnalisation judiciaire, consiste à qualifier de délit, des faits susceptibles de recevoir une qualification criminelle, ce procédé se manifeste sous trois formes.
[...] Dans un souci de répression, les autorités de poursuites, craignant une décision trop clémente de la Cour d'assises, préfèrent en certaines circonstances requalifier un crime en délit, pour s'assurer d'une sanction effective par les magistrats professionnels des tribunaux correctionnels. A titre d'illustration, l'affaire Legras vient parfaitement montrer l'indulgence dont font preuve les jurés à l'encontre de quelques délinquants. En l'espèce, afin de se protéger contre de nombreux cambriolages dont ce dernier avait été victime, ce propriétaire avait installé des pièges dans sa maison, qui causa le décès de l'un des cambrioleurs. [...]
[...] Le principe devient que la correctionnalisation opérée par la juridiction d'instruction, parce qu'elle n'a pas été contestée par les parties, revêt un caractère définitif. Toutefois, ces dispositions sont conditionnées, tout d'abord, cela suppose que le tribunal correctionnel soit saisi par une ordonnance ou un arrêt de renvoi, de plus, il convient que la victime ait déjà été constituée partie civile au cours de l'instruction lorsque le renvoi est ordonné. Enfin, il convient que la victime ait été assistée d'un avocat au moment dudit renvoi. [...]
[...] Dès lors, si ces conditions sont réunies, l'erreur de qualification est alors définitivement figée. Ce qui signifie subséquemment qu'une sorte de correctionnalisation conditionnée est légalement établie, reste à savoir quel en sera l´avenir. Bibliographie Ouvrages - Procédure pénale, François Fourment.8ème édition, paradigme - Procédure pénale, Bernard Bouloc éditions, Dalloz Doctrines - "La légalisation de la correctionnalisation judiciaire, A.Darsonville, Droit pénal.Mars 2007, étude nº5.p.7 -"Les initiatives procédurales des parquets au XIXe siècle", Xavier Moroz, colloque "Parquet et politique pénale depuis le XIXe siècle". [...]
[...] Toutefois, la correctionnalisation requiert l'accord implicite de tous les intéressés, du ministère public, mais aussi du prévenu et de la partie civile, chacun d'entre eux peut soulever l'incompétence du tribunal correctionnel, lequel peut même la relever d'office en vertu de l'article 469 du code de procédure pénale. Il semblerait à priori que dans la pratique ce consentement unanime soit réalisé, le ministère public se gardant de soulever l'incompétence, en particulier lorsqu'il est à l'origine de la correctionnalisation. Quant au tribunal saisi, bien qu'il ait le devoir de se déclarer incompétent, il accepte bien souvent la correctionnalisation, dont il apprécie l'utilité. [...]
[...] Nous pouvons dès lors affirmer que la correctionnalisation judiciaire est bien une pratique illégale, car elle résulte d'un accord entre les parties d'enfreindre les règles de compétence matérielle en soumettant à l'examen du tribunal correctionnel des faits de nature criminelle. Toutes les parties à la procédure feignent d'ignorer la violation évidente de l'ordre public. En outre, la correctionnalisation ne trouve à s'appliquer qu'en raison de l'approbation du tribunal correctionnel saisi, qui se réserve de soulever son incompétence contrairement aux exigences légales qui lui incombent. [...]
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