Il s'agit de traiter d'une question relative à la latitude que possède le juge pénal à propos des actes administratifs dans son interprétation et son contrôle de légalité.
Cette question a fait l'objet d'une lutte durant cinquante années : le Tribunal des Conflits, dans un arrêt en date du 5 juillet 1951 nommé Avranches et Desmaret avait décidé que le juge pénal était compétent pour contrôler la légalité et interpréter les actes administratifs lorsque ceux ci étaient réglementaires, qu'ils soient invoqués comme moyen de défense ou comme fondement de poursuite. La Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, dans un arrêt Dame Leroux de 1961 estimait, elle, que le juge pénal était compétent pour contrôler la légalité des actes réglementaires ou individuels lorsque ceux-ci constituaient le fondement de la poursuite et pour interpréter les actes réglementaires -et seulement eux- lorsque ceux ci étaient invoqués comme fondement de la poursuite. On voit donc l'exclusion de tout contrôle du juge pénal dans le cas où les actes administratifs sont invoqués comme moyen de défense.
Il fallut attendre l'arrivée du nouveau code pénal de 1994 pour que le législateur tranche définitivement la question dans l'arrêt 111-5 du code pénal en explicitant ainsi la question « le juge répressif apprécie la légalité et interprète les actes réglementaires ou non lorsque la solution du procès pénal dépend de cet examen ». Le législateur a donc adopté une position médiane par rapport à celle adopté par le Tribunal des Conflits ou la Cour de Cassation.
[...] Le juge répressif, incompétent vis à vis de l'opportunité des actes administratifs : La Chambre Criminelle affirme de façon précise dans son arrêt que les juges [ont le devoir] lorsque [les actes] administratifs ( ) non point d'apprécier l'opportunité desdits actes mais d'assurer ( ) Cette affirmation solennelle prend une tournure très importante lorsque l'on sait que le Tribunal des Conflits, dans l'arrêt Avranches et Desmarets n'avait pas pris la peine de réécrire cette évidence. La Chambre Criminelle commence donc par poser une limite au juge répressif. [...]
[...] Ce refus de la Chambre Criminel de permettre au juge répressif d'interpréter les actes administratifs individuels apparaît pourtant bien peu conforme au principe général du droit qui veut la plénitude de juridiction pour le juge répressif. Conclusion En conclusion, l'arrêt Canivet et Moret pris par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation le 1er juin 1967 est un arrêt de principe édictant le cadre dans lequel le juge répressif se voit reconnaître la possibilité de contrôle la légalité ou d'interpréter les actes administratifs individuels ou réglementaires. [...]
[...] Une incompétence à reconsidérer aujourd'hui : Cependant, il convient d'admettre que l'on peut voir aujourd'hui dans l'arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation en date du 21 octobre 1987 une atteinte au fait que les juges sont incompétents pour statuer sur l'opportunité d'un acte administratif. En effet, cet arrêt admet que lorsqu'un juge répressif statue sur la légalité d'un acte administratif, il peut, comme cause de nullité admettre l'erreur manifeste d'appréciation qui est l'erreur grossière, grave, que commet un fonctionnaire dans l'appréciation des faits qui motivent sa décision. [...]
[...] Cependant, lorsqu'un tribunal judiciaire est saisi d'une affaire relevant sa compétence, il lui arrivera parfois et inévitablement d'être confronté à un acte administratif, soit qu'un problème d'interprétation se pose, soit que ce soit un problème de légalité de cet administratif. Dans l'arrêt Canivet et dame Moret en date du 1er juin 1967 pris par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, il semblerait qu'en mai 1957, le Préfet de Police ait pris une décision qui aurait autorisé la dame Blin à transférer sa licence de débit de boisson dans la zone X deux mois après la date où –donc mars 1957- le Préfet de Police avait cessé de pouvoir prendre pareils arrêtés dit de dérogation. [...]
[...] Il s'agit pour le Tribunal des Conflits (arrêt Avranches et Desmaret en date du 5 juillet 1951) et pour la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation (arrêt Canivet et dame Moret en date du 1er juin 1967) de trouver une moyenne mesure entre le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires qui empêche le juge judiciaire de connaître des actes d'administration et le principe général du droit qui impose au juge pénal un examen immédiat de la validité et de la portée des actes administratifs au nom de la liberté du citoyen et de l'efficacité de la répression. Cet arrêt Canivet et Moret, s'il restreint les pouvoirs du juge répressif par rapport à ceux que lui avait donné le Tribunal des Conflits par l'arrêt Avranches et Desmaret, n'en étend pas moins sur certains points les pouvoirs de ce même juge. I. Pouvoirs restreints du juge repressif Il apparaît de l'étude de l'arrêt deux restrictions principales des pouvoirs du juge répressif vis à vis des actes administratifs. [...]
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