"Le but du procès n'est pas plus la découverte de la vérité que le but de la guerre n'est le triomphe du droit. On fait la guerre pour imposer la paix, on fait un procès pour aboutir à la chose jugée", écrivait Charles Rousseau en 1937 dans Jurisprudence française en matière de droit international public. Pour autant, l'adage latin "res judicata pro veritate accipitur" [les lois veulent qu'une chose jugée passe pour la vérité] lie par présomption la "chose jugée" à sa véracité, qualité la légitimant.
La légitimité première du procès découle-t-elle alors de la recherche de la vérité ou bien d'une bonne résolution de la difficulté par la "chose jugée" ?
Le procès est spontanément perçu comme un mode d'accès à la vérité des faits, conception qui a des effets forts sur la procédure judiciaire en rapprochant le droit de la science (I). Néanmoins, les limites d'une telle acception, relatives à la nature même de la vérité judiciaire, nous invitent à nous demander si un autre procès, aux ambitions plus modestes – être seulement un mode de résolution de difficulté -, ne serait pas souhaitable (II).
[...] Le surinvestissement de la preuve scientifique est en effet le signe manifeste d'un mouvement plus global de la recherche d'une vérité judiciaire au caractère scientifique qui amorce un règne des experts au tribunal. Se pose alors la question de la légitimité des jurés, sans compétence scientifique ou juridique aucune, qui ont la lourde tâche de trancher le vrai du faux dans le procès pénal en France. Le règne des experts L'expert commis est un auxiliaire de justice, une personne qui concourt à la procédure» selon l'article 11 du Code de procédure pénale. [...]
[...] En d'autres termes, le juge referme la plaie du conflit par l'artefact du jugement. Ainsi, est renouvelée la conception de l'office du juge en faisant de celui-ci un agent actif de la paix sociale ce qui peut déterminer son comportement lors d'un procès. Par exemple, imaginons un divorce qui concerne un couple avec un enfant. Si le juge cherche la conciliation, il ne demandera pas une expertise sachant que statistiquement 10% des enfants n'ont pas pour père biologique le mari. [...]
[...] Peut-on dès lors parler de règne des experts ? De fait, la culpabilité ou l'innocence d'une personne sont bâties sur des rapports d'experts commis ce qui semblerait impliquer un devoir d'impartialité absolu de ces experts. Or, l'article du décret no 2004-1463 du 23 décembre 2004 relatif aux experts judiciaires exige uniquement que les experts n'exercent aucune activité incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice de missions judiciaires d'expertise» pour être inscrit sur la liste nationale de la Cour de cassation ou sur une liste de cour d'appel. [...]
[...] Sans exagérer, il paraissait y avoir là comme une espèce d'adulation qui, de porter la vérité aux nues, semblait ainsi faire de ce lieu son sanctuaire et de la Cour et du jury ses officiants. Aussi n'en était-il que plus saisissant d'observer s'immiscer peu à peu en cette enceinte comme sa contradiction même, dès lors que, toutes les certitudes s'effilochant, il ne devait rester que ce qui leur ressemble le moins : de vagues impressions sur lesquelles il allait falloir seulement compter pour rendre un verdict. [...]
[...] Le procès doit-il toujours tendre à faire prévaloir la vérité ? Le but du procès n'est pas plus la découverte de la vérité que le but de la guerre n'est le triomphe du droit. On fait la guerre pour imposer la paix, on fait un procès pour aboutir à la chose jugée écrivait Charles Rousseau en 1937 dans Jurisprudence française en matière de droit international public. Pour autant, l'adage latin res judicata pro veritate accipitur [les lois veulent qu'une chose jugée passe pour la vérité] lie par présomption la chose jugée à sa véracité, qualité la légitimant. [...]
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