Contrairement à Rossi qui considérait, en 1829, dans son Traité de Droit Pénal que la prison était « la peine par excellence des sociétés civilisées » car elle offrait « le plus d'avantages (…) et le moins de défauts », la conception actuelle tend vers une consécration des alternatives à l'emprisonnement. Cette volonté marquée du législateur s'inscrit dans un mouvement plus large d'individualisation de la peine.
La peine est une notion large pouvant être définies de différentes manières. D'un point de vue stricto sensu, la peine est la mesure pénale prononcée par un juge dans un jugement en répression d'un comportement fautif pénalement réprimé. Mais c'est une conception beaucoup plus large qui fut retenue par les rédacteurs du Code Pénal (CP) de 1994 qui expliquèrent dans l'exposé des motifs que la notion de peine recouvrait toutes les sanctions pénales : peines au sens strict, mesures de sûreté, voire mesures administratives.
Toute société dispose d'un système pénal lui servant à se protéger des violations des normes sociales, et à sanctionner le cas échéant de telles violations. Chaque peine a une fonction utilitaire et une fonction morale dont les éléments seront plus ou moins mis en valeur en fonction des choix de société.
La fonction utilitaire se décompose en trois points : la peine doit être exemplaire et selon les cas viser l'élimination ou la réinsertion sociale de l'individu. Plus précisément, la peine doit avoir un effet intimidant sur la personne visée, mais aussi sur l'ensemble de la société. Elle doit aussi permettre d'éliminer, définitivement ou temporairement, les individus les plus dangereux, et permettre la réadaptation sociale de tous ceux qui ont vocation à retourner un jour dans la société.
Quant à la fonction morale, elle se décline sous deux formes : elle doit permettre la réparation du préjudice causé à la société par la commission de l'infraction (fonction rétributive) et elle doit être ressentie comme une souffrance, une privation de liberté (fonction expiatoire ou moralisatrice).
Pour poursuivre ces objectifs la peine nécessite d'être individualisée, c'est-à-dire adaptée à la personne à laquelle elle est sensée s'appliquer. Le Code Pénal lui préfère le terme de personnalisation car il est permet d'appliquer ce principe aux personnes morales. Celles-ci, bien que n'étant pas des individus, sont des personnes qui ne disposent par exemple pas des mêmes ressources financières. Il faut donc aussi « personnaliser » leurs sanctions. Toutefois, le Conseil Constitutionnel (CCl) continue pour sa part d'employer le terme d'individualisation.
L'individualisation de la peine consiste donc à prononcer et à faire exécuter une peine que l'on a adaptée à la personne à l'encontre de laquelle elle est prononcée. Cette technique juridique n'a pas toujours été l'option retenue.
Le Code Pénal de 1791 avait une conception très rigoriste du principe de légalité des peines. Celui-ci avait prévu une application stricte de la loi grâce à un système de peines fixes qui avait pour objectif de lutter contre l'arbitraire en place sous l'Ancien Régime. Cette véritable dictature de la loi n'octroyait au juge qu'un rôle de distributeur de peines fixes.
L'Empire modifia ce système contraire au bon sens et à l'équité en permettant au juge de moduler le quantum de la peine grâce au jeu des circonstances atténuantes. Les réformes successives augmentèrent progressivement le pouvoir d'individualisation de la peine du juge afin de favoriser la réinsertion et de limiter l'effet désocialisant de la peine. Le juge est dorénavant considéré comme une garantie des libertés individuelles.
Ce principe d'individualisation de la peine est un pouvoir pour le juge mais aussi une obligation. Elle est aujourd'hui omniprésent en droit pénal : du prononcé de la peine par la juridiction de jugement à l'application de celle-ci par la juridiction d'application de la peine.
Les différentes réformes ont notamment permis aux juridictions de jugement de prononcer ab initio certains aménagements de l'exécution de la peine (semi-liberté ou placement sous surveillance électronique). De plus, le juge de l'application des peines (JAP) a vu son domaine d'intervention élargi et la valeur de ses décisions augmentée.
Le principe d'individualisation de la peine, malgré quelques obstacles, semblent être actuellement un pilier fondamental du droit pénal français.
Cette appréciation est renforcée par la sorte de valeur constitutionnelle qui lui est attribuée plus ou moins implicitement par le CCl. En effet, ce principe d'individualisation de la peine n'est nullement présent au sein des textes formant le bloc de constitutionnalité. Mais, à partir de 1978, le CCl va mettre en place une jurisprudence qui va progressivement reconnaître une valeur particulière à ce principe. L'étude a contrario de sa décision du 19 et 20 janvier 1981 nous révèle que ce principe est un fondement de la répression pénale. Plus récemment, en 2005, il va le rattacher à l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 qui, lui, a valeur constitutionnelle. Enfin, sur le plan international, ce principe apparaît dans la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) comme la conséquence nécessaire de l'exigence d'un procès équitable inscrit à l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH).
Personnalisée lors de son prononcé, la peine peut aussi l'être au cours de son exécution. Ce sujet est l'un des plus sensibles du droit pénal car les citoyens comprennent souvent mal que la sentence pénale ne soit pas exécutée dans son entièreté. Contrairement à l'individualisation lors du prononcé de la peine, les dispositions relatives à l'individualisation lors de l'application de la peine sont prévus dans le Code de Procédure Pénale à l'article 707.
Ce sujet très à la mode a fait l'objet de plusieurs reformes ces dernières années. La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, qui fait suite au rapport WARSMANN sur les alternatives à la détention et les courtes peines de prison, est sûrement la plus importante. Mais les lois du 10 juin 2000 sur la présomption d'innocence et du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive ne sont pas à négliger.
L'art 707 pose les principes généraux de l'application des peines. Il est important d'étudier ces derniers (A) avant d'examiner le contenu et les obstacles des mesures d'individualisation post-sententielle (B).
[...] Mais cette possibilité pour le JAP d'aménager les peines lors de leur exécution n'est pas sans limites. Il existe des hypothèses dans lesquelles son pouvoir d'action est très limité Contraintes légales Tout d'abord, selon les articles 131-9 et 131-11, lorsqu'elle prononce un stage de citoyenneté, une ou plusieurs mesures privatives ou restrictives de liberté, un TIG, ou une peine complémentaire, la juridiction de jugement peut fixer la durée maximum de l'emprisonnement ou le montant maximum de l'amende dont le JAP pourra ordonner la mise à exécution, en tout ou partie, si le condamné ne respecte pas les obligations ou interdictions résultant de la ou des peines prononcées. [...]
[...] L'art 712-1 CPP dispose que le JAP est chargé de fixer les principales modalités de l'exécution des peines privatives de liberté ou de certaines peines restrictives de liberté en orientant et en contrôlant les conditions de leur application IL détient ainsi l'essentiel des pouvoirs d'individualisation post-sentencielle de la peine. Le Tribunal de l'application des peines (TAP) est quant à lui compétent pour les décisions les plus graves, c'est-à-dire celles concernant les longues peines. De plus, il est compétent en matière de libération conditionnelle pour les peines de moins de 10 ans et en matière de suspension de peine pour raisons médicales. [...]
[...] L'individualisation de la peine consiste donc à prononcer et à faire exécuter une peine que l'on a adaptée à la personne à l'encontre de laquelle elle est prononcée. Cette technique juridique n'a pas toujours été l'option retenue. Le Code Pénal de 1791 avait une conception très rigoriste du principe de légalité des peines. Celui-ci avait prévu une application stricte de la loi grâce à un système de peines fixes qui avait pour objectif de lutter contre l'arbitraire en place sous l'Ancien Régime. [...]
[...] Le principe est d'empêcher toute mesure d'individualisation pendant un certain temps à cause de la gravité de l'infraction, mais aussi, et surtout à cause de la dangerosité du condamné. La période de sûreté est donc par un certain côté une mesure de sûreté. Elle est en principe de la moitié de la peine et de 18 ans en cas de perpétuité mais elle peut être diminuée ou rallongée en fonction des circonstances de l'infraction. Dans certaines infractions, la cour peut prononcer la perpétuité, porter la période de sûreté à 30 ans et interdire toute mesure d'individualisation de la peine. [...]
[...] La balance entre protection de la société et réinsertion de l'individu est très sensible et reflète les tendances plus ou moins sécuritaires d'une société. Bibliographie DESPORTES et LE GUNEHEC Le Nouveau Droit Pénal, Tome 1 : Droit Pénal Général, 14ème éd., Economica STEFANI LEVASSEUR et BOULOC Droit Pénal Général, Précis Dalloz, 18ème éd., Dalloz, sept 2003 LEROY Droit Pénal Général, L.G.D.J CONTE et M. DE CHAMBON Droit Pénal Général 7ème éd., Armand Collin PRADEL Droit Pénal Général, 16ème éd., Cujas BOULOC Pénologie, Précis Dalloz, 3ème éd., Dalloz, mai 2005 MERMAZ FLOCH La France face à ses prisons, Rapport Assemblée Nationale juin 2000, n°2521 WARSMANN les peines alternatives à la détention, les modalités d'exécution des courtes peines, la préparation des détenus à la sortie, Rapport pour le Ministre de la Justice, La Documentation Française avril 2003. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture