Cour de cassation chambre criminelle 25 septembre 2018, impartialité en procédure pénale, CEDH Convention Européenne des Droits de l'Homme, juge des libertés et de la détention, article 668 du Code de procédure pénale, article 6 de la CEDH, mécanisme national de récusation, détention provisoire, suspicion légitime de partialité, commentaire d'arrêt
La question de la hiérarchie entre les dispositions légales françaises et celles issues d'engagements internationaux est une question récurrente et complexe en droit. C'est sur ce thème, appliqué au Code de procédure pénale et à la Convention européenne des droits de l'Homme, que s'est penchée la chambre criminelle par l'arrêt qu'elle a rendu le 25 septembre 2018.
Le 25 novembre 2016, Mohamed X est mis en examen pour meurtre aggravé et association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime et fait notamment l'objet d'une ordonnance d'incarcération provisoire par le juge des libertés et de la détention le même jour.
Le 20 avril 2018, le juge des libertés et de la détention ordonne la prolongation de sa détention, mais sa décision est annulée par la chambre de l'instruction le 4 mai 2018, car elle ne mentionnait ni la demande de renvoi dont le juge des libertés et de la détention avait été régulièrement saisi ni les raisons de ce refus. Suite à cette annulation, Mohamed X est convoqué pour un nouveau débat contradictoire par le même juge des libertés et de la détention qui, par une ordonnance du 22 mai 2018, prolonge sa détention.
[...] Or face à ces arguments, les juges de cassation retiennent que le requérant ne pouvait se prévaloir du « défaut d'impartialité », et donc du droit européen, « dès lors [qu'il] n'a pas usé, comme l'y autorisaient les articles 668 et suivants du Code de procédure pénale, de sa possibilité de récuser ce magistrat ( ) ». Autrement dit, le mécanisme de récusation devait être utilisé en priorité par le requérant et, comme il ne l'a pas été, ce dernier ne peut pas se prévaloir du droit européen : la Convention est seulement subsidiaire au droit national. [...]
[...] Autrement dit, les juges décident de ne pas se pencher au fond sur la question de savoir si, oui ou non, le juge des libertés et de la détention impliquée étaient partiaux au sens de l'article 6 de la Convention, mais retiennent seulement que le requérant aurait dû, en priorité, faire valoir les dispositions nationales sur la récusation. Le requérant ayant seulement invoqué l'impartialité au sens du droit européen, les juges rejettent sa demande. La présente affaire, au-delà d'avoir l'utilité de constituer une illustration des mécanismes de prévention et de sanction de l'impartialité des magistrats dans la procédure pénale française, superpose cet aspect à une problématique d'articulation entre le droit national et le droit européen en la matière. [...]
[...] Cette dernière est annulée par la chambre de l'instruction en raison de son contenu. Après avoir convoqué la partie pour un nouveau débat contradictoire, le même juge des libertés et de la détention reprend une ordonnance aboutissant de nouveau au prolongement de la détention provisoire. Il est alors facile de comprendre l'argumentation du requérant quand il affirme que « l'exigence d'impartialité objective est méconnue lorsque, après annulation de l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire ( ) le même juge des libertés et de la détention est immédiatement ressaisi pour statuer de nouveau, avant expiration du titre, sur la prolongation de la détention ». [...]
[...] Ils ne se prononcent donc pas au fond, ils ne cherchent pas à apprécier les éléments du cas d'espèce pour établir ou remettre en question l'impartialité du juge des libertés et de la détention. Si la solution peut paraitre curieuse au regard de l'application de la règle de droit, il n'en reste pas moins que c'est, en réalité, une solution logique si l'on se place dans la lignée jurisprudentielle déjà exprimée par la Cour de cassation : dès 2003, la chambre criminelle estime que « le fait pour un magistrat de siéger dans une même affaire à la fois dans la chambre de l'instruction ayant placé un mis en examen en détention provisoire et en tant que juge des libertés et de la détention ayant ordonné le prolongement de la détention est conforme à l'exigence conventionnelle d'impartialité » (Chambre criminelle février 2003 02- 87.530 Notre cas d'espèce peut donc facilement être rapproché de ce dernier cas : certes, l'arrêt de 2003 concerne un magistrat qui connait de l'affaire dans deux formations différentes (au sein de la chambre de l'instruction puis en tant que juge des libertés et de la détention unique), tandis que dans l'arrêt commenté, le magistrat est à chaque fois impliqué en tant que juge des libertés et de la détention; pour autant, dans les deux cas d'espèce, il s'agit bien d'un même et unique magistrat dont l'impartialité est remise en question, car il était amené à connaitre 2 fois de la même affaire. [...]
[...] Les juges ne pouvaient-ils réellement pas se pencher sur ce moyen ? Toujours est-il que, avec la mise en place d'une hiérarchisation entre le droit européen et le droit national, les requérants se trouvent pénalisés pour ne pas avoir mis en place des dispositions françaises qui, somme toute, mériteraient bien d'être clarifiées. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture