La procédure pénale est une matière étroitement cloisonnée entre les différentes phases du procès. Dès lors, chacune de ces phases du procès pénal est confiée à une autorité qui lui est propre, on appelle cela « le principe de séparation des autorités », principe véritablement essentiel à la procédure pénale. Or, ce principe, consacré par divers textes nationaux mais également internationaux peut connaître quelques exceptions. C'est en l'espèce ce qui s'est déroulé dans l'arrêt du 9 novembre 1995 rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation.
Le rappel des faits n'est en rien important dans l'apport de cet arrêt, nous rappelons juste qu'il s'agissait d'une affaire de corruption.
Intéressons-nous cependant à l'argumentation de l'un des prévenus qui estime qu'encourt la Cassation l'arrêt de la Cour d'appel (le reconnaissant coupable de corruption) rendu le 29 juillet 1994 puisqu'était présent dans la composition de la Cour, un magistrat membre de la chambre d'accusation ayant abouti au premier arrêt du 29 décembre 1993. Selon le plaignant, dans son arrêt de 1993, la chambre d'accusation statuant sur une requête à fin de nullité a nécessairement examiné la valeur des charges pesant sur le prévenu tandis que ne peuvent faire partie de la chambre des appels correctionnels les magistrats qui, dans l'affaire soumise à cette juridiction, participaient à un arrêt de la chambre d'accusation saisie d'une telle requête à fin de nullité. Ainsi, pour l'intéressé, la Cour d'appel a violé les articles 510, 591 et suivants du Code de procédure pénale mais également l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le problème de droit qui se posait aux hauts magistrats était ici le suivant : un magistrat, statuant sur une requête à fin de nullité au sein d'une instance déterminée ne viole-t-il pas le principe de séparation des autorités en connaissant de la même affaire au stade de l'appel ?
[...] Ainsi, pour trouver un texte légal énonce distinctement le principe de séparation des autorités, le juge national devait tenir compte de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, on s'aperçoit que d'une manière générale, la Cour de cassation raisonne de la même façon que la Cour européenne des droits de l'homme en recherchant concrètement dans une affaire si la première position conduit le juge a anticipé sur sa seconde décision. Tel est le cas lorsqu'une même personne dans une même affaire exerce les fonctions d'autorité de poursuite et les fonctions de juridiction de jugement, à la suite d'une progression de carrière. [...]
[...] Il apparaît donc ici que le principe de séparation des autorités est parfaitement respecté puisqu'aucun magistrat n'a statué sur les faits et les charges justifiant le renvoi de l'affaire devant une juridiction de jugement. Enfin, ultime argument allant dans le sens d'une décision justifiée pour la Chambre criminelle, cet arrêt vient opportunément apporter une réponse aux difficultés pratiques que soulèverait une application rigide de la notion d'impartialité. En effet, le nombre de magistrats du siège composant certaines cours d'appel étant très réduit, interdire à ceux qui ont eu à connaître une affaire (en l'occurrence ici via une simple requête en annulation de pièces de l'information) de siéger dans la formation de jugement de la cour, ce qui conduirait à bloquer le fonctionnement de ces juridictions, notamment dans les départements et territoires d'outre-mer comme dans l'espèce sur l'île de la Réunion. [...]
[...] II) La limite au principe de séparation des autorités D'une manière générale, on estime que les limites au principe de séparation des autorités sont de deux ordres. Ainsi, il existe des limites dites directes et des limites dites indirectes Du point de vue des limites directes, ces dernières correspondent à des hypothèses où le principe même de séparation est méconnu par la loi elle-même (articles 202 et 675 du CPP, droit pénal des mineurs, etc Au niveau des limites indirectes, nous retrouvons des limites qui ne résultent pas des textes mais de la pratique (Parquet ayant parfois le même pouvoir que le Juge d'instruction, appréciation du juge d'instruction sur le renvoi ou non d'une affaire, etc Dans cet arrêt de 1995, la Chambre criminelle vient ici ajouter une certaine limite au principe de séparation des autorités puisqu'elle opère une distinction entre la qualité des actes opérés par un magistrat qui permettent de distinguer quant à la qualité des actes, certains aboutissant nécessairement a examiné la valeur des charges pesant sur le prévu ou l'accusé tandis que d'autres ne le permettent pas distinction qui apparaît comme étant opportune et justifiée La distinction quant à la qualité des actes Il s'agit ici de la justification de l'arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation : aucune disposition légale ou conventionnelle n'interdit à un conseiller, qui a concouru à l'arrêt de la chambre d'accusation rejetant une requête en annulation de pièces de l'information, de faire ensuite partie de la chambre des appels correctionnels saisie de l'affaire Ainsi, il apparaît que la Chambre criminelle n'applique pas de façon stricte le principe de séparation des autorités puisqu'elle aménage ce dernier en faisant quelques exceptions. [...]
[...] Une consécration textuelle et jurisprudentielle Du point de vue européen, ce principe est ainsi consacré par l'article 6 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : le droit pour une personne à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial Cet article va en réalité beaucoup plus loin car il permet d'amplifier le principe de séparation des autorités en s'assurant qu'au cours d'une même phase du procès pénal, une personne ne cumule pas deux fonctions lorsque ce cumul peut faire craindre un défaut d'impartialité. Du point de vue national, ce principe de séparation des autorités n'est pas, en 1995, inscrit de façon direct dans les textes. Cette inscription ne viendra que 5 ans plus tard avec l'intégration au Code de procédure pénale de son article préliminaire. [...]
[...] Ainsi, pour l'intéressé, la Cour d'appel a violé les articles et suivants du Code de procédure pénale mais également l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le problème de droit qui se posait aux hauts magistrats était ici le suivant : un magistrat, statuant sur une requête à fin de nullité au sein d'une instance déterminée ne viole-t-il pas le principe de séparation des autorités en connaissant de la même affaire au stade de l'appel ? [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture