« Dans la vie courante, nous sommes obligés de distinguer plusieurs degrés de mensonge, puisque le passage est lent et graduel entre l'embellissement, l'ornement, l'exagération, le camouflage, l'entourloupette, la contre-vérité, le fallacieux, la menterie, la tromperie, le mensonge et la tricherie » (Bernard Arcand).
Le mensonge, inséparable de la question de la vérité et du partage du vrai et du faux, est un élément déterminant de certains délits. Mais le mensonge n'est pas seulement le faux. En effet, une personne peut dire faux, ne pas dire la vérité, sans pour autant mentir. Pour mentir il faut donc une intention délibérée de ne pas dire la vérité, et par conséquent, connaître la vérité. Ce qui fait du mensonge une mauvaise action, ce n'est pas seulement qu'il soit faux, mais qu'il soit délibéré. Il est donc nécessaire de déceler le mensonge, ce qui demande un apprentissage, en particulier dans les métiers de la justice où la véracité des propos est prépondérante. Ainsi, les magistrats recherchent la vérité, de même pour la police qui procède pour ce faire à des interrogatoires dont l'objectif n'est autre que découvrir la vérité. On peut également faire référence aux compagnies d'assurance envers lesquelles certains accidentés exagèrent parfois les dommages qu'ils ont subis pour se faire indemniser au maximum. La compagnie d'assurance essaie donc de vérifier leurs témoignages.
[...] Or, à l'inverse, la jurisprudence qualifie de manœuvre un simple mensonge constitué par l'établissement d'un faux écrit. Il en va ainsi par exemple pour l'escroquerie au bilan dans lequel constitue une manœuvre frauduleuse caractérisant le délit d'escroquerie l'établissement et la production de faux bilans (Crim novembre 1976). Dans ce délit, il n'y a en effet qu'un seul écrit en principe insuffisant à caractériser la manœuvre. Cet écrit n'étant pas corroboré par des éléments extérieurs, en principe nécessaire à constituer la manœuvre, a pourtant été qualifié de simple mensonge par la jurisprudence. [...]
[...] Ce délit est le plus caractéristique du mensonge en droit pénal, car sans ce mensonge, ce délit n'existe pas. Le mensonge stricto sensu et la manœuvre frauduleuse : une frontière incertaine À côté du simple mensonge constitutif du délit d'escroquerie existent les manœuvres frauduleuses que le code ne définit pas. Un simple mensonge peut constituer une manœuvre frauduleuse s'il est conforté par un élément matériel extérieur tel qu'une mise en scène, le recours à des faux documents, ou l'intervention d'un tiers. [...]
[...] Le mensonge est ici l'élément déterminant de l'infraction d'escroquerie. Si toute escroquerie est une tromperie, toute tromperie n'est pas une escroquerie. En effet, l'escroc abuse de sa victime en utilisant certains procédés limitativement énumérés par la loi. On peut être escroc par simple mensonge. L'infraction est par conséquent intentionnelle et exclut donc la simple négligence ou l'imprudence. Ainsi, l'article 313-1 alinéa 1 du Code pénal mentionne limitativement les procédés du délit d'escroquerie. Il résulte des termes de cet article que l'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, valeurs, ou un bien quelconque, ou à fournir un service ou à consentir un acte opérant une obligation ou décharge Cet article mentionne l'usage d'un faux nom, tel que le nom d'un tiers, nom imaginaire, ou l'usage d'une fausse qualité. [...]
[...] Ainsi, un avocat ayant persuadé la victime d'agissements délictueux imputés à ses clients, de se désister de son action en affirmant détenir la somme nécessaire à son indemnisation, a été jugé coupable de tentatives d'escroquerie par un arrêt de la chambre criminelle de la cour de cassation en date du 6 avril 1993. La jurisprudence considérait alors qu'il s'agissait d'un manœuvre frauduleuse. Or l'article 313-1 du nouveau Code pénal érige l'abus de qualité vraie en un cas spécifique d'escroquerie, distinct de la fausse qualité, mais aussi des manœuvres frauduleuses. C'est donc le simple mensonge qui est désormais constitutif du délit d'escroquerie par abus de qualité vraie. [...]
[...] S'agissant des manœuvres frauduleuses par le recours à des documents, il faut préciser qu'un mensonge, même écrit, est insuffisant à lui seul. Il faut que ce document confère à l'inexactitude qu'il recèle une crédibilité renforcée par la confiance qu'il inspire à une personne raisonnable. Il ne peut donc s'agir d'un écrit qui se contente d'émettre une prétention sujette à vérification par son destinataire. La manœuvre frauduleuse peut également être corroborée par l'intervention d'un tiers. Il peut s'agir d'un tiers complice lorsque son rôle est d'appuyer les manœuvres de l'auteur principal. [...]
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