Cour de cassation, Chambre criminelle, arrêt du 8 mars 2012 (n 11-85.225), principe d'impartialité, article 6 de la CEDH, articles 49 et 137-1 du Code de procédure pénale, article 137-1 du Code pénal, commentaire d'arrêt
Le principe d'impartialité est une pierre angulaire du système juridique garantissant le respect des intérêts privés et collectifs, nécessaire au fonctionnement d'un Etat de droit. Le juge pénal peut se déporter de lui-même dès l'instant où il découvre une raison susceptible de susciter chez le justiciable un doute légitime sur son impartialité personnelle ; en revanche, cette situation est peu probable concernant l'impartialité fonctionnelle. En effet, dans le cadre d'un cumul des fonctions d'instruction et de jugement l'exigence d'impartialité ne s'applique pas de façon identique à tous les magistrats intervenant au cours d'une procédure pénale.
Dans la présente affaire, un prévenu avait été jugé par la Cour d'appel pour agression sexuelle et condamné à deux ans d'emprisonnement, dont dix-huit mois avec sursis. A l'audience, et lors du délibéré, la Chambre des appels correctionnels comprenait les trois magistrats, président et conseillers, qui avaient antérieurement composé la Chambre de l'instruction qui, au cours de l'information, avait confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention plaçant l'intéressé en détention provisoire. Le pourvoi contre cet arrêt invoquait notamment la violation de l'article 6 de la CEDH et des articles 49 et 137-1 du Code de procédure pénale.
[...] Aucune disposition légale n'interdit aux membres de la chambre d'accusation qui se sont prononcés sur la détention provisoire d'une personne mise en examen de faire ensuite partie de la chambre des appels correctionnels saisie du fond de l'affaire. Peut faire partie de la chambre correctionnelle saisie du fond de l'affaire, le magistrat qui a participé à un arrêt de la chambre d'accusation qui dans la même procédure a confirmé une ordonnance du juge d'instruction ayant rejeté une demande d'actes, dès lors que cette décision n'a pas porté sur la valeur des charges pouvant justifier le renvoi des prévenus devant le tribunal correctionnel. [...]
[...] En effet, la Cour de cassation, dans sa jurisprudence, applique un traitement différencié, pour des faits similaires, selon qu'il s'agisse d'un juge des libertés ou d'un magistrat de la Chambre d'instruction. II) Un traitement différencié des juges en fonction du degré de juridiction À plusieurs égards, l'obligation d'impartialité subit un traitement inégal, à l'origine de solutions peu cohérentes (voir supra). En effet, il existe notamment une incohérence concernant la situation du juge des libertés et de la détention au regard de celle des membres de la Chambre de l'instruction. [...]
[...] Dès lors, la décision en l'espèce ne semble pas justifiée. De plus, la Cour de cassation fait aussi une différence en admettant qu'un magistrat de la Chambre d'instruction ayant statué sur la détention provisoire puisse ensuite faire partie de la Cour d'appel, mais d'un autre côté, elle dit l'inverse s'agissant d'un magistrat ayant statué sur la détention provisoire, puis appelé, à composer la Cour d'assises. La Cour justifie cette décision sous prétexte qu'il a « nécessairement procédé à un examen préalable du (Cass.crim octobre 1983). [...]
[...] La Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans son arrêt du 28 mars 2012, répond positivement à la question et fait droit aux parties. En effet, selon elle, le simple fait qu'un juge ait pris, avant le procès, une décision relative à la détention provisoire ne peut, en soi, suffire à justifier que soit contestée son impartialité. Cette décision n'est pas surprenante, de sorte, qu'elle est conforme à la jurisprudence nationale et européenne, et s'inscrit dans la lignée d'une jurisprudence ancienne et constante. [...]
[...] De plus, le motif de la Cour de cassation disant que : simple fait qu'un juge ait pris, avant le procès une décision relative à la détention provisoire ne peut, en soi, suffire à justifier que soit contestée son impartialité », est relativement inexacte. Pour cause, il n'est pas certain que la décision relative à la détention n'implique nullement une appréciation de la culpabilité du prévenu. En effet, le juge qui va devoir confirmer ou infirmer une ordonnance du juge des libertés va quand même devoir examiner les éléments à charges et à décharges pesant sur la mise en cause. [...]
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