« Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions » .
Deux siècles plus tard, cette affirmation n'a plus lieu d'être. Fort des interventions législatives et des acquis jurisprudentiels en la matière, la possibilité de poursuivre pénalement un élu local paraît de nos jours quelque peu anodine. Tous ces agents publics qui se trouvaient, dans l'exercice de leurs fonctions, à l'abri de poursuites engagées devant le juge « de droit commun » (le juge judiciaire -le seul existant à l'époque- étant dans l'impossibilité de les mettre en cause à raison de leurs fonctions), sont désormais de potentiels justiciables.
Nos élus ne sont plus à l'abri de poursuites pénales, que les actes répréhensibles qu'ils sont soupçonnés d'avoir commis aient eu lieu pendant l'exercice de leurs fonctions ou non. Tout naturellement, leur responsabilité pourra être engagée suite à la réalisation de n'importe quelle faute personnelle. Dans ce cas ils sont des citoyens à part entière ayant commis une infraction. Au-delà, des poursuites seront engagées lorsqu'ils se rendent coupables de « manquements à la probité ». Le Code Pénal vise expressément les cas de concussion, délits de corruption passive et de trafic d'influence, prise illégale d'intérêts ou encore de délits de favoritisme.
L'hypothèse la plus sensible demeure celle des infractions non intentionnelles. Il existe ainsi nombre de délits non intentionnels : homicides involontaires (221-6 NCP), blessures involontaires (222-19 NCP), pollution de rivières (L 232-2 Code rural)…
La condamnation des infractions non intentionnelles est une exception au principe du caractère intentionnel des délits posé à l'article 121-3 du Code pénal : « il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ». Si pendant longtemps, les élus locaux ont bénéficié d'une quasi-irresponsabilité pour les faits d'imprudence commis pendant l'exécution de leur mandat, sauf faute grave de leur part, aujourd'hui n'importe lequel d'entre eux peut être poursuivi et condamné sur ce fondement.
Leur privilège a été remis en question lors d'un revirement de jurisprudence de la Cour de cassation . Suite à l'incendie du dancing « Le cinq-Sept », le maire de Saint-Laurent-Du-Pont a été condamné pour homicide et blessures involontaires. Il s'est vu reprocher de ne pas avoir veillé au respect des prescriptions figurant sur le permis de construire et des règles de sécurité applicables aux établissements recevant du public. La condamnation a été donc fondée sur le non-respect de ses obligations en matière de sécurité dans les établissements recevant du public, mais pas seulement puisque le juge s'est également fondé sur le fait qu'un premier incendie avait détruit un local situé dans la même commune que le dancing ce qui rendait du coup les négligences encore moins excusables.
[...] Ce débat qui a abouti à la proposition de loi Fauchon et à un rapport d'une commission mise en place par la Garde des Sceaux, présidée par le conseiller d'État P.Massot, conduit à s'interroger sur la réalité de ce phénomène. Avant l'entrée en vigueur de la loi Fauchon, les élus locaux étaient-ils souvent mis en cause pour des délits non intentionnels ? L'AMF affirmait qu'en élus et fonctionnaires territoriaux avaient été mis en examen, sans opérer de distinction entre infractions intentionnelles et non intentionnelles. [...]
[...] Certaines décisions montrent la prise en compte de la situation particulière du maire. Lorsque le manquement a été commis à l'occasion de circonstances inhabituelles alors que le maire ne les connaissait pas, les juges du fond retiennent qu'il ne connaissait pas le risque encouru[40]. Ils estiment au contraire que le maire qui a reçu de services compétents de nombreuses mises en garde sur les insuffisances et les anomalies relatives à la sécurité de la situation ne pouvait ignorer le risque[41]. [...]
[...] Une Peugeot 205 est arrivée. Le conseiller municipal en tête de la fanfare lui a fait en vain des signes pour qu'elle s'arrête. Le véhicule, roulant à une vitesse excessive et équipée de pneus lisses, a heurté et blessé deux des enfants qui suivaient le défilé de la fanfare. Le Maire a été reconnue responsable de blessures involontaires. L'organisation du cortège s'avère insuffisante pour éluder la responsabilité pénale du maire. Elle est inadaptée car : La nuit commençait à tomber. [...]
[...] " L'exclusion du principe de l'unité des fautes civiles et pénales dans le cadre des infractions non intentionnelles est une révolution. Lorsqu'une personne physique aura vu sa responsabilité pénale écartée en application des dispositions nouvelles de la réforme, le tribunal pourra rechercher sa responsabilité civile suivant les règles classiques du droit civil en la matière, préservant ainsi la possibilité pour les victimes d'être indemnisées. Le maire d'une commune peut s'exonérer de sa responsabilité pénale du chef d'homicide et de blessures involontaires, en établissant qu'il a valablement délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires à l'exercice de sa mission, une telle délégation pouvant à son tour être subdéléguée dans les mêmes conditions. [...]
[...] Tous ces agents publics qui se trouvaient, dans l'exercice de leurs fonctions, à l'abri de poursuites engagées devant le juge de droit commun (le juge judiciaire -le seul existant à l'époque- étant dans l'impossibilité de les mettre en cause à raison de leurs fonctions), sont désormais de potentiels justiciables. Nos élus ne sont plus à l'abri de poursuites pénales, que les actes répréhensibles qu'ils sont soupçonnés d'avoir commis aient eu lieu pendant l'exercice de leurs fonctions ou non. Tout naturellement, leur responsabilité pourra être engagée suite à la réalisation de n'importe quelle faute personnelle. [...]
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