L'enregistrement à l'insu des personnes de leurs conversations ou de la mémorisation de leur comportement, au titre de la preuve pénale, pose un problème de liberté et surtout de loyauté dans la recherche probatoire.
C'est à l'occasion de deux arrêts rendus par la chambre criminelle du 19 janvier 1999 et du 11 juin 2002 que la Cour de cassation fût confrontée à ce problème.
Dans le premier arrêt, un avocat désirait rencontrer un policier de l'office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS) dans l'intérêt de son travail, un rendez-vous ayant été fixé trois jours plus tard. Le gardien de la paix avait consigné ce rendez-vous dans un rapport annexé aux pièces d'exécution d'une commission rogatoire délivrée dans une information ouverte contre personne non dénommée pour trafic de stupéfiants. Lors de ce contact, le policier était muni d'un magnétophone qu'il avait dissimulé pour pouvoir enregistrer clandestinement la conversation, initiative prise sur les instructions de sa hiérarchie. Le policier sollicité avait fait l'objet d'une tentative de corruption par l'avocat qu'il avait retranscrit dans un rapport rédigé à partir de l'enregistrement effectué.
Par conséquent le procureur de la République saisit le juge d'instruction de réquisitions supplétives pour corruption du fonctionnaire débouchant sur la mise en examen de l'avocat par le juge. L'avocat a alors saisi la chambre d'accusation d'une requête en annulation de la procédure en invoquant la mise en œuvre d'un stratagème déloyal. Bien que la chambre d'accusation approuve que les policiers aient agi hors des limites de la délégation qui leur avait été délivrée, ils n'ont cependant pas agi hors des pouvoirs conférés par les articles 14 et 17 du code de procédure pénale, le droit de procéder d'office et en flagrance à des investigations sur les faits de corruption qui leur avaient été révélés. De plus, les policiers n'ont pas provoqué la commission de l'infraction étant entendu que la rencontre entre le policier et l'avocat relevait de la volonté du mis en examen. Ce dernier forma alors un pourvoi en cassation.
Dans le second arrêt, des membres de l'association SOS Racisme avaient organisé une soirée « Testing » afin d'établir l'existence d'éventuelles discriminations à l'entrée de discothèques. Des personnes d'origine maghrébines s'étant vu refusées l'entrée de la discothèque, une enquête fut effectuée par les gendarmes appelés sur place.
A la suite de l'enquête, l'exploitant des établissements concernés fut citer à comparaître devant le tribunal correctionnel par le procureur pour discrimination dans la fourniture d'un service en raison de l'origine raciale en se fondant sur les article 225-1 et 225-2 du code pénal. SOS racisme s'est alors constitué partie civile. Cependant le tribunal a relaxé les prévenus et a donc débouté de leurs demandes l'association. Cette dernière interjette alors l'appel. Dans son arrêt en date du 5 juin 2001 la cour d'appel de Montpellier confirme ce jugement aux motifs que le procédé du « testing » est illicite, qu'il ne respecte pas la loyauté nécessaire dans la recherche des preuves, porte atteinte aux droits de la défense ainsi qu'au droit à un procès équitable. L'association forma alors un pourvoi en cassation.
Le problème soulevé par ces deux arrêts est de savoir si l'obtention de preuves de manières déloyales ou illicites peuvent-elles être recevables pour inculpé les prévenus ?
[...] On peut se demander si les règles de procédures pénales peuvent s'appliquer aux particuliers ainsi qu'aux associations. La chambre criminelle répond notamment à cette question dans l'arrêt du 11 juin 2002, en effet elle estime que les règles de procédures pénales, notamment l'exigence de loyauté dans la recherche de la preuve, ne s'appliquent pas dans les mêmes termes aux simples particuliers, qui peuvent par conséquent passer outres des limites fixées par le législateur aux pouvoirs d'investigations des magistrats et policiers. [...]
[...] La chambre d'accusation ici relève bien le fait que les policiers avaient cru pouvoir accomplir les actes nécessaires à la constatation de ce délit sur le fondement de la commission rogatoire dont ils étaient saisis et que par conséquent ils avaient commis une erreur de droit mais cependant ils n'ont pas excédé les pouvoirs tenant des articles 14 et 17 du code de procédure pénale (le droit de procéder d'office et en flagrance à des investigations sur les faits de corruption qui leur avaient été révélés). Par ailleurs la chambre d'accusation rejette également l'argumentation selon laquelle les policiers auraient violé le principe de loyauté de la preuve, en ne provoquant pas la commission de l'infraction. [...]
[...] Il en va de même dans l'arrêt du 6 avril 1993 dans lequel une partie civile peut communiquer au juge d'instruction des enregistrements qu'elle n'a pu obtenir qu'aux prix d'une infraction pénale. Cet arrêt n'étant pas d'espèce, le 15 juin 1993 la chambre criminelle a posé comme attendu de principe qu'aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuves produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale. Principe que l'on retrouve dans l'arrêt du 11 juin 2002. La cour de cassation se trouve donc bienveillante envers des particuliers apportant de telles preuves. [...]
[...] A la suite de l'enquête, l'exploitant des établissements concernés fut citer à comparaître devant le tribunal correctionnel par le procureur pour discrimination dans la fourniture d'un service en raison de l'origine raciale en se fondant sur les article 225-1 et 225-2 du code pénal. SOS racisme s'est alors constitué partie civile. Cependant le tribunal a relaxé les prévenus et a donc débouté de leurs demandes l'association. Cette dernière interjette alors l'appel. Dans son arrêt en date du 5 juin 2001 la cour d'appel de Montpellier confirme ce jugement aux motifs que le procédé du testing est illicite, qu'il ne respecte pas la loyauté nécessaire dans la recherche des preuves, porte atteinte aux droits de la défense ainsi qu'au droit à un procès équitable. [...]
[...] Le problème soulevé par ces deux arrêts est de savoir si l'obtention de preuves de manières déloyales ou illicites peuvent-elles être recevables pour inculpé les prévenus ? La cour de cassation y répond par la positive car d'une part elle rejette le pourvoi formé par l'avocat aux motifs que l'enregistrement clandestin, par un policier, des propos qui lui sont tenus ne constitue pas un acte de procédure susceptible d'annulation mais seulement un moyen de preuve soumis à la libre discussion de parties, lorsqu'il est effectué par lui, non dans l'exercice de ces fonctions, mais pour se constituer la preuve de faits dont il est lui-même victime Et d'autre part elle casse et annule l'arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier aux motifs que cette dernière a violé les articles 225-1 et 225-2 du code pénal ainsi que le principe selon lequel aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuves produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale Par conséquent on peut déduire de ces deux arrêts que c'est la loyauté dans la recherche de la preuve qui est mise en cause ici Malgré la présence d'une preuve irrégulièrement obtenue, cette dernière peut être recevable par les juges. [...]
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