L'idée que le juge judiciaire est le gardien naturel de certains droits privés est ancrée en droit français ; les matières qui ont trait à ces droits seront donc réservées par nature à l'autorité judicaire. On admet également que le Parlement puisse créer des blocs de compétences dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice en dérogeant au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires.
Le juge judiciaire va également être compétent pour juger les affaires dans lesquelles l'administration a agit hors du droit (théorie de la voie de fait). Il y a aussi une autre justification à cette immixtion du juge judiciaire dans les matières administratives c'est qu'il est parfois dispensé de poser une question préjudicielle au juge administratif. Mais nous n'étudierons cette question que dans le cadre des matières réservées au juge judiciaire, car les questions préjudicielles ne sont pas une matière à proprement parler.
[...] Le Conseil Constitutionnel a laissé une marge de manœuvre au législateur pour permettre des dérogations législatives au profit du juge administratif. Le juge judiciaire est ainsi compétent pour le contentieux de la réparation des atteintes à la propriété immobilière et le juge administratif pour apprécier la légalité des actes à l'origine de cette atteinte. Le juge judiciaire répare donc le préjudice des atteintes régulières (réquisition), mais aussi irrégulières (théories de l'emprise irrégulière). Pour pouvoir faire valoir cette théorie, il faut qu'il y ait emprise sur une propriété immobilière qui soit, soit une dépossession, soit une occupation, et que l'atteinte soit extérieure. [...]
[...] La liberté individuelle comprend le droit de ne pas être détenu arbitrairement. Seul le juge judiciaire est compétent pour énoncer des mesures qui atteignent la liberté individuelle et pour prolonger cette atteinte. Deux autres droits sont rajoutés à ce principe : le droit de ne pas être arrêté arbitrairement (Conseil Constitutionnel janvier 1977, fouille des véhicules) et l'inviolabilité du domicile (Conseil constitutionnel décembre 1983, perquisitions fiscales). Le juge judiciaire doit vérifier le bien-fondé de ces mesures de perquisitions ou de saisie. [...]
[...] Le Parlement est intervenu pour contrecarrer cette jurisprudence, mais cela n'a rien changé. De plus, la Cour de cassation cherche à défendre son domaine de compétence. La compétence sur cette matière est donc fortement contestée. Le juge judiciaire est également compétent dans d'autres domaines pour protéger le citoyen face à l'exécutif et à l'administration. II) Le juge judiciaire, gardien naturel de la propriété immobilière et censeur de l'action administrative dénaturée. Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le Parlement a créé des blocs de compétences. [...]
[...] Mais nous n'étudierons cette question que dans le cadre des matières réservées au juge judiciaire, car les questions préjudicielles ne sont pas une matière à proprement parler. Ces exceptions de compétence du juge administratif à l'égard de son propre contentieux se limitent le plus souvent au contentieux de la responsabilité et aux conséquences indemnitaires des actions administratives irrégulières, mais elles peuvent aller jusqu'au contentieux de la légalité des actes administratifs et dans ce cas, la dérogation est totale. Il s'agit donc de savoir quelles sont les matières qui sont par nature réservées au juge judiciaire. [...]
[...] La compétence du juge judiciaire est perçue comme une sanction. L'administration perd le bénéfice de son juge. La définition de cette notion a été une source de conflits entre l'ordre administratif et l'ordre judiciaire qui avait une vision très extensive de la voie de fait. Comme il n'y avait de procédure d'urgence qu'en matière judiciaire, le justiciable se tournait vers ce juge, car la procédure était plus rapide. Mais depuis la mise en place d'une procédure d'urgence en matière administrative, la conception de la voie de fait est redevenue raisonnable. [...]
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