La question posée était de savoir si l'état de nécessité était applicable en l'espèce, et par hypothèse, si cette mère de famille était en présence d'un danger réel et imminent et si sa réaction était nécessaire et mesurée. La Cour d'Appel de Poitiers, dans un jugement rendu le 11 avril 1997, a estimé que la prévenue n'était pas dans un état de nécessité, et l'a condamnée par conséquent à 3000 francs d'amende avec sursis. Pour motiver sa décision, la Cour a relevé que son compte bancaire n'était pas à découvert, que le danger n'était pas réel ni imminent et que les vols de quantités si importantes était « incompatibles avec le seul acte nécessaire à la sauvegarde de la personne menacée ». Nous verrons d'abord dans quelle mesure l'état de nécessité n'est en effet pas applicable à la situation de la prévenue (I), puis que cette décision paraît juste (II)
[...] Il paraît important que la notion d'état de nécessité a fait son apparition car elle répondait à des notions d'équité. Il semble que la Cour d'appel, bien que n'ayant pas appliqué cette notion, a quand même condamnée la prévenue en considération de cette même équité : il paraît en effet difficile de considérer a priori que des difficultés financières puissent justifier la commission d'infraction, même si l'équité commande, souvent en pareilles situations, de ne pas engager de poursuites (ce qui ne pouvait être le cas ici à cause du montant élevé des aliments volés) ou de prononcer une peine symbolique, si ce n'est une dispense de peine. [...]
[...] En l'espèce, il a été établi que les enfants étaient nourris par la purée ou des pâtes au jambon». Certes ils étaient lassés de manger la même chose, mais ne souffraient pas d'une carence alimentaire qui aurait ressurgi sur leur état de santé. La santé des enfants n'était donc pas menacée ; la prévenue a essayé de justifier son geste en expliquant qu'elle voulait améliorer leur ordinaire alimentaire Le geste de la prévenue s'explique donc par une volonté de changement de quotidien et non de garder ses enfants en vie. [...]
[...] Il paraît donc peut vraisemblable que l'amélioration du quotidien constitue un danger réel et actuel. Cette situation a été rapprochée par la doctrine à l'affaire Ménard : une jeune femme avait volé du pain pour nourrir son bébé. Elle avait été relaxée en raison de l'état de nécessité de son enfant. Cette décision, rendue il y a plus d'un siècle par le Tribunal correctionnel de Château- Thierry mars 1899), paraît tout à fait louable et parfaitement en accord avec l'état de nécessité dans lequel était la mère à ce moment : le seul moyen d'éviter la mort de son enfant et le moyen de sauvegarde mis en œuvre (le vol d'un pain) n'apparaissait pas comme disproportionné au regard de la gravité de la menace. [...]
[...] Commentaire du jugement rendu par la Cour d'Appel de Poitiers (Chambre correctionnelle) le 11 avril 1997 Introduction Une femme a volé à des morceaux de viande et de charcuterie dans trois supermarchés différents le même jour. Elle a invoqué l'état de nécessité dans lequel elle était à ce moment, car ne disposant que de peu de ressources pour varier la nourriture de ses enfants. Le montant total des denrées s'élevait à 1500 francs environ. Le procureur de la République a donc lancé des poursuites contre la femme en raison du montant élevé des aliments volés. [...]
[...] La réaction de la prévenue ne paraît donc pas proportionner : 6 kilogrammes de viande et 16 paquets de charcuterie paraissent plutôt pouvoir suppléer à une durée relativement longue qu'à un laps de temps court requis pour pouvoir justifier de l'état de nécessité. Il doit donc y avoir un rapport de proportionnalité entre le dommage causé et le dommage évité ; en l'espèce, ce rapport de proportionnalité n'est pas respecté. Les deux éléments constitutifs de l'état de nécessité ne sont donc pas constitués pour supprimer la responsabilité pénale de la prévenue qui s'en était prévalu. Après avoir étudié dans quelle mesure la décision de la cour d'Appel était justifiée, nous pouvons désormais nous demander dans quelle mesure cette mesure paraît juste. [...]
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