L'enjeu des écoutes téléphoniques est considérable en matière pénale pour la recherche de la preuve ou la détection de faits. Les écoutes permettent d'ouvrir une information en se fondant sur autre chose que des soupçons ; elles aident à la recherche de la vérité.
Selon l'article L 32 du Code des P et T, une écoute téléphonique consiste en " toute interception de correspondances émises ou reçues sur un appareil téléphonique ", l'interception s'étendant, aux termes de l'article 100 du CPP, à l'interception, l'enregistrement et la transcription.
En l'espèce, un élu local, le sieur X..., a été contacté par un nommé Y.... qui lui a proposé d'intervenir dans une affaire susceptible de mettre en cause certains membres de son parti, auprès de son gendre, juge d'instruction, en échange d'avantages pour sa famille et du versement d'une somme d'argent. Le sieur X.... a fait état de cette approche au directeur central de la police judiciaire et demandé aux policiers de venir enregistrer les conversations qu'il aura au téléphone avec Y... quelques jours après.
Lors de ces conversations, M. Y.... réitère sa demande. Rendez-vous est pris avec X.... pour le versement de la somme. Lors du rendez-vous, M. Y... est arrêté, puis mis en examen pour extorsion de fond et trafic d'influence. Néanmoins, le juge d'instruction saisit la chambre d'accusation aux fins d'annulation de la procédure et notamment des enregistrements.
Le problème ainsi posé est de savoir si les enregistrements en cause sont conformes aux exigences du code de procédure pénale ou à certains grands principes du droit.
Dans sa décision du 8 février 1995, la chambre d'accusation annule la procédure suivie ainsi que le procès verbal des enregistrements et de leur transcription, pour violation de l'article 100 du CPP (Code de Procédure Pénale).
On examinera successivement d'une part le caractère illégal des agissements contestés (I), avant d'analyser leur caractère déloyal (II).
[...] Si donc un citoyen sollicite lui-même sa mise sous écoute " soulignant qu'alors " on ne peut plus parler d'écoutes illégitimes Dans d'autres circonstances, le juge judiciaire a estimé que ne constitue pas une interception de correspondance émise par la voie de communication, au sens des articles 8 Conv EDH ou 100 CPP, le simple compte rendu de propos entendus par des policiers au cours d'une conversation téléphonique qui s'est déroulée en leur présence, sans artifice ni stratagème (C.cass. Crim avril 1997). Conclusion Au total, on conçoit que le juge ait voulu faire respecter strictement les pouvoirs des juges d'instruction et qu'il est voulu éviter un dérapage de la vie publique avec la multiplication de manipulations policières de toutes sortes, voire d'autres manipulations que les journalistes pratiquent aussi. Mais il ne faudrait pas que la manifestation de la vérité soit limitée par trop de contraintes. [...]
[...] En outre, l'article 427 du CPP énonce que le fait qu'une preuve ait été obtenue de façon illicite ou déloyale ne la rend pas pour autant irrecevable, les juges du fond devant en apprécier la valeur. La Cour de Cassation a ainsi admis ( Cass. Crim 6 avril 1993) qu'une victime peut communiquer au juge des enregistrements qu'elle a réalisé elle- même, fut-ce en ayant commis des infractions pour les obtenir. Il paraît alors discutable que les mêmes enregistrements, mais obtenus avec l'aide de policiers, soient annulés. [...]
[...] Seule une certaine " qualité de la loi " exigeant prévisibilité et accessibilité était recherchée. La France avait alors tenté de démontrer que le domaine des écoutes téléphoniques était en réalité gouverné par des textes fragmentaires et épars que sont les articles 81 et 151 du CPP, mais la CEDH n'a pas jugé une telle justification convaincante et a condamné la France pour violation de l'article 8 Conv EDH du fait d'écoutes téléphoniques pratiquées dans l'imprécision de la loi. En effet, la France à l'époque ne précisait pas la durée des mesures, les conditions d'établissement des procès verbaux, leur contrôle, leur destruction, les catégories de personnes susceptibles d'être concernées. [...]
[...] ) à commettre des faits ( . ) répréhensibles Certes, cette écoute a eu lieu en dehors de toute commission rogatoire et la question se pose de savoir si dans une telle situation, le principe de loyauté s'applique aux agissements des enquêteurs. La réponse est positive en raison de l'unité de la preuve dans la chaîne pénale, preuve qui n'a pas à être régie par des règles différentes selon le niveau procédural de son recueil. La fin judiciaire ne peut justifier le recours à des mesures normalement prohibées. [...]
[...] Elle confie au juge judiciaire, gardien naturel des libertés, le soin d'ordonner les écoutes téléphoniques. La solution à apporter au litige soulevé par le juge d'instruction devant la chambre d'accusation découle alors simplement de l'application de ladite loi. Une décision largement prévisible Les écoutes litigieuses ont été réalisées au cours de l'enquête de police, et non au cours de l'instruction. Or, seul le juge d'instruction pouvait prescrire la mise en oeuvre de tels moyens. Les policiers qui n'ont pas reçu de commission rogatoire du juge d'instruction ne peuvent procéder à l'écoute et à l'enregistrement de conversations téléphoniques car ils sont alors soumis au droit pénal commun et l'ancien article 368 du CP (Code pénal), actuel article 226-1 CPP, interdit de capter ou d'enregistrer, " sans le consentement de leur auteur des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel Les enregistrements qui en découlent sont, par conséquence " constitutifs d'une écoute illicite et leur transcription " entachée d'illégalité C'est donc à bon droit que la chambre d'accusation a prononcé la nullité des enregistrements litigieux ainsi que de l'ensemble de la procédure qui se fondait essentiellement sur ceux-ci. [...]
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