En procédure pénale, la détention de la personne est une mesure qui vient nécessairement heurter la présomption d'innocence, et c'est pour cela qu'elle est et doit rester l'exception, là où la règle est celle de la liberté. Cela ne veut pas dire que l'incarcération d'une personne n'est pas possible, ce que rappelle l'article 5 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, mais qu'elle doit être strictement encadrée, conserver un caractère exceptionnel, et par extension n'être utilisée que dans les cas strictement nécessaire, sinon la personne ne doit pas être détenue, ou ne doit plus l'être (si elle l'était) dès l'instant où ce n'est plus nécessaire.
[...] La Cour de cassation ne fait dans l'arrêt du 7 Mars 2012 que reprendre cette solution européenne, mais c'est la première fois qu'elle le fait aussi clairement. Elle contrôle cette fois-ci réellement que l'on ne maintient pas Mme X en détention provisoire sans se justifier par rapport à ce que les autorités judiciaires ont fait relativement à la procédure en cours, c'est-à-dire au supplément d'information ordonné. Or, puisque l'autorité compétente qui refuse de libérer, à savoir la chambre de l'instruction, ne motive pas suffisamment à cet égard, et qu'elle n'a pas vérifié si les diligences nécessaires pour que le supplément d'information soit réalisé plus rapidement ou plus facilement ont été apportées, alors elle encourt la cassation de son arrêt, elle ne pouvait pas maintenir Mme X en détention provisoire après tout ce temps, sans quoi cela serait de la détention injustifiée, le délai ne serait plus raisonnable. [...]
[...] Cet arrêt écarte toute violation par la France de l'article de la conventions, et celles-ci ne sont donc pas condamnées. Mais c'est l'occasion pour le juge européen de rappeler qu'il incombe aux autorités judiciaires nationales de veiller à ce que, dans un cas donné, la durée de la détention provisoire d'un accusé de dépasse pas la limite du raisonnable Il ajoute aussi que comme en l'espèce, la persistance de raisons plausibles de soupçonner que la personne accusée est coupable est absolument nécessaire au placement puis au maintien en détention provisoire, mais qu'elle ne suffit plus au-delà d'un certain temps de détention. [...]
[...] Sur ce total de 4 ans, elle avait notamment passé plus d'une année en détention depuis le renvoi ordonné par la cour d'assises d'appel pour qu'il soit procédé aux vérifications susmentionnées. Elle avait donc demandé sa remise en liberté le 20 Septembre 2011 à la chambre de l'instruction de Versailles, en application de l'article 148-1 du Code de procédure pénale qui dispose que lorsqu'une juridiction de jugement est saisie, il lui appartient de statuer sur la détention provisoire, mais qu'en matière criminelle (comme en l'espèce), la cour d'assises n'est pas compétente si la demande de mise en liberté n'a pas été formée au cours de la session de jugement de l'accusé, et dans ce cas c'est la chambre de l'instruction qui est compétente (c'est pour cela que c'est celle-ci qui a statué en l'espèce). [...]
[...] Quoi qu'il en soit, c'est l'exigence de célérité bénéficiant à la personne déjà condamnée en première instance et attendant qu'il soit statué sur l'appel interjeté par elle, qui est importante ici, car c'est la première fois que la Cour de cassation reconnaît explicitement l'applicabilité de l'article 6 de la convention et de la garantie de délai raisonnable qu'il contient à une telle situation, alors que précédemment à cet arrêt de Mars 2012, elle n'avait guère statué, en ces cas, que sur l'inapplicabilité de l'article 5§3. Tout ceci n'est en réalité, pour la chambre criminelle de la Cour de cassation, qu'un moyen, certes qu'elle ne s'était pas octroyé auparavant, pour étendre son contrôle sur les juridictions, concernant la notion de délai raisonnable de la procédure, et en particulier de la détention provisoire dont fait l'objet l'accusé. [...]
[...] Or, ce n'est précisément pas le cas de Mme X dans l'affaire en cause, puisqu'au moment où la chambre de l'instruction lui refuse sa remise en liberté, elle est détenue provisoirement en attendant que la cour d'assises d'appel statue sur son cas, ce qui signifie qu'elle a déjà fait appel, et elle a déjà été condamnée, en l'occurrence par la cour d'assises des Yvelines en 2009. Elle n'est donc plus dans la situation d'une personne avant son jugement, et cet article ne la concerne pas. A l'évidence, l'arrêt de la chambre de l'instruction ne pouvait pas se baser sur cet article pour refuser la demande de remise en liberté, et encourt la cassation de ce chef. [...]
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