Dans un premier temps, en mars 1993, une information a été ouverte à Evry contre certains salariés de la société Alcatel CIT, appartenant à la division « transmission », qui sont accusés d'escroquerie et de corruptions dans l'exercice de leurs fonctions. Dans un second temps, les personnes mises en examen, licenciées pour faute lourde, ont indiqué au magistrat instructeur l'existence de détournements effectués par certains dirigeants de la société Alcatel Alsthom pour leur profit personnel. Ils ont alors exposé certaines pratiques des responsables de l'entreprise consistant, pour favoriser la réalisation de marchés, à se faire consentir des avantages personnels sous la forme de travaux dans des immeubles leur appartenant ainsi que l'existence de comptes falsifiés passés entre des responsables de la division « transmission » de la société Alcatel et la société France Télécom. Informé de l'existence de ces nouveaux faits, le juge d'instruction a effectué des actes d'information consacrés aux nouveaux faits à partir du 1er juillet 1993, avant la délivrance d'un réquisitoire supplétif du 20 octobre 1994.
En l'espèce, dans son arrêt, la chambre d'accusation a constaté que les déclarations révélant les faits nouveaux avaient été transmises sans délai au parquet qui avait élargi en conséquence la saisine du juge d'instruction. De plus, elle affirme que les nouvelles investigations effectuées sur la base de cette saisine élargie ayant elles-mêmes conduit à la découverte d'autres charges, le juge d'instruction avait à nouveau transmis ces éléments au parquet lequel délivrait le 13 octobre 1993 de nouvelles réquisitions supplétives. De même, à la suite du dépôt du rapport d'un expert le 26 avril 1994, transmis au parquet le 5 mai suivant, la saisine du juge était élargie une fois encore puis enfin un dernier réquisitoire supplétif était établi le 26 janvier 1995 requérant contre Pierre S., président-directeur général pour différentes infractions.
Relevant que les actes accomplis par le juge d'instruction, sur les faits nouveaux dont il n'était pas saisi, « avaient pour seul but de vérifier, sans coercition, leur pertinence », avant de les transmettre au parquet, la chambre d'accusation refusait de prononcer l'annulation des actes ainsi accomplis ni davantage les réquisitions supplétives et les actes accomplis sur la base de celles-ci.
Quels sont les pouvoirs reconnus au juge d'instruction en présence de faits nouveaux, c'est-à-dire de faits non initialement prévus dans le réquisitoire introductif ?
[...] En effet, le principe de la saisie in rem du juge d'instruction est à mettre en corrélation avec le principe selon lequel la juridiction d'instruction ne peut pas se saisir elle-même. L'alinéa premier de l'article 81 du Code de procédure pénale autorise le juge d'instruction à procéder à tous les actes d'information jugés utiles à la manifestation de la vérité. Ce principe général est immédiatement assorti d'une limite résidant dans le principe de la saisine in rem. En effet, ces mêmes actes sont limités aux seuls faits dont il est régulièrement saisi en vertu des articles 80 et 86 du même Code. [...]
[...] Egalement, l'étendue de la saisine du juge d'instruction est encadrée afin d'éviter l'arbitraire de ce magistrat, et donc de protéger les libertés individuelles. Par ailleurs, on constate que le principe permettant de fonder la solution de l'arrêt commenté est une réaffirmation du principe déjà présent dans des arrêts précédents de la Cour de cassation, notamment ceux en date du 6 février 1996, ou encore du 20 février 1996. Dès lors, nous étudierons, dans un premier temps, le rappel du principe de la saisine in rem du juge d'instruction pour ensuite examiner, dans un second temps, les règles relatives aux pouvoirs du juge d'instruction en présence de faits nouveaux (II). [...]
[...] Or, la Chambre criminelle en l'espèce ne raisonne pas comme cela. En effet, alors que la chambre d'accusation estime que seuls les actes de poursuites sont interdits au juge d'instruction pour des faits nouveaux, la chambre criminelle considère que sont également interdits les actes d'instruction qui entrainent des investigations approfondies accompagnées d'un caractère coercitif. Dès lors, les actes accomplis par le juge d'instruction qui doivent désormais être considérés comme étant des actes d'instruction entrainant des investigations trop approfondies et ayant un caractère trop coercitif pour être acceptés pour des faits non compris dans le réquisitoire, sont la perquisition, la saisie de documents, la délivrance de commissions rogatoires pour ces opérations, et la désignation d'experts pour que ceux- ci effectuent des investigations techniques. [...]
[...] La chambre d'accusation a considéré que les actes du juge d'instruction, en présence de faits nouveaux, qui ne pouvaient être accomplis étaient des actes de poursuites. Autrement dit, le juge d'instruction, respectant l'article 80 du Code de procédure pénale, peut effectuer des vérifications en relation avec la recherche des faits poursuivis, y compris si ces vérifications amènent à caractériser des délits nouveaux. Pour la Chambre de l'accusation, ce que l'article 80 du Code de procédure pénale interdit est les nouveaux faits connus par le juge d'instruction qui amènent à procéder à des actes de poursuites. [...]
[...] On peut observer qu'une partie de la décision de la chambre criminelle en l'espèce revêt un caractère de rejet dans la mesure où elle considère que le juge d'instruction n'avait pas méconnu le principe de la saisine in rem. Dans cette hypothèse, le juge d'instruction avait eu la tâche de vérifier la pertinence de faits nouveaux, et non de procéder à des investigations approfondies. En effet, le juge d'instruction n'a pas procédé à des recherches poussées afin de trouver des preuves concernant les faits nouveaux. [...]
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