Quelle distance faut-il garder avec l'émotion, susceptible d'envahir tout un chacun en présence de faits qui génèrent colère, peine et compassion, telles les violences infligées aux enfants ? Quelles sont les bases de l'intime conviction du Juge ? L'expert et le juge sont-ils totalement indépendants l'un de l'autre ? Pourquoi le juge fait-il appel à l'expert, quelle est la nature de la demande du juge et comment utilise-t-il l'expertise ?
La recherche d'une application sage et raisonnée de la loi pénale passe inéluctablement par un recours à la technique dans l'élaboration de la vérité (I).
Mais le législateur moderne, n'ayant pas pris en compte le plus grand degré de certitude dans les sciences et l'essor extraordinaire de l'institution expertale, a suscité une pratique de l'expertise qui est incontestablement inadaptée à la manifestation de la vérité. Les attentes du pouvoir révèlent alors l'existence d'un paradoxe dans l'appréhension de la vérité (II).
[...] Cette enquête de crédibilité s'apparente à une forme de légitimation des informations apportées par l'entretien clinique à la rédaction du rapport d'expertise. Elle est d'autant plus complexe qu'elle n'existe pas dans le champ de la clinique, mais dans l'interface d'une utilisation de la clinique psychologique (ou psychiatrique) par le judiciaire, d'où une certaine déshérence. Une chimère étrange est née du mélange de la psychopathologie du sujet et d'une appréciation d'ordre morale : ce que l'on appelle en terme judiciaire la personnalité du sujet. [...]
[...] La notion de vérité par convention est servie par l'approche judiciaire avec la responsabilité de l'expert. D'où des critiques comme dans le procès d'Outreau, car le fantasme de la Justice est de penser qu'il y a mensonge, celui-ci étant interprété comme un symptôme. Or, ce même symptôme est préventif pour la clinique. Il y a donc déjà une fausse appréciation de la mission de l'expert. Car le symptôme est crédible si l'expert ment, car il est encore plus crédible puisqu'il ment. Ce que le magistrat comprend est différent, il voit manigance. [...]
[...] Au final, il semble évident que l'élaboration de la vérité ne saurait se contenter du seul support audiovisuel dans le déroulement du procès pénal. Néanmoins, cette méthode ajoutée à une plus grande spécialisation des équipes judiciaires permettrait à l'enfant d'avancer dans un travail de métabolisation tout en évitant sa reification. Le juge d'instruction peut demander ou les impératifs de l'audience nécessiter, une confrontation entre l'enfant et son agresseur visant à la manifestation de la vérité. Le respect de la victime ne saurait aller jusqu'à justifier l'absence de confrontation avec l'agresseur et le non- respect du principe du contradictoire. [...]
[...] Leur regard est à ce moment là tourné non plus vers l'enfant victime, mais vers les accusés dont il convient de protéger l'éventuelle innocence. Ce qui est remarquable, c'est que ce renversement de paradigme chez les médecins légistes coïncide avec les années d'intense activité juridique et législative qui ont abouti à l'adoption des lois de 1889, puis de 1898. Comme si ces experts se trouvaient encore une fois en complet déphasage par rapport à l'action conjuguée des juristes et des représentants de la nation. [...]
[...] Mais parlons-nous le même langage ? Qu'est-ce que la vérité et la véracité dans l'expertise ? La vérité et la réalité ne sont pas cliniques mais plutôt philosophiques avec un sens spécifique au plan juridique. La notion de réalité a rapport en philosophie à des pensées logiques et psychanalytiques ; au niveau épistémologique, on parlerait plutôt de valeur de la vérité dans un processus de connaissances et sociales. Les valeurs s'articuleraient selon ces deux interactions. Dans le juridique la vérité serait conforme à la réalité ; l'on voit pointer la notion d'exactitude. [...]
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