Protection pénale, choses incorporelles, jurisprudence, atteinte à la propriété, élément matériel des infractions, juge, matière de vol
« En matière criminelle où il n'y a qu'un texte formel et préexistant qui puisse fonder l'action du juge, il faut des lois précises et point de jurisprudence » affirmait Portalis dans son discours préliminaire sur le projet de Code civil en 1801. Plus de deux cent ans après, force est de constater que cette analyse ne correspond pas à l'état du droit positif. En effet, bien que basé sur le principe de légalité des délits et des peines, le droit pénal, comme toute création législative, mérite interprétation.
Aussi, même en matière criminelle, la jurisprudence peut avoir une place de choix et ce, d'autant plus que le droit pénal ne peut rester insensible aux évolutions de la société quand bien même le législateur ne serait pas intervenu. Or, le XXe siècle a été riche en évolutions notamment avec le passage de la société industrielle à la société moderne dite « de l'information » qui a entraîné une dématérialisation générale des comportements mais surtout des choses.
[...] Crim. n°142 ou Cass. Crim juin 2007, Bull. Crim. n°157). Et si elle sanctionne le recel d'une information protégée par le secret professionnel, ce n'est que parce que celle-ci est matérialisée par un support (Cass. Crim octobre 1995, Bull. Crim. n°328 : en l'espèce l'information était matérialisée sur des procès verbaux). Pourtant, le support importe bien moins que son contenu. [...]
[...] La protection est mince et disparate et les généralités ne sont pas de mise en matière de choses incorporelles. Cette démarche législative peut s'expliquer par le fait que la protection pénale des choses incorporelles ne se justifie pas toujours. Selon certains auteurs, le législateur doit continuer à n'intervenir que de manière ponctuelle. Il propose, en effet, que le législateur intervienne pour réprimer le vol d'information en tant qu'infraction autonome du vol de droit commun car selon lui, toute information n'est pas susceptible d'appropriation. [...]
[...] C'est pourquoi la dématérialisation a également dû trouver sa place en matière de recel ou de blanchiment Le recel de choses immatérielles. Le recel de choses étant une infraction de conséquence, elle implique que soit caractérisée une première infraction commise en amont. L'article 321-1 du Code pénal réprime, en effet, le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d'intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d'un crime ou d'un délit. [...]
[...] D'ailleurs, les arrêts qui retiennent une telle interprétation de cette infraction portent sur des choses corporelles (l'arrêt de 1970 confirme par exemple la qualification de recel pour sanctionner une personne qui avait été transportée dans une voiture qu'elle savait volée). Mais cette notion de recel-profit lui a assurément permis de protéger indirectement les choses immatérielles. En effet, sur le fondement de cette interprétation de l'infraction de recel, la Cour de cassation affirme que la participation à un délit de recel n'implique pas nécessairement la détention matérielle de la chose (Cass. Crim octobre 1980, inédit ou Cass. Crim avril 1996, Bull. [...]
[...] Dans une approche extrême, on pourrait toutefois penser qu'une protection pénale efficace des choses incorporelles n'est qu'illusoire. Les choses incorporelles sont partout et nul part à la fois, elles ne pourraient donc jamais être pleinement protégées. Mais une telle approche, trop pessimiste, reviendrait à nier le travail accomplit jusqu'à maintenant en matière de protection pénale des choses incorporelles. Ce serait renoncer trop facilement à un objectif pourtant nécessaire d'adaptation du droit à la société qu'il protège. D'autant plus que la question de la prise en compte de l'innovation par le droit pénal ne cessera pas de se poser. [...]
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