Une infraction pénale pour exister et être invoquée, doit être constituée d'un élément matériel, d'un élément moral et d'un élément légal qui ne doit pas être neutralisé par un fait justificatif. C'est sur l'existence d'une infraction pénale que la Cour de cassation a eu statué dans son arrêt de la chambre criminelle du 11 mai 2004.
Il s'agissait en l'espèce de Liliane X…, salariée de la société Pierson qui au cours de l'année 1999 a été démise progressivement de ses fonctions au profit d'une nouvelle salariée et qui comprenant par son directeur général que son poste allait être supprimé s'est renseignée à l'inspection du travail qui lui a conseillé pour la constitution de son dossier en cas d'instance prud'homale d'avoir des justificatifs. Ainsi Mme X… a photocopié des documents appartenant à la société, tels que des bulletins de salaire.
Licenciée pour motif économique, elle conteste le bien fondé du licenciement devant le Conseil de Prud'hommes en produisant pour sa défense les documents photocopiés démontrant son absence d'inaptitude en tant que comptable au sein de la société Enerys. Elle a également été renvoyée devant la juge correctionnel pour le chef d'accusation de vol de deux bulletins de paie et de photocopie de divers documents appartenant à la société.
[...] Ainsi, l'action même du vol en l'espèce ne correspond pas strictement à celle de l'état de nécessité. Par ailleurs, on peut s'interroger quant au caractère actuel du vol en l'espèce. En effet, la jurisprudence et les textes de droit pénal exigent une certaine proximité temporelle entre le danger et l'acte accompli pour l'état de nécessité, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Ainsi, la critique peut être virulente contre la solution de la Cour de cassation d'autant plus que son raisonnement qui consiste en le fait de déduire de l'absence de l'élément moral la nécessité de l'acte est douteux. [...]
[...] Le juge correctionnel la relaxe aux motifs qu'elle avait régulièrement accès à ces documents dans le cadre de ses fonctions et que l'élément moral du vol (l'intention de nuire) manque puisqu'elle a voulu utiliser ces documents à la seule fin de se défendre en justice et se constituer des preuves contre son employeur. L'employeur se pourvoit donc en cassation au moyen que la soustraction frauduleuse est constitutive de vol quelque soit le mobile et l'utilisation du bien volé qui ne constituent pas l'élément moral étant entendu comme l'imputabilité et la culpabilité de l'auteur, il reproche à l'arrêt la violation de l'article 311-1 du Code pénal. L'infraction pénale qu'est en l'espèce le vol, est-elle constituée, existante ? Ou du moins est-elle neutralisée par un fait justificatif ? [...]
[...] Quant à l'acte accompli par elle, le vol il était en effet nécessaire, c'est la seule chose que souligne la Cour de cassation dans sa solution et également proportionné puisque le vol n'a duré que le temps nécessaire à la reproduction des documents pouvant protéger ses droits de défense. Ainsi, les conditions de l'état de nécessité correspondent à l'espèce, mais la cour n'a pas explicitement établi cette analyse, car son raisonnement parait critiquable. Un rapprochement critiquable La critique porte sur le but de l'état de nécessité et ses conditions qui ne sont pas toutes remplies en l'espèce mais on ne peut pas le reprocher vivement à la chambre criminelle qui a donné une solution avec des sous-entendus afin de s'intercaler avec la chambre sociale La critique relative aux conditions de l'état de nécessité et à son action : Tout d'abord, l'état de nécessité est normalement contre un tiers et non contre l'agresseur. [...]
[...] Tout en écartant le moyen du pourvoi et confirmant ainsi la solution de l'arrêt attaqué qui déclare irresponsable pénalement l'employée de la société, la Cour de cassation procède à une argumentation hésitante et peut claire. C'est en effet parce que sa réponse au problème posé est incohérente qu'elle établit plusieurs arguments qui se combinent les uns avec les autres. En effet en premier lieu la Cour de cassation ne répond pas au moyen du pourvoi et ainsi n'infirme pas l'arrêt attaqué et son argument concernant l'élément moral et donc l'existence du vol Cependant dans son raisonnement elle apporte un autre argument, elle explique que de toute façon l'acte est justifié, on peut donc en déduire que le vol est neutralisé (II). [...]
[...] En effet pour appuyer sa solution la Cour de cassation tente de neutraliser l'élément légal par l'état de nécessité implicitement ce qui peut être critiquable Le rapprochement hésitant à l'état de nécessité par la Cour Si la Cour de cassation ne dit explicitement qu'elle utilise l'état de nécessité pour justifier le vol la correspondance entre l'espèce et le fait justificatif est volontairement troublante La seule justification mise en avant : la nécessité de l'acte pour l'exercice des droits de la défense Était strictement nécessaire à l'exercice des droits de sa défense dans le litige l'opposant à ce dernier La Cour de cassation ne dit pas explicitement qu'elle utilise un fait justificatif pour neutraliser l'infraction pénale et rendre ainsi l'auteur du vol irresponsable pénalement, elle évoque seulement la nécessité de l'acte pour l'exercice d'un droit ce qui ne constitue qu'un seul élément de l'état de nécessité. Cependant, on peut se douter qu'en l'espèce la cour a voulu évoquer implicitement l'état de nécessité comme cause objective d'irresponsabilité pénale, car ses conditions se rapprochent de l'espèce comme la formulation donnée par la chambre à sa solution. La correspondance possible entre l'espèce et l'état de nécessité : En cas d'état de nécessité le danger doit être actuel, injuste et non du à la propre faute de l'agent. [...]
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