Cour de cassation chambre criminelle 11 mai 2010, droit pénal, procédure pénale, procéder à une audition des experts, présence exclusives du procureur de la République, chambre de l'instruction, principe contradictoire, Article préliminaire du Code de procédure pénale et de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, article 82 du Code de procédure pénale, impartialité des juges, indépendance des juges, principe de l'égalité des armes, commentaire d'arrêt
En l'espèce, une personne mise en cause pour meurtre se pourvoit en cassation contre l'arrêt rendu par la chambre de l'instruction de Nancy rendu en date du 19 novembre 2009. En ce que celle-ci refuse de prononcer, entre autres, la nullité d'une audition d'experts, sollicitée par le procureur de la République, à laquelle, aucune des parties n'a été conviée par le juge d'instruction et donc au cours de laquelle seul le procureur a pu poser des questions.
Pour ce faire, le requérant invoque la violation de l'Article préliminaire du Code de procédure pénale et de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, en ce que l'arrêt de la chambre de l'instruction viole les principes du contradictoire, de l'égalité des armes et du procès équitable.
[...] En conséquence de quoi, cette censure de la Chambre criminelle apparaît comme un rappel élémentaire, mais essentiel de la séparation des fonctions de poursuite et de jugement. Celle-ci implique que, les juges de jugement n'ont pas à se soucier des exigences qui pèsent sur l'autorité de poursuite. En effet, conformément à l'article 66 de la Constitution française : « L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle ». Cette réflexion à laquelle appelle l'analyse de cette espèce peut faire écho à l'avocat Éric Dupond- Moretti qui estime problématique le fait que le juge d'instruction soit une seule et même personne à qui il incombe d'instruire à charge et à décharge. [...]
[...] En l'espèce, la question qui convenait de se poser était celle de savoir si le fait de procéder à une audition des experts à la demande et en présence exclusive du procureur de la République portait atteinte au principe d'équité qui doit être garanti pendant la procédure pénale. À cette question, la Chambre criminelle de la Cour de cassation répond positivement en ce qu'elle estime que le juge d'instruction devait obligatoirement convoquer l'ensemble des parties à cette audition des experts, eu égard au principe d'équité imposé tant par l'Article préliminaire du Code de procédure pénale, que par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. [...]
[...] En définitive, la Cour de cassation censure la méconnaissance du principe de l'égalité des armes qui impose une procédure équitable et contradictoire. Une iniquité : reflet d'un manque d'indépendance et d'impartialité de la juridiction d'instruction ? En l'espèce, la question de l'indépendance et de l'impartialité des juges du siège se pose puisqu'une partie se trouve privilégiée à l'égard des autres, et ce, avec l'assentiment tantôt du juge d'instruction et tantôt de la chambre de l'instruction. En effet, le procureur apparaît ici comme davantage un « collègue » plutôt qu'une partie au procès pénal qui doit être traitée avec le même égard que les autres parties. [...]
[...] En effet, la chambre de l'instruction pour motiver son rejet des prétentions de l'appelant avait pu mettre en évidence qu'aucun grief n'avait été causé, puisqu'il appartenait aux parties de : « discuter de l'avis des experts devant le juge du fond en cas de renvoi de la procédure devant une juridiction de jugement ». En conséquence, un tel raisonnement revient à différer le principe de l'égalité des armes qui, en l'espèce, n'a pu être effectif devant le juge d'instruction, mais qui pourra être rétabli devant le juge de jugement. Un tel raisonnement doit effectivement être censuré puisque les garanties procédurales valent à chaque étape de la procédure. [...]
[...] Que cela est d'autant plus vrai en présence, puisque l'audition des experts a donné lieu à un réquisitoire supplétif de la part du ministère public, qu'à nouveau le fondement de celui-ci n'a pas à se discuter devant la juridiction de jugement. D'autant que, en termes d'enjeux, ceux-ci sont réels, au niveau de l'instruction, où l'issu peut être que le juge d'instruction rende une ordonnance de non-lieu et que donc il n'y ait aucun renvoi devant une juridiction de jugement. Ces enjeux rendent d'autant plus critiquable le manquement au principe d'égalité des armes en l'espèce. Et, plus généralement tout manquement porte nécessairement grief à la personne mise en examen qui est de facto désavantagée face à l'autorité de poursuite. [...]
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