L'on peut définir la prescription comme l'irrecevabilité à agir pour le titulaire d'un droit si ce titulaire n'a pas fait valoir ce droit dans les délais impartis par la loi.
A ce titre, l'arrêt du 20 février 2002 rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation pose la question de savoir si un acte intervenu avant le déclenchement de l'action publique est interruptif du délai de prescription.
Voici les faits de l'espèce. De 1975 à 1979 dans la ville d'Auxerre, sept jeunes femmes déficientes légères mentales ont disparu. Un premier rapport d'enquête est établi en 1979, puis une enquête préliminaire est menée en 1984, mais les procès verbaux de cette procédure, classée sans suite en 1984, ne sont retrouvés qu'en 1996 dans les locaux du procureur de la République d'Auxerre. En 1993, un soit transmis est adressé par le Parquet à la Direction de l'aide sociale à l'enfance de l'Yonne. En effet, le Parquet est alerté par l'association de défense des handicapés de l'Yonne sur la disparition des jeunes filles que cherche à savoir précisément ce que sont devenues les jeunes femmes. En outre, elle lui remet des documents relatifs aux disparitions. En 1996, les disparitions des jeunes femmes font enfin l'objet d'une plainte prise à l'initiative de la partie civile constituée de l'Association et des ayants droits des personnes disparues, les poursuites sont ainsi déclenchées.
Dans sa demande, le mis en examen fait valoir la prescription de l'action publique. En effet, les poursuites n'ont lieu que 17 ans après les faits, or, la prescription pénale en matière criminelle est, en vertu de l'article 7 du Code de procédure pénale, décennale.
La Cour d'appel de Paris tranche, en relevant le caractère instantané des infractions d'enlèvement qui ont eu lieu entre 1975 et 1979, et constatant qu'aucune plainte n'avait été formée avant juillet 1996 et qu'en outre aucun acte de poursuite et d'instruction interruptif de la prescription n'était intervenu, pour la prescription de l'action publique. En effet, elle considère que le soit-transmis de 1993 n'est « ni un acte d'enquête ni un acte de poursuite et n'a pour objet ni de constater une infraction ni d'en découvrir ou d'en convaincre les auteurs », mais qu'il s'agit seulement « d'une demande de renseignements adressée à l'administration dans le cadre du contrôle et de la surveillance incombant au magistrat ».
L'association des handicapés de l'Yonne et les ayants droit des victimes forment alors un pourvoi en cassation, elles estiment que ces soit-transmis constituaient des actes d'instruction au motif que « le procureur de la République ayant légalement le pouvoir de procéder lui-même à tous les actes nécessaires à la recherche des infractions à la loi pénale ; l'acte accompli dans ce but et dans l'exercice de ce pouvoir est un acte d'instruction interruptif de prescription. »
L'arrêt de la Cour d'appel de Paris est cassé et annulé sans renvoi, le 20 février 2002, par la Chambre criminelle de la Cour de cassation. Elle énonce qu'en se prononçant ainsi les juges du fond ont méconnu le sens et la portée des articles 7, 40 et 41 du Code de procédure pénale et que « le soit-transmis de 1993, s'il est destiné à une autorité administrative, n'en constitue pas moins un acte ayant pour objet de rechercher des infractions et d'en découvrir les auteurs » et qu'il constitue donc un acte interruptif de la prescription. En outre, elle énonce que le cours de la prescription avait déjà été interrompu par les procès verbaux de l'enquête réalisée en 1984. En conclusion, l'action publique n'est pas prescrite en ce qui concerne les crimes d'enlèvement.
La question abordée devant les juges est donc la suivante : peut-il être admis qu'un soit-transmis puisse être qualifié d'acte interruptif de prescription de l'action publique ?
A cette problématique, la Chambre criminelle répond que le soit-transmis de 1993, même s'il est destiné à une autorité administrative, n'en constituait pas moins un acte interruptif de la prescription de l'action publique (I). Or, cette conception extensive de l'acte de poursuite interruptif de la prescription de l'action publique illustre cette hostilité que la Cour de cassation a à l'égard de la prescription et fragilise le concept même de la prescription. (II)
[...] La Cour d'appel de Paris conclut, à la prescription de l'action publique. Selon elle, le soit-transmis de 1993 adressé par le procureur de la République à la Direction de l'aide sociale à l'enfance n'est ni un acte d'enquête ni un acte de poursuite et n'a pour objet ni de constater une infraction ni d'en découvrir ou d'en convaincre les auteurs mais qu'il s'agit seulement d'une demande de renseignements adressée à l'administration dans le cadre du contrôle et de la surveillance incombant au magistrat En conclusion, au sens de la Cour d'appel, aucun acte interruptif n'a interrompu la prescription de l'action publique, et en l'absence de celui- ci, la partie plaignante est irrecevable à agir. [...]
[...] Ainsi, et comme l'énonce la Chambre criminelle, le 26 juillet 88, un même acte pourra être qualifié cumulativement d'acte d'instruction et de poursuite. Quel est le but de la Chambre criminelle, notamment dans l'arrêt du 20 février 2002, en élargissant ainsi la catégorie des actes interruptifs ? Ainsi, et comme l'illustre l'arrêt du 20 février 2002, en qualifiant d'actes interruptifs les procès-verbaux de 1984 et le soit-transmis de 1993, elle affirme que chacun des actes, a eu, pour effet, de mettre en mouvement l'action publique. [...]
[...] Ainsi, elle apprécie in concreto le soit-transmis de 1993. Ce n'est donc pas le soit-transmis en tant qu'acte organique, qui est interruptif de la prescription mais ce sont les circonstances qui entourent le soit-transmis qui sont interruptives de la prescription. En effet, ces circonstances illustrent le souhait du procureur de la République de poursuivre et de mettre en mouvement l'action publique afin de vérifier les dénonciations de l'association de défense des handicapés de l'Yonne. Donc la Chambre criminelle de la Cour de cassation reproche à la Cour d'appel de Paris d'avoir écarté le critère finaliste d'appréciation de l'éventuel acte de poursuite. [...]
[...] Celle-ci énonce, dans un arrêt du 9 décembre 1949 que les effets interruptifs de la prescription s'appliquent à tous les participants de l'infraction, auteurs, coauteurs et complices même non identifiés. Et cet arrêt n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. En effet, dans un arrêt de la Chambre criminelle rendu le 18 décembre criminelle, elle consacre, hors les cas où la loi en dispose autrement, une interversion de la prescription, en énonçant que, lorsqu'un délai abrégé est interrompu, c'est alors le délai de droit commun qui doit se substituer à lui. [...]
[...] L'appréciation in concreto du soit-transmis en faveur de la qualification d'acte interruptif de prescription La Cour de cassation ne partage pas le choix de la Cour d'appel de Paris. En effet, elle casse et annule sans renvoi l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris au motif que le soit-transmis constitue un acte ayant pour objet de rechercher des infractions et d'en découvrir les auteurs. Ainsi en 1996, l'action publique n'est donc pas prescrite le cours de la prescription ayant été interrompu par les procès-verbaux de l'enquête réalisée en 1984, puis par l'envoi du soit-transmis de 1993 Or, selon les articles alinéa alinéa et 9 du Code de procédure pénale, constitue des causes d'interruption tout acte d'instruction ou de poursuite La Chambre criminelle s'est alors posée la question suivante : le soit- transmis adressé par le parquet à la Direction de l'aide sociale à l'enfance qui cherche à savoir précisément ce que sont devenues les jeunes femmes constitue t'il un acte d'instruction ou de poursuite ? [...]
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