La Révolution française a consacré une conception légaliste du droit en réaction à l'arbitraire royal. Seule l'Assemblée Nationale «expression de la volonté générale» est légitime à créer une règle de droit. Cette conception légaliste, bien qu'assouplie, est particulièrement prégnante en droit pénal. Le droit pénal, branche du droit qui réprime ces comportements attentatoires aux valeurs sociales en les incriminant et en les sanctionnant pas des peines, est par essence un droit attentatoire aux droits et libertés individuels.
Intrinsèquement dangereux pour l'individu, le droit pénal doit se préserver de tout risque d'arbitraire. Cette crainte s'est traditionnellement accompagnée d'une certaine déficience à l'égard du juge, héritée des révolutionnaires et est donc à l'origine du rôle limité de la jurisprudence en droit pénal.
Pourtant, cette conception traditionnelle a vécu et il semble que la jurisprudence soit devenue peu à peu une source à part entière du droit pénal En effet, sa limitation au rôle d'interprète implique une certaine qualité de la norme. Cette dernière doit être claire et précise et ne pas donner lieu à des hésitations et incertitudes fondées sur des ambiguïtés et des contradictions. En présence de telles malfaçons, le juge doit tout de même statuer afin de ne pas tomber sous le coup du déni de justice, interdit par l'article 4 du Code civil et incriminé à l'article 434-7-1 CP, et la jurisprudence pourra alors faire œuvre créatrice.
[...] La jurisprudence interne a récemment opéré un tel contrôle. Il s'agit de deux arrêts rendus en matière d'infractions de presse (Crim 16 janvier 2001 et Crim 20 février 2001). Le dernier arrêt est particulièrement significatif puisqu'il approuve les juges du fond d'avoir refusé l'application de l'article 38 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881 au motif que l'interdiction trop générale qu'il contient viole le principe de légalité, faute de permettre au justiciable de déterminer les conséquences pénales de ses actions. [...]
[...] La jurisprudence devra alors définir le harcèlement en fonction des diverses espèces. La conception traditionnelle de la jurisprudence, simple «bouche de la loi» semble aujourd'hui dépassée. De plus, la création de l'Ecole Nationale de la Magistrature en 1958 a donné aux juges et à la jurisprudence une nouvelle légitimité. La jurisprudence est désormais le fait de magistrats recrutés en fonction de leurs compétences techniques et humaines. Enfin, la complexité contemporaine de la norme pénale a réhabilité la jurisprudence qui participe désormais du bon fonctionnement du droit pénal. [...]
[...] Cette jurisprudence permet d'éviter l'impunité des auteurs en raison de la spécificité de ces infractions. Ce sont des infractions occultes et qui ne peuvent être découvertes que tardivement, et après que le délai de prescription se soit écoulé. En retardant le point de départ, la jurisprudence assure la répression des auteurs de telles infractions. Toutefois, cette solution perturbe les prévisions de l'auteur de la norme pénale qui ne distingue pas de règles spécifiques en matière d'infractions occultes. Enfin, la jurisprudence peut perturber la norme pénale, telle que l'avaient conçue ses auteurs, en l'appliquant selon sa propre analyse. [...]
[...] Le magistrat pouvait alors être taxé de clientélisme et de partialité. En lui interdisant de créer du droit pénal, le but est d'assurer un traitement équitable et une certaine cohérence du système. Le corollaire de ces objectifs est le principe de non- rétroactivité de la loi pénale (ici entendue au sens large de norme pénale) consacré à l'article 112-1 CP. La non-rétroactivité assure la sécurité juridique des citoyens, on ne peut leur reprocher un comportement non incriminé lors de sa commission, à charge pour eux de s'informer du contenu de la loi pénale. [...]
[...] Enfin, le droit pénal est de plus en plus sensible à l'influence de jurisprudences extra-nationales telles que les jurisprudences communautaire et européenne, et ce, en raison de la place de ces branches du droit dans la hiérarchie des normes. Le rôle de la jurisprudence en droit pénal est finalement complexe à appréhender. Si, au regard des sources traditionnelles du droit pénal que sont la loi et le règlement, la jurisprudence apparaît comme une source du droit pénal en quête de légitimité son œuvre créatrice, qu'elle soit interne ou extra-nationale, semble désormais réelle faisant d'elle une source en quête de primauté(II). [...]
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