« La parole de l'enfant », curieux sujet lorsque l'on précise l'origine étymologique de ces termes. Le mot enfant tire en effet son origine du mot latin infans qui signifie, par son préfixe privatif in associé au verbe fari (parler), « celui qui ne parle pas ». Il paraît bien étonnant, à ce titre, d'oser traiter du sujet de la parole de l'enfant sans nuire à une certaine logique ! D'ailleurs, si ce sens a été oublié depuis, l'enfant est encore souvent considéré comme ‘celui qui ne sait pas' ou ‘pas bien parler' et qui n'a donc pas le droit à la parole.
Pourtant, le concept d'enfance a beaucoup évolué depuis l'antiquité romaine si bien que l'enfant acquiert aujourd'hui une place tout à fait particulière au sein de nos sociétés et la prise en compte de sa parole n'est plus à mettre en doute. Jacques Lacan (1901-1981), psychiatre français introducteur de la linguistique en psychanalyse, a d'ailleurs réintroduit le mot latin infant pour désigner « l'enfance d'avant la parole ». Il correspond à « un état de prématurité durant lequel il expérimente un chaos complet de ses sens et est inattentif aux frontières entre lui et les autres » , et qui précède l'enfance d'après la parole, celle qui sera considérée dans les pages qui suivent. Il devient dès lors possible, sociologiquement et psychologiquement, de considérer « l'expression des désirs, pensées, émotions, souffrances et aspirations » de quelque dix-sept millions de membres de la collectivité nationale. Juridiquement, le terme de mineur est rapidement venu remplacer celui d'enfant, ne simplifiant pas pour autant le rapport du jeune à la parole (la parole du mineur étant parfois encore considérée comme une parole mineure), notamment lors du procès, mais précisant les limites d'âge différenciant le mineur du majeur.
Quant à la parole, elle est ici entendue largement, non seulement en tant que droit d'expression de l'enfant mais aussi en tant qu'expression de sa volonté dans la vie juridique, puisque de la parole du mineur pourra dépendre la réalisation d'actes. D'une manière générale, la société a progressivement reconnu aux mineurs de plus en plus de droits et même la possibilité pour eux de les faire respecter personnellement. Le droit de l'enfant à la parole a ainsi pu évoluer, au niveau national mais aussi international et cette évolution est allée de pair avec celle de la reconnaissance du statut de l'enfant.
[...] Le droit à la parole du mineur chevauche le droit à la présomption d'innocence de l'auteur présumé de l'infraction. Mais si ce dernier, consacré par de nombreux textes aussi bien internes qu'internationaux, est absolu, le droit à la parole de l'enfant est relatif et il nécessite de ce fait une protection particulière. Section 2 : La protection de la parole de l'enfant Le mineur, sujet de droit particulièrement fragile, doit être accompagné tout au long de la procédure judiciaire. Cette protection est exacerbée lorsqu'il devient victime d'infractions graves : Libérer et soutenir la parole de l'enfant Pour oser s'exprimer et se faire comprendre, l'enfant va devoir être accompagné de personnes capables de le rassurer, de traduire ses aspirations et d'un dispositif juridique assurant le bon déroulement de ses déclarations A. [...]
[...] Comme tout prévenu ou accusé, le mineur peut s'exprimer directement ou par l'intermédiaire de son avocat, faire interroger les témoins à charge et à décharge : le tribunal pour enfants statue après avoir entendu le mineur, les témoins, les parents ( ) (article 13 de l'ordonnance de 1945). Une fois le jugement ordonné, le mineur délinquant a la faculté d'exercer toutes les voies de recours qui lui sont ouvertes (chambre spéciale des mineurs de la Cour d'appel, Cour d'assises d'appel, chambre criminelle de la Cour de cassation). Par ailleurs, le mineur pourra participer à l'exécution de la peine ou de la mesure éducative définitive. [...]
[...] Paul Bensussan avait déjà alerté ses pairs et les magistrats sur les fausses allégations d'abus sexuels et a dénoncé tour à tour les dangers d'une interprétation littérale de la parole de l'enfant. Il distingue d'abord deux vérités La vérité historique indique ce qui s'est vraiment passé : ce sont les faits réels. La vérité psychologique quant à elle, est une vérité émotionnelle qui exprime ce que l'on est persuadé d'avoir vécu. Ces deux vérités qui devraient, dans un idéal juridique, être les mêmes, sont différentes car la vérité historique factuelle objective, intégrée par le psychique de l'enfant, devient subjective. Elles ne s'opposent pas mais ne coïncident (souvent) pas. [...]
[...] C.R. du 8 mai 1987, p.954 Recommandations du Comité des ministres aux Etats membres sur les responsabilités parentales, Conseil de l'Europe in Les droits de l'enfant. A la recherche d'un équilibre entre parents et enfants M-T. Meulders-Klein, L'enfant et les conventions internationales J. Rubellin-Devichi et R. Frank, p Loi n°2000-196 du 6 mars 2000 instituant un Défenseur des enfants, J.O. du 7 mars 2000 Définition proposée par G. [...]
[...] La question de la parole de l'enfant fait l'objet de débats et de discussions juridiques. La France en 1975, amorcé une petite révolution juridique en permettant aux juges de tenir compte des sentiments exprimés par un mineur au cours d'une séparation parentale et de l'entendre, le cas échéant (loi du 11 juillet 1975[10]), et ceci avant même la rédaction de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant. S'en sont suivis de nombreux tâtonnements législatifs : la loi du 22 juillet 1987[11], qui obligeait les juges à l'audition de tous les enfants âgés de plus de treize ans, celle du 8 janvier 1993[12], qui consacra la possibilité générale pour l'enfant d'être entendu dans toute procédure le concernant, le magistrat pouvant refuser, par une décision motivée[13], d'entendre l'enfant (article 388-1 ancien du Code civil). [...]
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