« Faudrait-il donc connaître ni rien ni personne pour être impartial ? Faudrait-il, au nom de l'impartialité, mettre en avant les qualités d'un magistrat ignorant, qui n'y connaîtrait rien, une justice fermant les yeux et se bouchant les oreilles, alors qu'habituellement, on se félicite qu'un magistrat soit éclairé ? ». Ce sont ces questions que se posait le procureur général J.-F. Burgelin dans ses conclusions sous les arrêts Guillotel et Bord Na Mona rendus par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation le 6 novembre 1998.
Cette interrogation reflète les difficultés qu'a rencontrées et que rencontre encore le juriste dans la définition de l'impartialité. En effet, avant d'être un concept juridique, celle-ci est d'abord un concept moral.
Selon le Doyen Gérard Cornu, dans son Vocabulaire juridique, l'impartialité est l'« absence de parti pris, de préjugé, de préférence, d'idée préconçue, exigence consubstantielle à la fonction juridictionnelle dont le propre est de départager des adversaires en toute justice et équité ». Au niveau processuel, on peut préciser qu'il s'agit de s'abstenir « de tout favoritisme » et de respecter « l'obligation rigoureuse de n'avantager aucun des plaideurs, de ne jamais statuer au profit de l'un d'eux pour d'autres raisons que celles qui tiennent au bien-fondé de ses prétentions, devoir de stricte justice par opposition à iniquité, arbitraire, discrimination ».
Il est donc logique que l'impartialité tienne une place primordiale dans les attentes des justiciables. Selon une enquête de satisfaction menée auprès des usagers de la justice (enquête de la Mission française de recherche Droit et justice et de l'institut Louis Harris, mai 2001), l'impartialité est d'ailleurs citée comme la principale qualité attendue d'un juge, avant même la compétence et l'honnêteté.
L'un des droits fondamentaux du justiciable est incontestablement d'être jugé sans partialité : il s'agit d'une condition sine qua non du système judiciaire tout entier, dont les origines remontent jusqu'aux textes bibliques (« Tu n'auras pas de partialité » : Deutéronome 1,17).
Actuellement, ce droit est inscrit dans les grands textes internationaux, à savoir la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (art.6§1 : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue…par un tribunal indépendant et impartial »), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (art.14§1), la Charte des droits fondamentaux de l'Union (art.47 al.2 : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue…par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi… »).
Cette exigence se retrouve également en droit interne à travers plusieurs dispositions du Code de procédure pénale (art. préliminaire I al.2, art.49 al.2, 137-1 al.3, 253, 328 al.2, 662, 668 et 733-1) et du Nouveau code de procédure civile (art.341, 481, 626 et 785).
Le principe d'impartialité a été reconnu par le Conseil d'Etat comme un principe général du droit (CE, 29 avril 1949, Bourdeaux et 27 octobre 1999, Fédération française de football). L'« obligation d'impartialité » a été soulignée également par le Conseil constitutionnel par une décision du 28 juillet 1989, obligation qui s'impose à tous ceux qui détiennent une parcelle de la puissance publique, qu'il s'agisse des fonctionnaires, des magistrats ou des personnes agissant en exécution d'un mandat public.
Dominique Noëlle Commaret dit d'ailleurs « L'impartialité est un devoir d'état et d'Etat ».
Avant d'aller plus loin dans l'étude de l'impartialité, il convient de distinguer cette notion de celle d'indépendance : d'après le Doyen Serge Guinchard, « Pour les juges, l'exigence d'indépendance se traduit par l'élaboration d'un statut protecteur, dont l'inamovibilité est l'un des éléments essentiels, et par l'interdiction des immixtions dans l'exercice de leurs fonctions. Si le principe de l'indépendance du juge tend à le protéger à l'égard des pressions qu'exerceraient les tiers ou les parties, le principe de l'impartialité tend à protéger les parties contre les dérives du juge ». Est indépendant un juge qui ne subit pas de pression. Est impartial celui qui n'a pas de préjugé.
D'ailleurs, la rédaction même de l'article 6§1 de la CESDH marque l'existence de cette distinction en imposant l'obligation d'un « tribunal indépendant et impartial », la notion de tribunal étant entendue comme la juridiction de jugement appelée à statuer sur la poursuite, qu'elle prononce l'acquittement ou la condamnation, qu'elle statue immédiatement ou, après une première décision, ultérieurement.
Il convient donc de s'interroger sur la portée réelle du principe d'impartialité, c'est-à-dire de déterminer dans quelle mesure celui-ci influe sur la direction du procès.
Dans cette optique, il est nécessaire de s'attarder sur l'appréciation qui en a été faite par les juridictions, tant nationales que communautaires (I). Afin de mesurer l'effectivité de ce principe, il faudra ensuite rechercher si des garanties existent pour en assurer le respect (II) et quelles atteintes lui sont portées (III).
[...] Mais la principale application du principe d'incompatibilité des fonctions de saisine et de jugement concerne les magistrats du ministère public. Si ceux-ci deviennent magistrats du siège, ils ne peuvent pas juger des affaires pour lesquelles ils ont antérieurement pris un acte de poursuite. Cette règle concernant à l'origine de façon expresse uniquement la Cour d'assises (art 253 du Code de procédure pénale) a été étendu à toutes les juridictions pénales par la Cour de Cassation par une jurisprudence très ancienne débutant dans les années 1820's qui avait vu dans ce texte une règle générale. [...]
[...] Le principe d'impartialité Sommaire Liste des abréviations (p.2) Introduction (p.3) L'impartialité : une notion d'origine essentiellement prétorienne La dualité de la notion : entre subjectivité et objectivité L'évolution jurisprudentielle de l'appréciation de la notion L'approche doctrinale de la notion II- Les garanties assurant le respect du principe d'impartialité Le principe de séparation des fonctions, principal garant de l'impartialité La récusation et le renvoi, moyens d'écarter le juge suspect de partialité III- La partialité : une situation exceptionnelle L'atteinte à la présomption d'innocence Le cumul des fonctions L'absence d'indépendance Bibliographie Liste des abréviations al. alinéa art. article C.ass. Cour d'assises Cass. Cour de cassation (Civ. 1ère : première chambre civile Com. [...]
[...] Cela se résume à travers l'adage de droit anglais : Justice must not only be done, it must also be seen to be done ( il ne suffit pas que la justice soit rendue, il faut aussi qu'elle donne à chacun l'apparence qu'elle a été bien rendue.) Cette théorie, poussée jusqu'à l'absurde, peut conduire à la tyrannie de l'apparence (M.P Mertens RTDH 1996 page 640). Ainsi, l'impartialité du juge ne doit pas être seulement intérieure à celui-ci ; il faut par ailleurs, pour qu'elle ne soit pas mise en doute, qu'elle soit extériorisée. L'impartialité doit être manifeste ; chacun doit pouvoir s'assurer et constater que la justice a été rendue de façon impartiale. Marie- Anne Frison-Roche évoque d'ailleurs l'impartialité qui se donne à voir. [...]
[...] Le juge apprécie souverainement les causes de récusations qui lui sont soumises et qui sont autant de présomptions de partialité. Si la cause est établie, le juge doit être récusé. Cette liste est-elle limitative ? Elle l'est certes dès lors que la récusation ne peut être demandée pour une raison qui ne serait pas prévue par la loi. Pour autant, la loi en question ne se limite pas à la loi interne. Sans doute, les différentes causes de récusation définie par le Code de l'organisation judiciaire rejoignent la nécessité, consacrée par les conventions internationales, de garantir au plaideur que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial Mais, l'article 341 du NCPC, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation au visa de l'article de la CESDH, n'épuise pas nécessairement l'exigence d'impartialité requise de toute juridiction Une demande de récusation peut donc être fondée sur le fondement de ce dernier article. [...]
[...] Le droit interne envisage diverses sanctions en ce qui concerne le non respect au droit à un tribunal impartial. Les parties et le ministère public ont alors à leur disposition deux sortes de procédure : - une procédure de renvoi pour cause de suspicion légitime ou dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice - une procédure de récusation : celle ci peut être à l'initiative des parties et du ministère public, mais elle peut être aussi à l'initiative du juge, on parlera alors d'abstention. [...]
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