La condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'arrêt X... du 30 janv. 2001 révèle une lacune du droit positif français dans la protection des incapables majeurs et constitue un argument supplémentaire pour ceux qui réclament une refonte globale du système de protection des incapables majeurs dans le sens d'un renforcement des droits fondamentaux de ces derniers.
L'arrêt rendu par la Cour européenne pose plus spécifiquement la question du droit effectif à un procès équitable d'un majeur placé sous curatelle et poursuivi devant une juridiction pénale. Le majeur en question n'avait pas répondu aux convocations qui lui avaient été adressées et avait fait l'objet d'un jugement de condamnation réputé contradictoire pour atteintes sexuelles sur mineur de moins de 15 ans sans que son curateur ait été informé de l'existence de la procédure pénale. Devant la Cour européenne, le majeur sous curatelle se plaint de ne pas avoir pu exercer correctement ses droits de la défense dans le cadre de la procédure pénale dont il fit l'objet dans la mesure où, placé sous curatelle, il était incapable de se défendre seul puisqu'il n'était pas apte à comprendre la gravité des faits qui lui étaient reprochés. Le requérant se fonde ainsi sur l'art. 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et plus particulièrement sur le droit pour toute personne poursuivie de comprendre la nature et la cause de l'accusation portée contre lui.
Cet aspect du droit à un procès équitable, déjà invoqué par ailleurs devant la Cour européenne, permet à celle-ci de condamner les autorités françaises pour ne pas avoir pris des mesures particulières destinées à compenser les déficiences du prévenu dans sa compréhension de la procédure dirigée contre lui. La Cour considère en effet que le requérant n'avait pas la capacité d'exercer ses droits de la défense sans assistance et qu'en conséquence des dispositions spécifiques auraient dû être prises pour lui garantir effectivement un procès équitable. Il faut donc s'interroger d'une part sur l'appréciation à laquelle la Cour européenne procède de la capacité du majeur placé sous curatelle à exercer ses droits dans le cadre de la procédure pénale (I) pour ensuite mesurer l'obligation qu'elle fait peser sur l'Etat de remédier à cette incapacité (II).
I - L'inaptitude du prévenu à exercer effectivement son droit à un procès équitable
Pour la Cour européenne, il s'agit de savoir si le respect des droits procéduraux a garanti au requérant la jouissance de son droit à un procès équitable et lui a permis d'exercer ses droits de la défense alors que le juge des tutelles avait relevé « l'altération de ses facultés, son besoin d'être représenté et assisté dans les actes de la vie civile » et son incapacité à ester en justice sans l'assistance de son curateur. La Cour rappelle ainsi l'exigence d'effectivité du droit à un procès équitable (A), exigence qui revêt une connotation particulière lorsque la personne qui l'exerce est placée sous un régime d'incapacité (B).
[...] son exigence d'effectivité du droit à un procès équitable. Cette décision s'inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la Cour depuis l'arrêt Airey Irlande de 1979 rendu en matière d'aide judiciaire. Dans cette décision la Cour affirme que la Convention a pour but de protéger des droits non pas théoriques et illusoires, mais concrets et effectifs Il faut rechercher si, concrètement, la personne était en mesure d'exercer ses droits procéduraux, si les garanties qui ont été accordées dans le cadre de la procédure lui étaient réellement accessibles. [...]
[...] S'assurer de la comparution personnelle du prévenu incapable à l'audience semble cependant largement insuffisant dès lors que l'altération de ses facultés mentales amoindrit ses capacités de compréhension. Sa présence physique à l'audience ne garantit pas qu'il soit capable de se défendre seul et qu'il puisse juger de l'intérêt d'exercer une voie de recours. La Cour affirme qu'à défaut d'obliger la personne poursuivie à comparaître, les autorités nationales auraient dû permettre sa représentation. Une telle représentation par le curateur doit être exclue puisque ce dernier ne bénéficie d'aucun pouvoir de représentation du majeur incapable dans les actes de la vie civile. [...]
[...] Ni l'un ni l'autre de ces systèmes ne peuvent toutefois être intégralement transposés à la procédure pénale relative aux incapables majeurs. Le régime civil des incapacités est en effet fondé sur la distinction tutelle, curatelle et sauvegarde de justice qui n'est pas adaptée à la procédure pénale. Quant à la procédure pénale des mineurs, si elle est conçue dans un esprit de protection du mineur, elle concerne des responsables pénaux sur lesquels s'exerce l'autorité parentale et pour lesquels une action éducative est l'objectif prioritaire. Tel n'est pas le cas pour les incapables majeurs. [...]
[...] Le Gouvernement met en avant le fait que le majeur a été placé sous curatelle et non pas sous tutelle. L'argument, auquel la Cour ne répond pas, paraît peu solide, les régimes de protection des majeurs étant tous concernés par l'art c. civ. qui dispose que lorsque les facultés mentales sont altérées par une maladie, une infirmité ou un affaiblissement dû à l'âge, il est pourvu aux intérêts de la personne par l'un des régimes de protection prévus aux chapitres suivants L'altération des facultés personnelles peut, selon son degré de gravité, fonder l'ouverture d'une curatelle comme l'ouverture d'une tutelle. [...]
[...] Le tribunal peut cependant lui imposer une assistance s'il estime que le prévenu est atteint d'une infirmité de nature à compromettre sa défense Des dispositions permettant d'assurer la défense du prévenu incapable non comparant existent, néanmoins, la représentation du majeur incapable par un avocat n'apparaît pas de nature à remédier aux insuffisances constatées par la Cour européenne. L'avocat peut certes informer, conseiller et défendre très utilement son client, mais il ne saurait se substituer à lui pour prendre certaines décisions essentielles telles l'exercice d'un recours. L'arrêt X . impose la recherche d'autres solutions plus propres à satisfaire l'objectif d'effectivité du droit à un procès équitable pour les majeurs incapables. B - La recherche de mesures adaptées La condamnation de la France se fonde essentiellement sur la violation de l'art Conv. [...]
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