Commentaire d'arrêt Cour de cassation, chambre criminelle, 19 octobre 2010 garde à vue assistance effective avocat contrôle conventionnalité droit de se taire
M. X a été placé en garde à vue en exécution d'une commission rogatoire délivrée par le juge d'instruction, car il était soupçonné d'infractions à la législation sur les stupéfiants. Il a alors demandé l'assistance d'un avocat. Toutefois, la garde à vue a pris fin au bout de 65 heures, c'est-à-dire avant l'expiration du délai de 72 heures à l'issue duquel il aurait pu bénéficier de cette assistance comme le prévoit l'article 63-4 du Code de procédure pénale. Il a ensuite été mis en examen. Il va donc demander l'annulation des actes accomplis durant sa garde à vue et des actes subséquents.
Après un jugement de première instance, M.X va interjeter appel le 1er avril 2010. Mécontent que la chambre de l'instruction de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ait rejeté sa demande, M.X décide de se pourvoir en cassation. Il reproche dans un premier temps à la chambre de l'instruction d'avoir violé l'article 6§3 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) en vertu duquel toute personne gardée à vue à droit à l'assistance effective d'un avocat dès son placement sous ce statut. Par la suite, il reproche à la juridiction d'appel d'avoir violé l'article 6§1 de la CEDH selon lequel toute personne gardée à vue bénéficie des garanties reconnues à la personne accusée et notamment le droit de se taire et de ne pas participer à sa propre incrimination.
Pour M.X, la chambre de l'instruction a donc violé la jurisprudence conventionnelle. Il aurait du pouvoir bénéficier de l'assistance effective d'un avocat dès son placement en garde à vue, et le droit de se taire aurait dû lui être notifié. Enfin, il demande la transmission au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité. Il considère en effet que l'article 64-3 du Code de procédure pénale est contraire au principe constitutionnel des droits de la défense en ne permettant pas ni l'assistance effective d'un avocat ni la notification du droit de se taire.
En date du 19 octobre 2010, la Cour de cassation rejette le pourvoi. La chambre criminelle considère que sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'espèce, et non à la seule nature du crime ou du délit reproché, toute personne soupçonnée d'avoir commis une infraction doit être informée du droit de se taire et bénéficier de l'assistance d'un avocat dès le début de la garde à vue. Toutefois, elle précise que l'arrêt ne peut pas être censuré dès lors que les règles qu'elle vient d'énoncer ne peuvent s'appliquer immédiatement à une garde à vue conduite dans le respect des dispositions législatives en vigueur lors de sa mise en œuvre, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique et à la bonne administration de la justice. Elle décide donc que ces règles s'appliqueront lors de l'entrée en vigueur de la loi modifiant le régime juridique de la garde à vue, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, c'est-à-dire le 1er juillet 2011.
Ainsi, la haute juridiction a du se demander dans quelle mesure le régime de la garde à vue française, et plus précisément l'absence de notification du droit de se taire et l'absence d'assistance effective d'un avocat dès le début de la garde à vue, est inconventionnel.
[...] En effet, la Cour de cassation condamne ici les régimes spéciaux de garde à vue puisqu'actuellement, pour les infractions les plus graves bénéficiant de ce régime spécial, l'intervention de l'avocat est retardée. Cette solution, en accord avec la jurisprudence de la CEDH, semble logique. En effet, il semble évident que l'avocat soit requis pour tout type d'infraction, mais essentiellement pour les infractions les plus graves cependant. Ainsi, la haute juridiction remet donc en cause les régimes communs et spéciaux de garde à vue. [...]
[...] En l'espèce, il affirme que la garde à vue n'est pas constitutionnelle car le gardé à vue n'a pas, dans le régime commun, le bénéfice de l'assistance effective d'un avocat ni la notification du droit de se taire. Le Conseil constitutionnel s'aligne ici avec la position de la CEDH. Toutefois, il affirme que cela ne prendra effet qu'à partir du 1er juillet 2011, comme l'affirme en l'espèce la Cour de cassation. Cette solution est très critiquable, notamment au regard du respect des droits individuels des particuliers. B. Une solution grandement critiquable au regard du respect des droits individuels En ne censurant pas l'arrêt, la Cour de cassation se justifie au nom de la sécurité juridique. [...]
[...] La Cour de cassation va notamment insister sur ce dernier point. Elle précise en effet que les droits invoqués par le requérant doivent être respectés sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances de l'espèce, et non à la seule nature du crime ou délit reproché Ces exceptions paraissent floues et devront certainement être précisées ultérieurement. Toutefois, le point important réside dans le fait que la juridiction condamne le non-respect du droit à un avocat notamment en raison de la nature de l'infraction. [...]
[...] Le texte actuel ne semble donc pas avoir de véritable logique. [...]
[...] Rien ne permet à la Cour de cassation de différer les effets de sa propre jurisprudence. Cette situation est d'autant plus choquante qu'il s'agit ici de conférer plus de droits aux individus. Cette solution ne ressemble en rien à la manière habituelle de raisonner de la cour de cassation. Elle justifie cela au nom de la sécurité juridique et de la bonne administration de la justice. Toutefois, il serait légitime de se demander si elle ne s'est pas tout simplement laissée influencer par le Conseil constitutionnel lors de sa question prioritaire de constitutionnalité du 30 juillet 2010. [...]
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