3000 morts par an, 100000 décès prévus d'ici à 2025. Voici le bilan catastrophique de l'exploitation massive de l'amiante dans l'industrie et la construction jusqu'à son interdiction totale en 1997 en France.
La raison de cette situation est simple : pendant longtemps les scientifiques n'ont cessé de prôner les vertus de l'amiante. Cette substance en viendra même à être surnommée « magic mineral » au sein de la communauté scientifique Anglo-Saxonne ou « or blanc » pour les autres. En effet, il s'avère que l'amiante constitue un formidable isolant thermique et phonique et un solide résistant à la chaleur et à l'usure. Avec ces propriétés attrayantes, l'amiante se diffuse dans diverses activités comme le textile, la construction de bâtiments, les chantiers navals… si bien que nous avons tous été exposés un minimum à l'amiante à un moment de notre vie.
Face aux vertus miraculeuses de cette substance, un autre constat commence à s'imposer : l'amiante tue. A partir de ce moment, « la poudre maléfique » se substitut progressivement à la « poudre bénéfique ».
Dès 1906 Denis Auribault, inspecteur du travail à Caen, rend un rapport sur la surmortalité des ouvriers dans une usine de textile qui utilisait l'amiante à Condé-sur-Noireau. Ainsi la nocivité de l'amiante est connue dès le début du 20ème siècle. De là on en déduira que ce sera la classe ouvrière qui sera la plus exposée à l'amiante et qui en pâtira jusqu'en 1977 où un décret obligera les entreprises à réduire la concentration à deux fibres par centimètre cube.
A côté de ces personnes directement exposées dans le cadre de leur travail, il y a les personnes qui l'ont été indirectement tels les professeurs et les élèves dans les lycées ou universités (qui aura pour conséquence les plaintes émanant des professeurs du lycée de Gérardmer et de l'université de Jussieu) floquées d'amiante et les habitants d'immeubles isolés à l'amiante. Ainsi un décret de 1996 a obligé les propriétaires à vérifier si leur habitation contenait de l'amiante. Un cancer provoqué par l'amiante se déclare au bout de 30 ou 40 ans. En conséquence nous pouvons imaginer qu'il reste assurément un nombre considérable de victimes potentielles. Le Sénat ira même jusqu'à parler de « catastrophe sanitaire ».
Pourquoi tant de laxisme chez nos politiciens alors qu'aux Etats-Unis ou en Grande Bretagne les gouvernements ont respectivement réagit en 1931 et 1946 ?
Quoiqu'il en soit ce laxisme a entraîné de graves dommages passés, actuels et à venir qu'il va falloir réparer.
C'est dans ce contexte que se pose inévitablement la question des responsabilités dans cette affaire de santé publique.
Certains imputeront le retard de la réglementation à la manifestation tardive de la maladie. Cet argument n'est pas pertinent étant donné que la nocivité avait déjà été décelée en 1906. Ce qui vrai, c'est surtout l'action de lobbying en faveur de l'industrie de l'amiante qui a été menée par le Comité Permanent Amiante (CPA) de 1982 (date de sa création) jusqu'en 1995 où il sera dissout par le gouvernement Juppé. Composé de scientifiques et de représentants du gouvernement, ce lobby a tenté de démontrer dans plusieurs rapports, qu'un usage contrôlé du « magic mineral » ne serait aucunement nocif alors que d'autres études démontraient l'inverse. Bien sûr ce lobby n'enlève en rien la responsabilité de l'Etat et de l'administration pour le manque de veille sanitaire. C'est d'ailleurs ce qu'a décidé le Conseil d'Etat en établissant la responsabilité de l'Etat pour son inertie dans la mise en place d'une réglementation spécifique avant 1977 et pour la réglementation trop minimale postérieurement jusqu'en 1995.
A côté de cette responsabilité administrative nous pouvons observer que les juridictions judiciaires se sont également prononcées.
La juridiction sociale a fait preuve de sévérité en donnant une nouvelle définition de la faute inexcusable en 2002 : elle a mis à la charge de l'employeur une obligation de résultat en « ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par l'employé du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l'entreprise ». Avant cette jurisprudence, il s'agissait d'une faute d'une exceptionnelle gravité. Cette jurisprudence a permis la condamnation quasi-systématique des employeurs en matière d'amiante.
En revanche les responsabilités au pénal sont difficilement établies. En effet un procès pénal mettrait en avant toutes les responsabilités, en allant des employeurs des PME jusqu'aux hauts fonctionnaires de la sphère politique en passant par les anciens membres du CPA. Nous pouvons penser que c'est la raison pour laquelle la première condamnation pénale n'est tombée qu'en septembre 2006. Les associations des victimes comme l'ANDEVA ou l'ARDEVA se sont réjouies de ce procès qu'elles réclamaient en vain depuis plus de dix ans. En effet ces associations jouent un grand rôle dans l'affaire de l'amiante depuis qu'elles ont été habilitées à se constituer parties civiles (l'association devant être déclarée depuis un minimum de cinq ans pour se constituer partie civile contre une personne commettant une infraction contrevenant à l'objet social de l'association).
Les victimes et les associations de victimes ont besoin d'un procès pénal. Si elles sont indemnisées financièrement par le social (pour les salariés) ou le civil (pour les particuliers) le pénal a une fonction de sanction et prévention. L'avocat de l'ANDEVA, Maître Ledoux s'est explicitement prononcé sur la nécessité d'un procès pénal : « Nous réclamons un grand procès pénal pédagogique, pas seulement pour couper quelques têtes mais pour pointer les responsabilités de chacun, des industriels de l'amiante aux pouvoirs publics, en passant par la médecine et l'inspection du travail, ou la Sécurité sociale, qui n'ont jamais sonné l'alarme pendant des décennies […] Pour juger les empoisonneurs de l'amiante, il faudra le Parc des Princes ». C'est un procès pénal de l'amiante à l'image de celui du sang contaminé qui serait souhaitable aux victimes.
Après avoir observé une certaine réticence de la part des juridictions et du Gouvernement à mettre en place un grand procès pénal, la France, aujourd'hui, est-elle sur la voie de donner vie au « volet pénal » de l'affaire de l'amiante ?
Ce mémoire propose deux parties qui auront pour objet d'identifier les causes du rejet de certaines qualifications pénales en matière d'amiante (Titre 1) et d'observer également que tout procès pénal n'est pas exclu, en faisant état de certaines signes positifs tant sur le plan du choix des qualifications que sur celui de l'instruction (Titre 2).
[...] En effet, les acteurs de l'affaire affirment le plus souvent en défense qu'ils se sont trompés. Il est plus facile de condamner l'exécutant qui a un rôle causal direct, contrairement au responsable politique, lequel devra se voir imputer une faute caractérisée. C'est pour cela que Ph. Conte estime à juste titre que plus un individu a une responsabilité sociale importante, plus sa responsabilité pénale est difficile à engager[29]. Ainsi s'il est relativement aisé de mettre en cause dans l'affaire de l'amiante un employeur lorsqu'il existe une législation lui imposant des mesures concernant l'amiante, il est très difficile d'établir les diverses responsabilités politiques, notamment celle des membres du CPA. [...]
[...] Les victimes et les associations de victimes ont besoin d'un procès pénal. Si elles sont indemnisées financièrement par le social (pour les salariés) ou le civil (pour les particuliers), le pénal a une fonction de sanction et prévention. L'avocat de l'ANDEVA, Maître Ledoux s'est explicitement prononcé sur la nécessité d'un procès pénal : Nous réclamons un grand procès pénal pédagogique, pas seulement pour couper quelques têtes, mais pour pointer les responsabilités de chacun, des industriels de l'amiante aux pouvoirs publics, en passant par la médecine et l'inspection du travail, ou la Sécurité sociale, qui n'ont jamais sonné l'alarme pendant des décennies [ ] Pour juger les empoisonneurs de l'amiante, il faudra le Parc des Princes C'est un procès pénal de l'amiante à l'image de celui du sang contaminé,[14] qui serait souhaitable aux victimes. [...]
[...] Le résultat de cette faute sera nécessairement une atteinte à la vie ou à l'intégrité physique. S'il apparaît simple d'engager certaines responsabilités en matière d'amiante, notamment celle des employeurs (qui ont manqué délibérément ou non à certaines obligations de sécurité), il n'en va pas de même des responsables politiques qui ont manqué de vigilance quant aux effets néfastes de l'amiante dénoncés depuis longtemps par beaucoup d'experts. En effet, il se trouve que la réforme du 10 juillet 2000 fait obstacle, en instaurant une distinction tenant au lien de causalité entre la faute et le dommage, à la condamnation de tous ces auteurs qui ont causé indirectement le dommage. [...]
[...] L'individu doit opter en faveur de l'assistance la plus efficace[54]. L'impossibilité de mettre fin au péril n'implique pas l'impossibilité de porter assistance à la victime. De même, l'individu n'a pas à être présent sur les lieux du péril : il lui est imposé une assistance à distance[55]. Une seule limite est prévue à l'intervention, c'est le risque pour l'intégrité corporelle relativement sérieux. En effet, la loi ne requiert pas l'héroïsme Les tribunaux apprécieront le sérieux du risque en comparant ce dernier avec celui auquel aurait dû faire face un homme normalement diligent (in abstracto). [...]
[...] Crim sept Loi 2004-204 du 9 mars 2004 qui révise l'art. 121-2 du Code Pénal. Plainte fondamentale de l'ANDEVA juin 1996 Cass. Crim juil obs. Y. Mayaud, Rev. sc. crim p.98. Droit Pénal Spécial Ph. [...]
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